Réalisation : Soi Cheang
Scénario : Kin-Yee Hau
Directeur de la Photographie : Siu-Keung Chen
Montage : David Richardson
Musique : Kenji Kawai
Production : Defu Jiang, Stanley Tong, Kevin Tse, Paco Wong, Wilson Yip
Pays : Hong Kong, Chine
Durée : 1h58
Sélection Etrange Festival 2021

Acteurs Principaux : Ka Tung Lam, Yase Liu, Mason Lee, Hiroyuki Ikeuchi, Hanna Chan, Fish Liew
Genre : Polar urbain, Drame
Note : 7,5/10
Toujours au menu de l’Etrange Festival, voici un polar qui fait plus que tenir ces promesses. Deux flics de Hong-Kong – le jeune idéaliste et l’expérimenté borderline – traquent un tueur en série qui coupe les mains des femmes. A trop se pencher au-dessus du vide ordures où semblerait « vivre » le coupable, ils tombent dans un étrange pays, qui n’a vraiment rien à voir avec celui de la poubelle magique. C’est celui des junkies, des dealers, des S.D.F revanchards, tous ces laissés pour compte de la grande ville qui s’entassent dans d’immenses décharges à ciel ouvert au coeur de la mégalopole. Au milieu d’eux se trouve Wong To, une jeune femme fatiguée coupable de l’accident de la femme et de la fille du flic expérimenté. Elle se propose comme indic pour les aider à trouver le coupable, une façon d’expier sa faute et obtenir le pardon de l’homme dont elle a gâché la vie. Mais la jeune femme n’a pas choisi le chemin le plus court vers ce pardon.
Soi Cheang est devenu réalisateur il y’a 22 ans, au lendemain de la rétrocession de Hong-Kong à la Chine. A ce titre, il fait partie de la (très) shortlist des réalisateurs Hong-Kongais qui ont su briller alors que l’âge d’or du polar/actioner Hong-Kongais était déjà un souvenir. On lui doit notamment les surprenants Dog Bite Dog et Love Battlefield, que vient désormais rejoindre cette brillante adaptation du roman Wisom Teeth de Lei Mi. Le polar urbain désespéré a connu de nombreux avatars depuis que Seven a ouvert la plaie, mais ils nous offraient généralement quelques instants de répit pour ponctuer les horreurs qu’il nous assénait. Limbo n’attend pas son deuxième tiers pour immerger les deux enquêteurs dans ses poubelles à ciel ouvert, sur de longues scènes très tendues, et ils ne sortiront que rarement la tête hors de ces limbes. Seuls les plans larges de la ville – plutôt arides – constitueront un échappatoire à cette exploration du terrain du tueur. Le très beau noir & blanc et les notes lourdes de Kenji Kawai (Ghost in the Shell, Avalon) rendent l’atmosphère encore plus hors du temps et de l’espace, inquiétante, étouffante. Limbo est un polar social intelligent qui parvient à jouer sur des tons de gris, même lorsqu’il décrit un homme devenu un fléau pour les femmes de sa condition ou un flic qui aurait pu très vite tomber dans les clichés du roublard revanchard. Il n’évite pas tous les clichés du genre, mais il balance tellement de crochets dans la face, il fait tellement ressentir les coups portés à ses personnages (en particulier celui incarné par Yase Liu) et il porte tellement loin ses suspens qu’on ne peut pas lui en vouloir de suivre une route un peu balisée. On connaît certainement la fin de ce genre d’histoires, mais voir une variation aussi inspirée et aussi belle fait toujours du bien.
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