Perfect Days

Déconnecté. C’est ainsi que se décrit Hirayama, le héros du nouveau film de Wim Wenders. Profession nettoyeur de toilettes publics dans un quartier de Tokyo, la cinquantaine célibataire, solitaire mutique au quotidien très structuré, passionné de musique (en cassette), de photo et de lecture. Jour après jour, il reproduit cette routine à peine altérée par des rencontres fortuites, les « perfect days » du titre. Autant il semble déconnecté de la vitesse, de la communication et des progrès techniques, autant sa connexion avec ses sens et le monde qui l’entoure est profonde. Dans une vie en apparence misérable, Hirayama cherche la beauté où il peut la trouver, il la trouve et il s’en contente. L’irruption dans sa vie de sa nièce qui a fugué, une connexion fugace avec une jeune qui apprécie ses albums de Patti Smith, une brève et puissante retrouvaille avec sa soeur qui trahit un passé commun douloureux. Les éléments qui viennent couper le déroulement de sa vie sont peu légions, et pourtant Perfect Days n’ennuie jamais. Il porte même en lui une vertu revigorante, une joie de vivre brute un peu anachronique qu’on pourrait dans une certaine mesure comparer à celle qui se dégageait de A scene at the Sea. Notre héros nettoyeur est tout aussi lumineux que le petit couple de sourds muet surfeurs qui irradiait la fable estivale de Takashi Kitano. Même si soupçon de mélancolie se loge derrière cette quête de simplicité d’Hirayama. Lorsque Wim Wenders perce la carapace de son personnage, l’émotion est aussi brute que vraie, et elle ne dure pas. On pense au lien qu’il tisse avec sa nièce, la jeune et pétillante Niko, et comment le sentiment de manque se manifeste par touches lorsqu’elle est contrainte de retourner chez elle.

Le réalisateur des Ailes du Désir a beau jeu de filmer Tokyo sous toutes les coutures lors des balades à vélo d’Hirayama. La ville est belle sous l’oeil de l’observateur qui guette le détail atypique et la beauté d’un instant dans un pub ou dans un jardin près de son lieu de travail. Chaque mâtinée est une nouveauté, chaque soir la certitude de tomber dans un sommeil de rêves. Il n’y a pas de plaintes, ni de compétition inutile. La musique est un refuge durable, autant qu’une voix pour exprimer ce qui n’a pas de mot. Le Perfect Day de Lou Reed restera à jamais associé à Trainspotting, mais il trouve une belle nouvelle jeunesse cinématographique grâce à ce film, tout comme de nombreux morceaux folk-rock qui l’émaillent jusqu’à l’explosion finale sur le Feeling Good de Nina Simone. Kōji Yakusho n’a pas volé son prix d’interprétation au festival de Cannes. Sans prononcer un mot, touche directement au coeur. On aimerait encore prolonger les moments passés à ses côtés.

Réalisation : Wim Wenders

Scénario : Takuma Takasaki

Directeur de la Photographie : Franz Lustig

Montage : Toni Froschhammer

Chef Décorateur : Towako Kuwajima

Ingénieurs du son : Matthias Lempert, Rin Takada, Frank Kruse

Production : Reiko Kunieda, Yasushi Okuwa, Takuma Takasaki, Keiko Tominaga, Wim Wenders, Kota Yabana, Kôji Yakusho, Koji Yanai

Pays : Allemagne, Japon

Durée : 2h03

Sortie en salles le 29 novembre 2023

Acteurs Principaux : Kōji Yakusho, Arisa Nakano, Tokio Emoto, Aoi Yamada, Yumi Asô, Sayuri Ishikawa

Genre : Chronique

Note : 9/10

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