
En 1977, entre un film catastrophe (L’Odyssée de l’Hindeburg) et un film de SF (Star Trek, le film), Robert Wise réalise Audrey Rose, un film fantastique qui aborde le sujet de la réincarnation. Un couple urbain aisé, Janice et Bill Templeton, est suivi par un homme au comportement étrange. Lorsqu’ils acceptent de dîner avec lui, Elliot Hoover tente de les convaincre que leur fille Ivy est la réincarnation d’Audrey Rose, sa propre fille morte plus de dix ans auparavant dans un accident de voiture. Les crises de panique d’Ivy pourraient être liées à cette expérience traumatisante qu’elle aurait emportée avec elle dans sa nouvelle incarnation. Malgré l’interdiction du couple de s’approcher de leur fille, Hoover se rend coupable de kidnapping et un procès est engagé. Démunie face à l’état de plus en plus inquiétant de sa fille, Janice glisse vers les croyances hindouistes d’Elliot Hoover qu’elle considère bientôt comme la seule solution prompte à sauver Ivy. Son mari sceptique convainc le juge d’organiser une séance d’hypnose.
Adaptation du roman The Case of Reincarnation, Audrey Rose dresse un décor et des personnages proches de ceux de l’Exorciste sorti trois ans auparavant, mais il en prend le contrepied en évitant les effets spectaculaires et le côté horreur choc qui a poussé le film de William Friedkin. Le versant spirituel s’insinue progressivement via les dialogues, les manifestations pouvent être expliquées scientifiquement et le doute sur la validité des croyances de Hoover étant permis jusqu’à la fin du film. A travers cette manifestation minimaliste du fantastique, Wise parle avant tout des Hommes de son époque et du repli vers les religions et philosophies orientales dans un monde occidental dont l’athéisme rampant provoque une forme d’impuissance face à l’angoisse de la mort.

A l’instar de son chef d’oeuvre La Maison du Diable, le réalisateur fait des manifestations surnaturelles un écho des personnages, de leur vie et de leurs angoisses. Magnétique et vulnérable, Anthony Hopkins joue autant de sa capacité à susciter l’empathie chez le spectateur qu’à exprimer l’ambiguité/la menace, une double qualité dont il jouera dans le Magic de Richard Attenborough sorti l’année suivante et dans la partie la plus célèbre de sa carrière. De par son passé d’athé convaincu, Hoover se voit comme un pont entre deux mondes. Un pont que Janice, à l’instar du personnage de « Nell » dans la Maison du Diable, semble plus conditionnée à emprunter du fait de l’abandon de son mari (il travaille trop) et de sa plus grande sensibilité. Cette sensibilité n’est pas ici traîtée comme une faiblesse, mais comme une forme de résiliance, de pragmatisme que son mari ne peut pas comprendre. Devant le délitement de sa famille face à cette menace extérieure, Bill choisit de s’appuyer sur les institutions, judiciaires et médicales en dépit des effets peu probants de leurs solutions. Audrey Rose montre ouvertement et très vite sa bienveillance envers la croyance d’Hoover et la paix d’esprit qu’elle apporte. De fait, sa force est plus dans la recherche de l’atteinte d’une certaine sérénité face à l’inévitable (la mort) que dans la résolution du problème d’Ivy.
S’il reste maladroit dans son glissement vers le film de procès sur un sujet qui ne s’y prête pas et dans son final qui tranche bien trop, Audrey Rose bénéficie du savoir-faire de Robert Wise dans la mise en valeur des moments clés du scénario par une réalisation toujours adaptée. Il est porté par un casting solide, comprenant la jeune Susan Swift qui suscite immédiatement la sympathie. En somme, un film très appréciable si on le considère indépendamment de tous les post-Exorciste qui ont fleuri à son époque.

Audrey Rose est disponible en DVD et BluRay chez Rimini Editions.

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