Ick

Le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) a ouvert sa 13ème édition ce mercredi 4 décembre 2024 au cinéma Max Linder en présence du réalisateur Joseph Kahn, venu présenter son dernier film Ick. L’Histoire est longue entre le réalisateur et le festival puisque le PIFFF avait diffusé son Détention en clôture de sa première édition en 2011. Il était ensuite revenu pour présenter Bodied en 2017, un film sur les battles de rap qui peut aisément concourir dans la catégorie « meilleur film des années 2010 que personne n’a vu », puisqu’il n’est sorti en France que sur YouTube Premium. Revoilà donc Joseph Kahn au Max Linder en 2024 avec une comédie horrifique destinée à un public plus familial.

Ick suit Hank, ancien athlète devenu alcoolique suite à de mauvais concours de circonstances. Coincé dans sa bourgade de Eastbrook, il a trouvé un poste de prof de sciences et il passe ses journées à écouter du campus rock des années 2000 par nostalgie de ses glorieuses années de jeunesse. La vie de la bourgade va basculer lorsqu’une mystérieuse substance connue sous le nom d’ICK, avec laquelle les habitants ont appris à vivre depuis plusieurs décennies, commence à prendre vie. Hank et une poignée de ses étudiants en chimie devront unir leurs forces contre cette menace. Cette lutte sera aussi l’occasion de mieux connaître une de ses élèves les plus brillantes qui pourrait bien être sa fille.

Lorsqu’on s’embarque dans Ick, il ne faut pas s’attendre à revoir Détention, sous peine de ressentir une déception. Les deux films sont des comédies horrifiques qui se situent dans un lycée, qui partagent un style commun, mais elles ne visent pas le même public. On retrouve dans ce nouveau film l’art du montage inégalé, la concision et le dynamisme de Joseph Kahn. L’introduction est à ce titre épatante, puisqu’elle condense en peu de temps tout ce qu’on a besoin de savoir sur la vie de l’anti-héros qu’on va accompagner tout en développant en arrière-plan le contexte fantastique du film et les enjeux dramatiques à venir (le temps qui passe, la difficulté à établir la paternité de Hank).

On retrouve aussi dans Ick la critique grinçante du politiquement correct qui est une récurrence sur tous les films de Joseph Kahn. Bodied en étant le sommet, puisqu’entièrement construit sur l’idée que la créativité et le dépassement de soi ne peuvent pas s’accomplir dans un monde où le politiquement correct est la norme. Ick est moins frontal et agressif, mais il s’inscrit dans une tradition fantastique pérenne qui utilise la forme des films de parasite (L’invasion des profanateurs de sépulture, Body Snatchers, The Faculty) pour exprimer une peur de l’uniformisation. La plante a sa propre logique, mais son but est d’uniformiser l’être humain en un seul et unique organisme. Ce n’est pas un hasard si le lycéen le plus moralisateur du lycée (le colporteur du « prêt-à-penser ») devient le vaisseau de la substance pour sa propagation, si les habitants les plus acclimatés à leur environnement sont très vite assimilés, et si le petit groupe de survivants est constitué d’une intellectuelle, de deux artistes et d’un marginal.

Sous ses dehors de film « vieux con » nostalgique (l’omniprésence musicale des années 2000, la présence de Mena « American Pie » Suvari » et de Brandon « Superman » Routh), Ick se place aux côtés des personnages qui ont encore la capacité de réfléchir et de constater les mutations inhabituelles d’un environnement qui a été dans leur quotidien depuis plus de 20 ans. Des mutations que Joseph Kahn représente comme fondamentalement toxiques, mais qui ne semblent alarmer presque personne. En nous posant comme témoin de l’installation de l’organisme dans la vie des gens depuis deux décennies et en nous mettant face à leur incapacité d’abandonner leur quotidien pour le combattre, il condamne la passivité du plus grand nombre et l’imminence de grands périls découlant de cette passivité. Un propos très politique pour une comédie horrifique gentille et divertissante, située quelque part The Faculty et Horribilis. Rien de neuf et de particulièrement ambitieux, mais un bel exercice de remise au goût du jour une figure du fantastique classique.

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