Le Règne Animal

On aura du mal à passer à côté du Règne animal car un film fantastique français qui s’assume, qui tient bon dans les salles obscures presque deux mois après sa sortie et qui bénéficie toujours d’un bon bouche à oreille, cela ne court pas les rues. Thomas Cailley, réalisateur des Combattants et créateur de la série policière d’anticipation Ad Vitam (diffusée sur arte) n’était pourtant pas tout désigné pour raconter cette histoire de mutations animales d’une partie de la population. Peu porté sur le fantastique, et particulièrement sur le sous-genre des mutations corporelles, il a eu un coup de coeur pour un scénario d’une étudiante de la FEMIS, Pauline Munier, qui comportait des personnages aux traits d’animaux. Ils retravaillent le scénario pour qu’ils devienne l’histoire d’un père et de son fils, puis le confinement fait son entrée dans le processus créatif. Thomas Cailley observe les effets de la Covid et comment la panique a laissé la place à une certaine normalisation de la situation. Il décide de décrire cette phase de blasitude où la population commence à accepter la mutation comme faisant partie de son monde et où le « vivre avec » commence à s’organiser, non sans heurts. Le réalisateur joue d’ailleurs très bien avec cette idée dans sa scène d’introduction. Dans une scène « banale » entre un père et son fils, le spectateur assiste à la fuite surprenante d’un mutant transporté aux urgences et il s’attend à ce que les personnages soient surpris, voire effrayés. Mais le sens de la scène est bien différent : il ne fait qu’introduire une relation qui va s’étirer sur tout le film. L’irruption du fantastique est normalisée, intégrée comme un acquis et il le restera durant tout le film. A charge au spectateur de l’accepter sans qu’on le prenne par la main via un personnage introducteur.

Avant de dévier vers le scénario et la réalisation, Cailley produisait des documentaires. C’est peut-être de là que vient ce côté terre à terre du Règne Animal qui s’exprime à la fois par par un regard sans jugement sur la mutation (elle n’est pas forcément ressentie comme mauvaise par le mutant), et par la prédominance d’un sujet ancré dans le réel sur des motifs du cinéma de genre. Pourtant, et à la différence d’un grand nombre de film français utilisant le fantastique comme un prétexte au développement d’une thématique, il immerge complètement le spectateur dans l’univers créé. Il se permet même, à certains moments, de dévier de son récit et de proposer des scènes « exploratives » qui ne font pas particulièrement avancer l’intrigue. Il y’a quelques dispersions dans la première partie, mais lorsque le point de vue se règle sur Emile, le jeune homme interprété avec talent par Paul Kircher, il avance dans une direction plus sûre. Il s’opère alors une fusion plutôt agréable entre le cinéma français grand public et le film fantastique. Le réalisateur s’applique à transmettre l’émotion de son personnage, son ressenti et il ne se restreint pas pour apporter un peu de lyrisme « écologique » à certaines scènes. On pense aux moments de communion entre Emile et le mutant Fix, qui sont bien mis en valeur par la bande originale identifiable d’Andrea Laszlo de Simone. Le choix de tourner en décor naturel et de privilégier la voie des maquillages et des animatroniques accentue également la proximité qu’on ressent avec Emile ou avec les autres mutants en devenir.

La familiarité avec ces personnages et avec ce nouvel « univers » progresse naturellement. Ce côté naturel est à mettre en avant, car tout sonne juste dans Le règne animal, que ce soient les dialogues ou les situations. Le film n’est pas dénué de défauts (il y’a pas mal de longueurs et les scènes entre lycéens alourdissent l’intrigue), mais il propose un degré de finition, de sincérité et une immersion qu’on était en mesure d’attendre du cinéma de genre français depuis 20 ans. Un bel exemple de ce qui peut fédérer le grand public autour d’un film fantastique.

Réalisation : Thomas Cailley

Scénario : Thomas Cailley et Pauline Munier

Directeur de la Photographie : David Cailley

Montage : Lilian Corbeille

Musique : Andrea Laszlo De Simone

Cheffe Décoratrice : Julia Lemaire

Costumes : Ariane Daurat

Ingénieurs du son : Raphaël Sohier, Matthieu Ficher, Nicholas Becker, Niels Barletta

Effets Spéciaux / Maquillages : Frédéric Lainé, Jean-Christophe Spadaccini, Pascal Molina, Cyrille Bonjean

Production : Pierre Guyard, Vincent Lefeuvre

Pays : France

Durée : 2h08

Sortie en salles le 4 octobre 2023

Acteurs Principaux : Paul Kircher, Romain Duris, Adèle Exarchopoulos, Tom Mercier, Billie Blain, Xavier Aubert

Genre : Drame Fantastique

Note : 7/10

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