Killers of the Flower Moon

A la fin du XIXème siècle, dans l’actuel comté d’Osage en Oklahoma, les indiens osages découvrent accidentellement du pétrole dans leur réserve. Etant propriétaires de leurs terres, chacun d’entre eux se voit attribuer une redevance par les exploitants pétroliers en vertu d’un droit d’exploitation qu’ils ne peuvent pas vendre, ni céder et qui ne se transmet que par héritage. Dans les années 1920, la croissance du marché du pétrole a vu la richesse des osages augmenter de façon considérable, si bien que leurs conditions de vie sont supérieures à celles des blancs installés dans la région. De nombreux osages sont bientôt retrouvés morts, mais aucune enquête n’est menée à son terme.

C’est dans ce contexte qu’Ernest Burkhart, ancien soldat sur le front européen, vient travailler pour son oncle William Hale qui vit à Fairfax, sur les terres des osages. Ce dernier qui se fait appeler « King » connaît très bien les autochtones. Lorsqu’Ernest lui confie être amoureux de Molly, une jeune osage qu’il transporte régulièrement en taxi, King le presse de la demander en mariage. Ce mariage serait une aubaine, car leurs enfants seraient en droit d’hériter des terres de la famille de Molly. Alors qu’Ernest et Molly fondent leur foyer, les décès s’accumulent autour de la jeune femme. Diabétique, elle voit sa santé se détériorer. Elle rejoint son peuple lorsqu’ils décident d’engager un détective pour enquêter sur les crimes commis contre les siens.

Le nouveau film de Martin Scorsese était attendu depuis cinq ans. Son tournage a fait les frais de la pandémie, ce qui permis quelques ajustements scénaristiques et l’arrivé d’Apple à la production (le précédent film de Scorsese, The Irishman, était sous la bannière Netflix). Nous avons enfin le plaisir de le découvrir en salle. Du haut de ses 3h26, Killers of the Flower Moon est bien une fresque, mais elle n’a pas les atours des Affranchis, de Casino ou de Gangs of New York. Si on y retrouve les mêmes travellings majestueux, des similarités de construction et une reconstitution irréprochable, tout se joue à une échelle plus réduite et surtout hors de la lumière. Le réalisateur décrit une mécanique insidieuse opérée sur un temps long, qui se joue à la fois dans le domaine de la violence et celui de la légalité. Il prend aussi son temps pour installer le contexte et toute une constellation de personnages, pour donner vie à cette petite communauté qui constitue une exception. Il est passionnant dans ce qu’il raconte du rapport à l’argent des osages, des stratégies d' »investissement » établies par les blancs pour reprendre le pouvoir et du désintérêt « intéressé » des autorités locales. Le réalisateur décrit avec froideur la dépersonnalisation des osages, réduits à leurs possessions, une froideur d’autant plus glaçante qu’elle d’apparente à l’invasion d’un prédateur parasite. Il ne faudra pas chercher de grandes envolées car tout est larvé dans Killers of the Flower Moon, tout est dans le non-dit. Cette lente et clinique destruction d’une famille de l’intérieur côtoie pourtant – à l’occasion – des sentiments réels et profonds. Lily Gladstone, vue dans plusieurs films de Kelly Reichardt est un peu le coeur du film. Discrète mais impériale, son charisme joue à armes égales avec celui d’un Robert De Niro lui aussi plus consommé qu’à l’habitude et d’un Leonardo Di Caprio héritant avec talent d’un rôle un peu ingrat (il devait à l’origine incarner l’agent du FBI joué par Jesse Plemons). Au delà de son importance pour la mémoire des évènements, Killers of the Flower Moon est un film sur la face sombre de l’Amérique comme seul Martin Scorsese sait en faire. A presque 81 ans, il n’a rien perdu de son approche frontale et de ses talents de conteur.

Réalisation : Martin Scorsese

Scénario : Eric Roth & Martin Scorsese, d’après le roman de David Grann

Directeur de la Photographie : Rodrigo Prieto

Montage : Thelma Schoonmaker

Musique : Robbie Robertson

Chef Décorateur : Jack Fisk

Direction Artistique : Matthew Gatlin, Michael Diner, Jordan Crockett, Spencer Davidson, Marisa Frantz, Megan McClure

Production : John Atwood, Marianne Bower, Justine Conte, Leonardo DiCaprio, Lisa Frechette, Dan Friedkin, Niels Juul, Shea Kammer, Daniel Lupi, Martin Scorsese, Adam Somner, Bradley Thomas, Rick Yorn

Pays : USA

Durée : 3h26

Sortie en salles le 17 octobre 2023

Acteurs Principaux : Lily Gladstone, Robert De Niro, Leonardo DiCaprio, Jesse Plemons, Tantoo Cardinal, John Lithgow, Brendan Fraser, Cara Jade Myers, Scott Shepherd, William Belleau, JaNae Collins, Jason Isbell, Jillian Dion, Louis Cancelmi, Gary Basaraba, Pat Healy, Charlie Musselwhite

Genre : Drame historique, polar, western

Note : 8/10

3 commentaires sur “Killers of the Flower Moon

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  1. Je trouve au contraire le « Killers of the Flower Moon » très connecté avec certaines oeuvres phares de Scorsese comme « les Affranchis » ou « Casino ». Il a d’ailleurs demandé à Eric Roth de travailler le scénario du point de vue des criminels, ce qui le rapproche en cela des deux films cités. L’aspect « fleuve » le rapproche de « Casino » (où l’on expliquait déjà que les fortunes s’étaient bâties sur des terres appartenant aux Indiens), avec une première partie quasi-documentaire (Scorsese vient de là, il ne faut pas l’oublier) qui contextualise les faits, puis le déroulement des faits avec un brin de cynisme, sans jamais verser dans le mélodrame, avant d’en chanter le déclin. La conclusion est remarquable, ce qui est souvent le cas des grands films.

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