Réalisation : Joel Coen
Scénario : Joel Coen, d’après William Shakespeare
Directeur de la Photographie : Bruno Delbonnel
Montage : Reginald James (Joel Coen), Lucian Johnston
Musique : Carter Burwell
Chef Décorateur : Stefan Dechant
Direction Artistique : Jason T. Clark
Production : Joel Coen, Catherine Farrell, Robert Graf, Frances McDormand
Pays : USA
Durée : 1h45
Sortie française le 14 janvier 2022 sur Apple TV+

Genre : Drame, Fantastique, Historique
Note : 7/10
En adaptant MacBeth, Joel Coen ne cherche pas à succéder aux nombreux réalisateurs qui ont porté à l’écran la pièce de William Shakespeare (Parmi eux, Orson Welles en 1948, Roman Polanski en 1971, ou plus récemment Justin Kurzel). C’est une commande atypique qui lui est venue de sa femme, Frances McDormand, qui interpréta Lady MacBeth sur les planches et qui souhaitait ardemment que Joel la mette en scène. Bien sûr, il ne pouvait le faire qu’au cinéma. Les époux portent donc cette adaptation, sans le beau-frère Ethan. Il ne faut donc pas s’attendre à voir du Coen Brothers pur jus – par exemple un détournement moderne comme ils l’ont fait avec l’Odyssée sur O’Brother. Et c’est effectivement ce que ce MacBeth n’est pas. Fidèle et révérencieuse à la pièce, cette version ne la détourne d’aucune manière, donnant à voir une chronologie très fidèle et pareillement elliptique (le film ne dure que 1h45 pour un grand nombre d’événements) de la déchéance morale des époux MacBeth pour l’accès au pouvoir. Le ton de l’absence de spectaculaire est donné dès les premières minutes, alors que les faits d’armes de MacBeth déroulés hors champ sont rapportés au roi par différents messagers. The Tragedy of MacBeth ne profitera pas de ses moyens cinématographiques pour donner de l’ampleur au contexte de la tragédie, mais pour enfermer le couple dans leur microcosme, avec un nombre de personnages aussi limité qu’au théâtre. Ce choix étonnant (et un peu perturbant au début) permet d’adopter leur point de vue désintéressé des affaires extérieures et du peuple et qui se replie progressivement jusqu’à ce que leurs actes les conduisent à la folie. Un parti pris qui n’a qu’un léger contrepoids, au point que la réputation de MacBeth dans son royaume a déjà glissé avant que le couple ou le spectateur ne s’en rendent compte.
Le choix de tourner en studio achève d’imprimer ce sentiment d’irréel. Les décors sont purgés de tout accessoire, éliminés de tout ce qui pourrait détourner l’attention des acteurs. La brume est omniprésente (la pièce se déroule dans l’Ecosse médiévale), prompte à faire surgir à tout moment des créatures aussi fantastiques que les trois sorcières du début du film. Joel Coen, qui a toujours été à la réalisation sur les films des « frères Coen », n’a pas abandonné l’élégance et le sens de la composition des plans de ses films précédents. Avec son chef opérateur Bruno Delbonnel (déjà présent sur Inside Llewyn Davis et The Ballad of Buster Scruggs), il utilise le noir & blanc avec autant d’inspiration que pour The Barber, et un je ne sais quoi de mysticisme supplémentaire. Denzel Washington et Frances McDormand apportent une dimension plutôt inédite et humaine au couple MacBeth, de par leur âge avancé (on sent le poids des sacrifices endurés et l’envie de saisir la dernière chance) et une interprétation minimaliste. On pourrait regretter le côté verbeux et répétitif des tirades marmonnées – Washington est un spécialiste – et souhaiter que l’expressionnisme visuel s’exprime également dans l’interprétation, pour apporter un peu plus d’émotions, de relief et de ruptures de ton, comme les Coen nous ont habitué, mais la fidélité était visiblement l’intention du projet. The Tragedy of MacBeth est au final une adaptation scolaire, qui se suit un peu comme un trip ne laissant dans l’esprit que ses somptueuses compositions visuelles.
Votre commentaire