Quelques années après les évènements du premier Alien sur le Nostromo, un groupe de mineur d’une colonie spatiale de la Weyland-Yutani décide de fuir sa condition en subtilisant un vaisseau abandonné de la compagnie. Ils font appel à l’une des leurs Rain, car Andy – un androïde de substitution remis en service par son père pour la protéger – peut les aider à communiquer avec l’ordinateur de bord du vaisseau. Dès le début des opérations, les mineurs ont une attitude agressive envers Andy et il apprend bientôt qu’il ne pourra pas rejoindre sa soeur dans le nouveau monde qu’ils veulent atteindre. Mais dans le vaisseau, d’étranges créatures pourraient bien sonner la fin du voyage.
Le réalisateur Fede Alvarez (Evil Dead 2013, Don’t breathe) ne s’inscrit pas dans la continuité des quatre premiers volets d’Alien qui donnaient l’occasion pour Scott, Cameron, Fincher et Jeunet d’apporter leur patte à l’univers. Romulus est un bon élève d’Alien, le huitième passager qui a tout à fait sa place entre le premier et le deuxième film. Il prend soin à installer son atmosphère et sa montée dramatique dans la tradition du film de Ridley Scott, à reprendre le design des vaisseaux et des appareillages informatiques introduits en 1979, et c’est déjà beaucoup. Le simple effet de mimétisme apporte une nouvelle vie à la franchise qui était coincée depuis près de trente ans entre l’actioner vite vu et oublié (les Alien vs Predator) ou condamnée à des extensions vaines d’univers par son propre créateur en manque d’inspiration (Prometheus, Covenant).
Le sentiment de retrouver l’urgence, l’implication et la volonté de réalisme qui avaient quitté l’ADN d’Alien depuis bien longtemps se ressent dès l’introduction de Romulus. En lieu et place de l’équipage du Nostromo, nous avons la chair à canon de l’entreprise Weyland-Yutani (entreprise qui trouve désormais son écho dans les projets spatiaux d’Elon Musk) qui se voit bien s’affranchir de la vie qu’a mené leur parents. Des héros qui pourraient très bien s’apparenter aux cambrioleurs de Don’t Breathe ou au groupe de potes d’Evil Dead. Outre le fait de répondre à une jeunisme très présent à notre époque, cette transmission de flambeau à une autre génération permet de remettre à jour les grands thèmes SF de la saga et de sortir le nouveau public potentiel de sa zone de confort, comme ce fut le cas à la fin des 70’s.
Cela est peut-être voulu si les personnages humains de Romulus sont au mieux une fonction dans le scénario (la femme enceinte), au pire des idiots qui plongent à pieds joints dans des émotions qui leur assurent la mort à 100%. En dépit de leur vécu difficile, ces jeunes semblent incapables de réagir au danger, sinon par des jugements moraux ou des reproches hérités de leurs traumas. Fede Alvarez semble prendre des raccourcis que James Cameron avait déjà effacés avec Bishop, assimilant l’androïde à une intelligence froide et cruelle. Mais ici, aucun être humain ne sait réfléchir à des initiatives qui pourraient le recentrer. Heureusement, le film a été conçu pour servir de tremplin à Rain, dans une mue en un personnage plus autonome et intelligent proche de celui d’Helen Ripley. Sa relation avec Andy sera le pivot de cette évolution. D’abord dans un rapport de demande vis à vis de ce frère de substitution (il a été conçu pour servir ses besoins), elle passe par une phase de panique et de jugement lorsqu’elle se rend compte qu’il ne pourra plus la protéger. Puis elle est forcée d’accepter la situation, d’ajuster son comportement et d’employer ses propres ressources pour survivre. Cet ajustement remet en place un équilibre entre l’intelligence humaine de Rain et l’intelligence artificielle d’Andy, qui leur permet de vaincre conjointement cette menace dans le premier climax du film et d’acquérir un statut d’égal. Esclaves de leurs émotions et de leur jugement autant que de la société qui les emploie, les autres personnages de Romulus ne pourront pas survivre dans ces conditions extrêmes.
Rain n’est pas l’icône féministe qu’a été Ripley. Il y’a plus à voir dans son parcours une forme d’émancipation et de réappropriation de l’intelligence pour un être humain biberonné dans une bulle technologique. Là se trouve l’apport de Fede Alvarez à Alien. On ne boudera tout de même pas les apparitions des créatures, à l’exception du grotesque boss final qui fait ressortir Alien résurrection du placard.
