Sorti en France avec beaucoup de retard en novembre 2022, le X de Ti West (The Innkeepers) a été porté aux nues comme un des slashers les plus novateurs de son époque. S’il est loin de tenir sa réputation, il faut lui reconnaître une belle application à faire revivre les 70’s et on ne peut que saluer la double performance de Mia Goth. A la fois scream queen et bourreau, l’actrice au charisme étrange devenait instantanément une icône du cinéma d’horreur. Ti West et la maison de production A24 avaient de toute évidence prédit cette révélation car la préquelle de X, annoncée dès la sortie du film, avait déjà été tournée. Officiellement, les risques d’aggravation de la pandémie qui empêchaient toute autre tournage avaient donné quelques libertés à Ti West et à son actrice, qui purent discuter de la backstory de la vieille femme de X. A l’instar de Quentin Tarantino et Uma Thurman qui avaient créé ensemble (sur le tournage de Pulp Fiction) le personnage de la mariée de Kill Bill, le tandem rempilait dans la foulée du premier film avec Mia Goth au poste de co-scénariste et de productrice, sous la bénédiction de A24. Il serait vain de dénoncer le côté roublard de la démarche, encore appuyé par l’annonce d’un troisième volet MaxXxine, séquelle de X, car le cinéma d’horreur a toujours fonctionné sur l’exploitation. Mais nous n’allons pas cacher le twist du premier film (un de ses seuls vrais rebondissements) puisque ses artisans se sont sciemment coupés l’herbe sous le pied.
Pearl raconte donc la jeunesse de la vieille femme qui a massacré sauvagement les jeunes vidéastes pornos de X. Nous voilà projetés à la fin des années 1910s où Pearl peut prendre les traits de Mia Goth/ Maxine. Coincée dans la ferme familiale avec une mère rigide et un père handicapé victime de la grippe espagnole, Pearl attend désespérément le retour de son homme parti à la guerre, et elle rêve de devenir une star de musicals. Accessoirement, entre deux danses pour divertir les animaux, elle en exécute un ou deux pour se défouler de sa frustration. Nous assistons peu à peu à la descente progressive vers la folie d’un femme rattrapée par la réalité de son époque.
Une différence de ton et de temps sépare suffisamment Pearl de X pour qu’on puisse l’aborder comme une oeuvre à part entière. Mais Ti West et Mia Goth ont visiblement pris le même plaisir à reproduire les premiers soubresauts de la Belle Epoque dans cette campagne perdue que celui qu’ils avaient pris à y importer la révolution sexuelle des années 70. Le réalisateur impose le Technicolor (au lieu du noir et blanc, d’abord pressenti) et le CinémaScope, standards de l’époque et sa bande originale évoque les films hollywoodiens des années 20/30. De très bons choix puisqu’ils accentuent dès l’ouverture le côté décalé et déviant du récit et mettent en avant le point de vue de Pearl, sorte de Dorothy sorti du Magicien d’Oz (de Victor Flemming) qui domine intérieurement cette réalité qui l’oppresse. La folie est alors une réaction à la prise de conscience de cette réalité qui l’entoure et de son « emprisonnement ». La jeune femme dévoile plus tard une certaine lucidité dans ces accès de violence. Un lien avec X est créé lorsque le projectionniste (David Corenswet, futur Superman de James Gunn) montre des films pornos – parmi les premiers tournés – à la jeune femme pour l’imprégner de cette liberté naissante qu’impulse alors le cinéma, pas si différente de celle que connaitraient les jeunes des 70’s. Elle serait encore plus prégnante dans les années 20 et mènerait à l’instauration du Code Hays. Ainsi Ti West créé t’il (volontairement ou non) une gigantesque ellipse dans la vie de Pearl qui correspond plus ou moins aux époques qui ont passé le sexe aux ciseaux de la censure.
Mais cette préquelle peut très bien vivre au-delà de tout discours sur le porno, sur l’émancipation des femmes et sur son époque, et c’est ce qui la rend supérieure au premier film, tout en n’atteignant pas les sommets d’un May ou d’un Carrie, qui montraient aussi toutes deux des femmes abîmées par leur entourage, mais faisaient naître une plus grande empathie. La descente aux enfers est ici trop ciblée (pas de réels débordements) et prévisible, et elle ne pose pas un point de non-retour. Comme la suite est déjà connue, elle aurait gagné à se démarquer par une plus grande audace, ou des détails surprenants. Mais on aurait tort de bouder son plaisir car en l’état, Pearl fait le boulot. C’est un vrai progrès pour Ti West en terme de rythme et de réalisation, et un véhicule qui va mettre en orbite Mia Goth dans la galaxie des stars de son époque.
Réalisation : Ti West
Scénario : Mia Goth, Ti West
Directeur de la photographie : Eliot Rockett
Montage : Ti West
Musique : Tyler Bates, Timothy Williams
Chef Décorateur : Tom Hammock
Costumes : Malgosia Turzanska
Production : Jacob Jaffke, Mia Goth, Jared Connon, Peter Phok, Ti West, Sam Levinson, Kevin Turen, Harrison Kreiss, Ashley Levinson, Kid Cudi, Dennis Cummings, Karina Manashil
Pays : USA
Durée : 1h42
Sortie en BluRay et DVD le 16 août 2023

Acteurs Principaux : Mia Goth, Tandi Wright, David Corenswet, Matthew Sanderland, Emma Jenkins-Purro, Alistair Sewell, Amelia Reid-Meredith
Genre : Horreur, Drame, Historique
Note : 7/10

Toujours pas vu « X », et donc pas encore « Pearl », mais voilà semble-t-il un cinéma « d’horreur » qui revient à la source avec maîtrise. Ti West n’est pas un petit nouveau du genre, il a eu avec « X » son petit moment qu’il prolonge visiblement à travers une trilogie. Je suis curieux de découvrir ça un de ces quatre.
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