En 2007, lorsque Quentin Tarantino et Robert Rodriguez font appel à Eli Roth pour concocter une des fausses bandes annonces précédant leur double programme Grindhouse Planet Terror / Boulevard de la Mort, le réalisateur des Hostel ne se fait pas prier. Il a grandi à Boston dans les années 1980, à la période où de nombreux slashers thématiques sur de grands évènements américains se succédaient pour emboîter le pas d’Halloween et de Vendredi 13 : Douce Nuit, Sanglante Nuit, Meurtres à la St-Valentin, Mother’s Day, Le Bal de l’horreur, mais rien sur la fête de Thanksgiving qui célèbre le dîner offert par les amérindiens aux premiers colons du Mayflower, alors qu’ils mourraient de faim. Cette fête Etatsunienne majeure très prisée dans le Massachussets (la terre des pèlerins) méritait d’être perturbée par un tueur psychopathe. Eli Roth et son compère Jeff Rendell créent donc une fausse bande annonce qui est plutôt bien accueillie. Quinze ans plus tard le jour de Thanksgiving, alors qu’il sort à peine du tournage de son grand film de S-F Borderlands (sortie prévue en août 2024), le réalisateur décide de s’offrir une petite récréation en offrant un film à cette bande annonce. Il réembarque Jeff Rendell, et démarre dans la foulée, avec des idées plein la tête. Le tournage durera 30 jours, pour un travail soutenu et suffisamment peu d’effets numériques pour permettre au film d’arriver en salles moins d’un an plus tard, à point pour Thanksgiving 2023.
Le résultat est plutôt frais et sympathique. Pensé comme un remake du film de la bande annonce, Thanksgiving prend des allures de slasher premier degré type Scream, mais le côté rentre-dedans de ses auteurs vient régulièrement s’inviter à la fête. Cet enthousiasme communicatif couplé à une pelletée de bonnes idées pour épicer les mises à mort rappelle les premiers Destination Finale. Une parentée que l’on retrouve également dans la scène d’ouverture spectaculaire qui prépare les hostilités à venir. Ici, pas d’accident d’avion, ni de carambolage sur l’autoroute, mais un chaos provoqué par l’ouverture du Black Friday dans un magasin d’une bourgade. Thanksgiving tombe le quatrième jeudi de novembre, soit le jour avant l’ouverture des soldes du Black Friday. Ainsi des américains n’attendent pas d’avoir fini le manger leur dinde pour faire la queue devant les magasins jusqu’à minuit pour faire les meilleurs affaires. Et pour ça, tous les coups sont permis. L’ouverture joue sur les contrastes en passant d’une fête centrée sur le partage et le respect à la pure sauvagerie qui suit. Un contraste signifiant quand on sait que le dîner offert par les amérindiens et l’aide qu’ils ont apportée aux colons pour qu’ils puissent passer l’hiver a débouché sur l’extermination d’un grande nombre d’entre eux. Les créateurs de Thanksgiving jouent sur la controverse autour de cette fête, mais leur visée principale est plutôt – à l’instar des slashers des 80’s précités – de détourner son imagerie pour leur plaisir iconoclaste. Le traditionnel masque du tueur est lui-même un renvoi astucieux à l’histoire des pèlerins, autant qu’un élément scénaristique ingénieux. Le traditionnel dîner à la dinde est lui aussi revu et corrigé avec une dinde plus vraie que nature.
Comme dans tous slasher classique qui se respecte, Eli Roth ne se gêne pas pour cibler les meurtriers ordinaires de l’émeute et une bande d’adolescents décérébrés qui l’ont encouragée (beaucoup de têtes à claques dans le lot, mais tous vraisemblables). Mais il cherche aussi à donner une vie propre à sa communauté, à l’inscrire dans le temps présent et à les confronter aux questions sociales, comme ce fut déjà le cas dans Hostel et Green Inferno. Les vétérans Patrick Dempsey (Grey’s Anatomy, mais aussi Scream 3), Gina Gershon et Rick Hoffman (la série Suits) viennent solidement soutenir le casting des jeunôts. Le but n’est clairement pas de révolutionner le whodunit (pas besoin d’être très affuté pour trouver le coupable), ni les codes du slasher, mais de ressusciter la créativité et l’enthousiasme qui ont un peu déserté le genre depuis 20 ans. Et à ce jeu, Thanksgiving est beaucoup plus recommandable que les derniers Scream.
Réalisation : Eli Roth
Scénario : Jeff Rendell, Eli Roth
Directeur de la Photographie : Milan Chadima
Montage : Michele Conroy, Michel Aller
Musique : Brandon Roberts
Chef Décorateur : Peter Mihaichuk
Direction Artistique : Corinna Schmitt-Porsia
Production : Gary Barber, Roger Birnbaum, Greg Denny, Kate Harrison Karman, Peter Oillataguerre, Jeff Rendell, Eli Roth, Chris Stone, Brandon Tataryn
Pays : USA
Durée : 1h46
Sortie en salles le 17 novembre 2023

Acteurs Principaux : Patrick Dempsey, Nell Verlaque, Gabriel Davenport, Addison Rae, Jalen Thomas Brooks, Milo Manheim, Jenna Warren, Karen Cliche, Rick Hoffman, Gina Gershon, Ty Olsson, Tomaso Sanelli, Jeff Teravainen, Amanda Barker
Genre : Slasher
Note : 7/10

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