Bulk

Pour cette édition 2025, Ben Wheatley a gratifié l’Etrange Festival d’une « première européenne » pour son nouveau « film de potes » à petit budget. Bulk a certes déjà été projeté au Royaume-Uni, la terre natale du réalisateur, mais elle n’est plus dans l’Europe aux dernières nouvelles. Wheatley doit beaucoup à l’Etrange dans le petit culte dont il fait l’objet chez une niche de cinéphiles depuis les années 2010 car ses premiers films ont tous été diffusés en ces lieux et il a même eu le droit à sa carte blanche il y’a quelques années. Maintenant qu’il s’est construit une carrière internationale en réalisant notamment High Rise, le remake de Rebecca pour Netflix et le blockbuster stathamien En Eaux très troubles, il prend de temps à autre une pause pour réaliser des films plus personnels avec un petit budget et les moyens du bord. Bulk intègre ces films « expérimentaux » un peu dans la veine de son magnifique A field in England et ou récent In the Earth. Des films qui ne voient généralement pas l’horizon d’une sortie ciné – hors festivals- mais qui nous rappellent pourquoi on aime Ben Wheatley.

Bulk démarre de façon nébuleuse. Un ex-flic et une scientifique (Noah Baumbach et Alexandra Maria Lara) conduisent un journaliste (Sam Riley) dans une maison. Le journaliste est drogué, pour une raison qu’on ne connaît pas encore, et il se voit confier une mission obscure qui implique un saut dans plusieurs dimensions. C’est dans ce même flou labyrinthique qu’on avance sur une grande partie de cet étrange objet filmique, captant ça et là des informations qui nous permettent de reconstituer une partie du grand puzzle d’une expérience scientifique qui a tourné de façon tragique. Si on peut croire au départ que Bulk aura des relans de l’excellent Primer de Shane Carruth avec sa hard science et sa réalisation à l’économie, ce nouveau film est réellement unique. Il lorgne un peu vers le Pi d’Aronofsky, mais il possède un côté bien plus ludique, pour peu qu’on veuille bien jouer le jeu et faire abstraction du (beau) noir & blanc et de sa première partie un brin austère et froide. L’humour et le jeu ne sont pas loin.

Bulk ne se prend pas au sérieux, preuve en sont ces maquettes à l’ancienne intégrées à des scènes sensées représenter des univers sophistiqués sortis de l’esprit narcissique d’un éminent scientifique. Ben Wheatley mélange les techniques, montre une grande inventivité pour composer l’absence de moyen (volontaire) de son petit projet. Il nous forcera à nous triturer les méninges pour reconstituer le puzzle, tordra sa narration pour nous livrer des indices au compte goutte et développera sous nos yeux un petit monde qui n’obéit qu’à ses propres règles, peu logique mais cohérent. Son scénario regorge de belles idées, comme ses multiples représentations d’un même personnage dans une même dimension ou cette boucle qui se révèle peu à peu à nous jusqu’au moment final où elle devient réelle. Il recelle de belles idées visuelles, comme cette amoncellement de clones qui renvoie au Triangle de Christopher Smith ou ces hommes mutants rescapés de l’explosion. Bulk est de ces films qui laissent volontairement une zone d’interprétation qui ne demande qu’à mûrir avec les visionnages. Si on est certain de ne pas le voir en salles hors du circuit des festivals, on espère en compensation une belle édition bluray ou dvd qui nous permettra de le redécouvrir encore et encore sous un nouvel oeil.

Ben Wheatley en terrain conquis à l’Etrange Festival

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