Réalisation : Fritz Lang
Scénario : Dudley Nichols, d’après » The Rogue Male » de Geoffrey Household
Directeur de la photographie : Arthur C. Miller
Montage : Allen McNeil
Musique : Alfred Newman
Assistant Réalisateur : Ad Schaumer
Direction Artistique : Richard Day, Wiard Ihnen
Décorateur de plateau : Thomas Little
Production : Len Hammond, Kenneth McGowan, Darryl F. Zanuck
Pays : USA
Durée : 1h38
Sortie le 13 juin 1941 aux USA, le 15 juin 1949 en France. Ressortie version restaurée le 5 août 2021

Acteurs Principaux : Walter Pidgeon, Joan Benett, George Sanders, John Carradine, Roddy McDowall, Ludwig Stössel, Heather Thatcher, Frederick Worlock, Roger Imhof
Genre : Thriller
Note : 7,5/10
En 1934, Fritz Lang quitte l’allemagne nazie pour la France, puis il rejoint Hollywood comme Ernst Lubitsch, Friedrich Wilhelm Murnau et Joseph Von Sternberg l’ont fait avant lui. Après avoir livré quelques films dans une veine sociale et deux westerns, il démarre les années 40 avec une série de films anti-nazis, au croisement du thriller noir et du film d’espionnage. Tourné en 1941, Man Hunt est le premier de la liste et il devait être à l’origine un film de propagande, porté par l’ambition de Darryl F. Zanuck de concentrer les moyens de la FOX dans la lutte contre le régime d’Hitler. Zanuck n’alloue pourtant à Fritz Lang qu’un budget modeste pour cette adaptation du roman Rogue Male de Geoffrey Household, sorti deux ans plus tôt, et le code Hays bridera quelque peu la charge politique du film. Cela n’empêche pas Fritz Lang de prendre son sujet à bras le corps, et pas forcément dans la direction vers laquelle on pouvait l’attendre. Manhunt nous plonge au coeur de la traque d’un chasseur qui se pensait à l’abri de tout.
En 1939, peu avant l’invasion de la Pologne, le capitaine anglais Thorndyke, réputé mondialement comme un grand chasseur, parvient à s’infiltrer dans la résidence secondaire « inviolable » d’Hitler et à le tenir à portée de fusil. Après avoir simulé un tir, il décide de tirer pour de vrai. C’est là qu’il se fait capturer par les gardes et conduire auprès d’un dignitaire nazi, à qui il explique qu’il n’a agit que pour le plaisir de la chasse. Celui-ci décide de saisir l’occasion pour forcer Thorndyke à signer une lettre confessant qu’il a été envoyé par l’Angleterre pour supprimer Hitler. Thorndyke refuse et il est laissé pour mort dans la forêt. Parvenant à s’en sortir, il quitte le pays pour rejoindre l’Angleterre. Mais il découvre qu’il n’est pas plus à l’abri dans son pays natal. Avec l’aide d’une jeune prostituée qui lui colle aux basques (Joan Benett, que Lang retrouvera dans La femme au portrait et la Rue Rouge), il devra survivre tout en évitant que ses actions soient récupérées à des fins politiques.
Le noeud du film de Fritz Lang est dans la personnalité du chasseur anglais, campé avec aplomb par le sympathique Walter Pidgeon. Gentleman iconoclaste et irrévérencieux, il n’en demeure pas moins le produit de l’Angleterre de 1939. Dans un contexte politique mondial au bord de l’implosion, sa chasse improvisée traduit bien l’inertie de l’empire britannique (comme celle de la France) pour qui le monde était alors un immense terrain de jeu « sous-contrôle », et qui n’a pas su sortir de cette posture pour contre-attaquer Hitler lorsqu’il envahit la Pologne. Même si sa morale lui ordonne de tirer, Thorndyke agira avec un métro de retard car il ne saisit pas l’urgence immédiatement. Lang ne nous cantonne pas à une traque en territoire ennemi. Il saisit un peu du sadisme nazi pour le porter dans la terre natale du héros, ce qui porte à remettre en question son sentiment de sécurité. Le réalisateur use de sa maestria dans le cadre et la photographie pour transformer des lieux communs en pièges potentiels, et il prend un malin plaisir à mettre en valeur les traqueurs incarnés par l’inquiétant John Carradine et le savoureux George Sanders. Man Hunt est un thriller posé, qui ne joue pas sur une traque effrénée. Il s’autorise souvent des pas – bien négociés – vers la comédie et la romance. Ces respirations hors du thriller et du politique permettent de donner à la conclusion une portée tragique qui recadre violemment le héros avec son époque. Le final sera le seul véritable élément propagandiste dans ce film bien maîtrisé qui rejoint le haut du panier de la carrière américaine de Fritz Lang. La version nouvellement restaurée de Chasse à l’homme est au menu de la Filmothèque depuis le 5 août, fin prête à rejoindre votre tableau de chasse de cinéphile.
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