Frasier 2023 – Saison 1

En mai 1993, la série Cheers tirait sa révérence après 11 années de grands services au monde des sitcoms et à la chaîne NBC. Quelques mois plus tard, un de ses personnages clés le psychiatre Frasier Crane volait pour Seattle pour animer une émission sur une radio locale, mais surtout pour s’occuper de son père, un ancien flic blessé en service. Lancée en septembre 1993, Frasier dura aussi longtemps que Cheers, et voilà que 30 ans après son lancement, il fait son comeback sur Paramount+. Les nouveaux showrunners Joe Cristalli et Chris Harris proposent un retour aux sources comme postulat de départ de cette nouvelle série puisque Frasier Crane revient à Boston. Après avoir passé 20 ans à animer un talk show et suite à l’enterrement de son père, il rend visite à son fils Frederick à Boston. Devenu pompier après avoir quitté ses études à Harvard, Frederick a subi la perte de son meilleur ami mort en service. Adam laissait derrière lui sa petite amie et un bébé, que Frederick aide du mieux qu’il peut, ayant élu domicile avec eux. A l’issue du premier épisode, Frasier acceptera un poste à Harvard pour se rapprocher de son fils et ils finiront par partager le même appartement face à celui d’Eve.

Ce Frasier nouveau cru a pris le parti de la continuité. Dès les premières minutes du pilote, on se croirait projetés 20 ans en arrière, lorsque Frasier Crane a quitté Seattle pour Chicago : Mise en scène à la manière des sitcoms des 90’s, rires enregistrés (à bon escient), logo d’intro à peine transformé, thème d’intro repris et un retour dans une version un poil arrangée du refrain jazzy de fin d’épisode. Cette note d’intention affirme une volontiers de lier les deux séries, et a fortiori avec Cheers. En plus de cette continuité assumée, les situations et personnages reprennent un postulat proche des débuts de la première série – un père et son fils évoluant dans des environnements sociaux opposés cohabitent – avec une inversion des rôles : Frasier a désormais l’âge qu’avait son père et Frederick apparaît d’emblée comme un double de son grand-père Martin Crane. L’acteur Jack Cutmore-Scott rappelle physiquement John Mahoney (interprète de Martin) et il évolue dans un milieu de « cols bleus » similaire. Et c’est justement Martin Crane qui apporte l’argument qui offre à ce « prolongement » de Frasier une raison d’être et une âme à part entière. La mort de Martin est un catalyseur qui ramène Frasier Crane à son propre rôle de père, un rôle qu’il ne pense pas avoir rempli envers Frederick comme son père a su le faire. Né lors des dernières saisons de Cheers, Frederick n’a eu que peu d’apparitions dans Frasier. On est donc bien placés – après avoir suivi le psychiatre durant 11 ans – pour savoir que Frasier a privilégié sa carrière et ses amis à sa famille. On sait aussi que Frasier est un homme de principe qui a hérité de son père un altruisme et une honnêteté « surdéveloppées ». Il traîne ainsi une forte culpabilité qui sera abordée progressivement dans cette saison 1. De son côté, Frederick a quitté ses études car il cherchait à fuir la pression d’un père à la fois absent et omniprésent médiatiquement (et partout où il mettait les pieds) qui étouffait son propre développement. Un facteur aggravé par le fait que sa mère Lilith est aussi psychiatre. Mais il a conservé ses penchants culturels et son éducation qui resurgissent notamment…lorsqu’il est saoul. Ce trait de caractère apporte la note en plus qui le rend capable de tenir tête à son père sur son terrain, alors que la relation entre Frasier et Martin Crane était (du moins au départ) un effort de rapprochement des contraires. On peut donc supposer que le pompier intello à ses heures soit amené à évoluer sous l’influence de son père, et inversement que Frasier mette encore un peu plus d’eau dans son vin de soixante ans d’âge. Dévoilé avec tact au fil des épisodes, l’angle de la série laisse percevoir un beau potentiel et c’est aussi un bel hommage au grand John Mahoney.

Fan du Frasier original (il a créé un feed twitter pour travailler sur la série alors qu’elle n’existait plus), le co-showrunner Joe Cristalli nous offre dans ces dix épisodes une écriture précise, bourrée de dialogues drôles aux multiples sens et de situations rocambolesques exploitées avec doigté. La proximité des deux appartements est propice à des jeux à la Friends (qui faisait partie du lot de sitcoms inspirées par Cheers contemporaines de Frasier), les universitaires sont raillés à la manière d’un 3ème planète après le soleil et le ressort du quiproquo est utilisé à bon escient comme dans les meilleurs épisodes de Frasier. Les showrunners ont aussi su faire revivre l’esprit d’une série arrêtée depuis 20 ans sans la reproduire à l’identique. Kelsey Grammer est en effet le seul acteur à avoir rempilé en régulier. Ce qui peut paraître décevant au premier abord est un pont en or ouvert à un casting plus jeune et de nouveaux personnages qui font peu à peu leur nid. A l’instar de la première série qui coupait les ponts avec les autres acteurs Cheers, nous allons apprendre à connaître ces nouveaux personnages qui savent être particuliers tout en empruntant aux personnages que la première série. Frederick est une nouvelle version de Martin. David, le fils de Niles et de Daphné, est un mélange des caractères de ses parents. Le professeur Cornwall, ami de Frasier, représente l’anglais fantasque à la Daphne, mais il a la même fonction de « compagnon » que Niles. Eve est un nouveau type de personnage qui rappelle pourtant Roz par son indépendance et sa répartie. Le retour de Lilith dans un épisode et une belle surprise pour le dernier de la saison confirment que des premiers rôles de la série originelle pourraient faire une petite apparition à l’occasion, mais ils ne seront qu’une petite cerise sur un gâteau déjà consistant.

Ce sentiment de continuité prégnant sur cette première saison est aussi dû au fait que les auteurs ont su comprendre que le rassemblement de milieux sociaux opposés faisait en grande partie le sel de Cheers et Frasier. Le rapprochement du père et du fils mène inexorablement au rapprochement des professeurs d’Harvard, collègues de Frasier, et des collègues de caserne de Frederick. Ce nouveau Frasier a donc tous les ingrédients pour durer aussi longtemps que ses illustres ainées, pourvu que la qualité d’écriture perdure. Le seul bémol est que le rythme de production des séries actuelles ne permet qu’une saison de dix épisodes alors que les plus de 20 épisodes annuels de la premières série permettait de retrouver plus régulièrement ses personnages . Après avoir englouti cette première fournée, on pourra dans l’attente de la suite (re)voir les intégrales de Frasier et de Cheers sur Paramount+.

Disponible sur Paramount + depuis octobre 2023

La série originale Frasier est diffusée sur Paramount + et Comedy Central France

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