Réalisation : Kinuyo Tanaka
Scénario : Yasujirō Ozu, Ryōsuke Saitō
Directeur de la Photographie : Shigeyoshi Mine
Montage : Mitsuo Kondō
Musique : Takanobu Saitō
Direction Artistique : Takeo Kimura
Assistant Réalisatrice : Buichi Saitô
Production : Hideo Koi
Pays : Japon
Durée : 1h42
Sortie au Japon le 8 janvier 1955. Sortie française en salles le 16 février 2022 (Carlotta)

Acteurs Principaux : Chishu Ryu, Shûji Sano, Hisako Yamane, Yôko Sugi, Mie Kitahara, Kinuyo Tanaka
Genre : Chronique, Comédie romantique
Note : 7,5/10
Depuis le 16 février, une poignée de cinémas parisiens rendent hommage à la réalisatrice Kinuyo Tanaka. Celle qui fut d’abord considérée comme une des plus grandes actrices japonaises, pour avoir tourné notamment avec Kenji Mizogushi et Yashihuro Ozu et enchaîné plus de 250 films dans une carrière démarrée démarrée au temps du muet en 1924 – devint en 1953 la seconde femme japonaise à passer derrière la caméra. La France peut enfin découvrir ses six films en salles grâce aux restaurations effectuées récemment au Japon, au distributeur Carlotta et à ces quelques salles qui ont bien voulu jouer le jeu. Son deuxième film, la lune s’est levée bénéficie d’une belle restauration 4K à partir du positif 35mm original conservé par la Nikkatsu Corporation. Elle permet de profiter pleinement des paysages de campagne de Nara – qui fut un court temps capitale du Japon – et qui est le lieu où se déroule cette chronique à la fois simple et universelle. Un vieil homme vit près du temple bouddhiste Tōdai-ji avec ses trois filles Chizuru, Ayako et Setsuko. Chizuru est veuve, Ayako est une célibataire endurcie et la pétillante Setsuko rêve de partir vivre à Tokyo. Cette dernière traîne beaucoup avec Shoji, le frère du défunt mari de Chizuru. Lorsque le meilleur ami de Joshi vient les visiter, la benjamine est persuadée qu’Ayako et lui sont tombés amoureux lorsqu’ils se sont vus quelques années plus tôt et elle fait tout pour les rapprocher. Ce petit jeu de Cupidon aura une toute autre saveur lorsqu’elle même se retrouvera piégée par l’amour.
La lune est levée est un beau film qui pose un regard presque naïf sur le couple, la famille, et de façon plus générale sur la période qui sonne l’arrivée de l’âge adulte en ces années 50 nippones. Un regard qui épouse le point de vue de Setsuko, campée avec énergie par l’intrépide Mie Kitahara -scénariste en herbe de la vie de sa soeur. Le vrai scénario de Yasujirō Ozu et Ryōsuke Saitō décrit cette petite communauté entourant le Temple avec un humour certain, mais dans un respect et une bienveillance qui rend chacun des personnages particulièrement attachant. Le cadre nocturne et la fameuse lune (dont on parle plus que de raison, et surtout dans les moments de gêne) sont les témoins de leurs aventures sentimentales, intermèdes de folie douce avant un futur qui s’annonce particulièrement bien réglé dans la capitale. Tanaka créé des souvenirs de famille inoubliables, des instantanés particulièrement beaux et des plans qui relèvent souvent de vignettes, aux frontières de la poésie visuelle. Dans l’esprit, nous ne sommes pas très loin des comédies romantiques feelgood (hors screwball) qui se font à la même époque de l’autre côté du Pacifique, mais il y’a une forme de quiétude et de paix et une pudeur qu’on ne trouve pas à Hollywood. Les notes du score mélodique de Takanobu Saitō nous bercent dans la bonne direction dans cette ballade revigorante qui mérite franchement le détour en salles.