C’est jour de rentrée pour Will qui a choisi d’être muté aux services de police du village insulaire de Providence pour offrir un peu de tranquillité à sa femme Paige, à leur chien Bailey et à leur fils à naître. Son nouveau coéquipier haut en couleurs, Terry, lui fait comprendre que ses journées seront tellement calmes qu’il aura besoin d’un hobby durant ses heures de travail. Mais un appel d’urgence va tout changer. Will et Terry sont alors entraînés dans une succession d’évènements et de mauvais choix qui feront monter de façon exponentielle le taux de mortalité du village.
Le premier qualificatif qui vient à l’esprit à la vision de Greedy People est l’adjectif coenien. Il est vrai que n’importe quel néo-noir teinté d’humour absurde qui se déroule dans un coin bien déterminé des USA et met en scène des quidam dépassées par un plan criminel a été plus ou moins influencé par les frangins du Minnesota. Mais celui-ci coche toutes les cases avec bonheur (ou malheur, pour les allergiques aux Coen), y compris la voix off qui ouvre le bal. Cela ne veut pas dire qu’il ne possède pas son propre ton. Si toute la première partie emprunte les chemins de la comédie noire, un climat délétère se glisse insidieusement qui étouffe peu à peu cette veine pour donner au film le ton du drame. Même dans le cas de Blood Simple, le premier film du duo et certainement leur plus « pur » dans le genre noir, il subsiste une part de recul humoristique sur les antihéros qui les rend lointains au spectateur. Greedy People présente des personnages pivot a priori responsables, tolérants et modernes, en tous points sympathiques. Bref, des gens normaux. Qui pourrait ne pas donner le bon Dieu sans confession à Lily James et Himesh Patel ? Alors qu’on pouvait les croire, comme ils peuvent se croire, au dessus de la mêlée, ces personnages sont entraînés dans le cercle infernal au même titre que les personnages secondaires d’apparence plus viciés. La longue tirade de l’irlandais, l’un des tueurs à gages du film, résume bien l’idée : La normalité d’apparence n’est pas une garantie de probité morale, bien au contraire.
Greedy People est en ce sens bien plus désenchanté sur la nature humaine qu’un Fargo (bien qu’il puisse être un fait divers sordide), plus implacable qu’un Blood Simple (même s’il fonctionne autant sur la méprise et les erreurs de communication) et plus universel qu’un No Country for old men. Mais à mesure que leurs actes rendent le futur des personnages de plus en plus précaire, il perd cette qualité des frères Coen qui assure un côté attachant au loser condamné. Les personnages perdent leur identité à mesure qu’ils ne cherchent plus qu’à faire disparaître la cause de leur problème. Ils ne sont plus que des personnages tragiques. L’absurde compétition de deux tueurs professionnels (l’Irlandais et le Colombien) dans un petit village insulaire fait sourire, mais la demande semble être forte dans cette communauté, comme si cette violence ordinaire s’était banalisée. Alors fatalement une offre se crée, et on peut déposer une annonce dans le magasin du coin pour « aider à résoudre un problème ». Dans ce portrait peu glorieux, on trouvera toujours un peu de lumière dans une fin qu’on n’avait pas vu venir, mais qui enferme un peu de justice poétique. Greedy People est hautement recommandable rien que pour avoir la confirmation du talent de Joseph Gordon Levitt dans un personnage tour à tour comique, menaçant et pathétique. Des facettes qu’on le voit trop peu incarner, tout cantonné qu’il est à jouer le boy scout .
