JEAN-PIERRE PUTTERS – Mad…Ma vie !

Le 14 juillet dernier, nous avons appris le décès de Jean-Pierre Putters – créateur des magazines Mad Movies et Impact. Il était connu comme JPP par des milliers de fervents lecteurs de Mad pour qui il n’existait pas d’autres JPP. La nouvelle a suscité sur les réseaux sociaux et sur le ouaibe une profusion d’hommages exprimés avec une émotion à la mesure d’un homme entier qui ne calculait pas ses efforts pour transmettre son amour d’un genre qui fut pendant très longtemps, assimilé à la dernière roue du carrosse du cinéma (quand ce n’était pas celle remisée au garage). Electron libre de la presse pendant plusieurs décennies, Mad Movies a modelé durablement ses lecteurs en une niche d’ horrorophiles et fantasticophiles qui a porté la mauvaise parole à son tour à une époque où défendre le cinéma d’horreur et fantastique était alors une grande affaire.

Comme nombre d’entre eux, j’ai découvert Mad Movies à 15 ans – alors que les VHS de films gores tournaient impunément dans mon lycée – et j’y suis revenu tous les deux mois pendant des années, commandant compulsivement les anciens numéros, au point que le fantastique était devenu une partie de ma vie. Je dévorai les articles de JPP. J’aimais (et j’aime toujours) son humour distancié, ses jeux de mots intempestifs, ses parenthèses hors-sujets, ses calembours. Rien n’était sérieux sur la forme, mais sur le fond tout l’était. JPP invitait sans grande cérémonie quiconque aimait sincèrement le cinéma fantastique à l’aimer encore plus et à le célébrer sous toutes ses coutures. C’était parfois dans des rubriques complètement improbables sur les fausses jaquettes (Tonton Mad vs the flying Jaquette), à travers des débats enflammés à la rédaction, dans la célébration de tel ou tel monstre zarbi (Ze Craignos Monsters, rubrique qui donna naissance à des livres) ou dans un index alphabétique du genre qui ne finirait jamais (Le Fantastic’ Guide). Et si ça pouvait déborder du cinéma, le défouloir pouvait atteindre la sphère médiatico-politique avec la Mad Rubrik, gros étalage de l’absurde ordinaire, jamais gratuit, puisqu’il qui ne faisait pas non plus l’économie d’un jeu de mot bien tourné ou d’une ironie mordante.

LE CLASH DES TITANS…

Le premier Mad Movies VS Mon premier Mad Movies

En 2012 à l’occasion du quarantième anniversaire de Mad Movies, JPP publia « Mad..Ma vie ! » avec les éditions Rouge Profond, une double autobiographie qui croise pèle-mêle les destins du Docteur Putters et de sa créature. Avec son humour caractéristique, il y raconte son enfance peu commune dans le quartier de Montparnasse, l’origine de son amour du cinéma, son adolescence, son service militaire, la montée des fanzines et comment en juin 1972, Mad Movies est né. C’était alors un produit fabriqué à la main, avec des photos en noir & blanc, tiré à la ronéo en 120 exemplaires. En édito, « Voici Mad Movies. Pas de grandes phrases pour le présenter, car demain il sera peut-être mort ». Exerçant en tant que pâtissier pour financer sa passion, puis tenancier de la légendaire boutique Movies 2000, JPP nous rappelle que Mad n’a pas compté ses heures de travail, mais quand le carburant est la passion (…).  Peu à peu – et contre toute attente – l’objet se diffuse jusqu’à devenir un concurrent direct de l’Ecran Fantastique et à sortir du fanzinat pour son numéro 22, en mars 1982. Le reste est Histoire (comme on dit chez nous), et dans Mad…Ma vie !, JPP dresse à sa façon le portrait de chacun des numéros, du premier à son dernier, en mars 2001, peu avares d’anecdotes sur les festivals et les rencontres qui ont marqué chaque numéro, sur la boutique Movies 2000, lieu des cinéphiles bizarres durant trois décennies, ou sur la façon de composer en amateur dans le secteur de la presse. Avec humilité, le créateur donne aussi la parole à ses collègues et successeurs, les premières générations d’une longue suite qui ont fait survivre le magazine jusqu’à 2012 et au-delà.

Car Mad Movies est toujours là en août 2025. La créature a survécu au passage de relai, à la crise de la presse écrite, au financement participatif et même à son créateur. A l’heure qu’il est, elle se porte même plutôt bien. L’esprit Mad qui l’animait (et qui est longuement abordé dans le livre, sans qu’on puisse exhaustivement le décrire) a quelque peu quitté ses pages, mais il s’est diffusé ailleurs dans ce nouveau media qu’était internet, via le forum de son site web qui perdura jusqu’en 2020 et de multiples webzines, via des éditions DVD et Bluray passionnantes ou au sein des festivals. Pendant ce temps, JPP poursuivait son chemin en continuant un temps la rubrique Fantastic’Guide, puis en oeuvrant comme rédac chef du très périodique feu Metaluna, en tant que producteur (The Theatre Bizarre) et sur de trop rares incursions livresques (Mad…Ma vie!, Ca l’affiche mal (avec ses affiches du Ghana ) puis un numéro 4 en rab’ des Craignos Monsters). Il déplorait déjà les débuts de l’abondance de blockbusters fantastiques peu inventifs dans les 90’s, mais leur généralisation n’a fait qu’aiguiser la curiosité d’aller voir ailleurs. Il y’aura toujours cette façon en marge de parler de ce cinéma et de le vivre, de le transmettre. Maintenant qu’internet s’enlise et se peuple d’IA, elle ne demande qu’à se propager et à gagner de nouvelles générations sur de nouveaux medias. Merci de m’avoir transmis cet esprit Mad, cet amour d’un cinéma autre et ce besoin sans limite d’écrire sur ce que j’aime.

Merci pour tout JPP.

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