¡García!

Comment rendre foncièrement sympathique un super-espion qui a opéré sous Franco ? C’est le défi que se sont fixés Santiago Garcia et Luis Bustos dans le roman graphique ¡García! publié en Espagne en 2015. Un condensé efficace de thriller politique satirique, mâtiné d’espionnage, d’action et de S-F. Et c’est celui ô combien plus épineux d’adapter ce personnage à l’écran en 2024 qu’ont relevé Sara Antuña et Carlos de Pando, showrunners de la série tirée du roman graphique. Le projet fut porté par la défunte section de créations originales d’HBO Max.

Dans l’Espagne contemporaine en proie à la crise, Antonia – journaliste stagiaire – vit une vie presque normale entre son père octogénaire et son petit ami militant communiste. Jusqu’à ce qu’elle reçoive un dossier mystérieux qui la met sur la piste d’un homme. Son enquête va la mener jusqu’à une chambre cryogénique où le corps de Garcia, un super-espion franquiste, repose depuis 1961. Elle le réveille et se trouve mêlée malgré elle à un complot impliquant l’enlèvement de la candidate à la présidentielle, la Capitana. Garcia navigue tant bien que mal dans le monde actuel, tentant de comprendre quelle trahison l’a mené dans son caisson et de retrouver l’amour de sa vie qu’il avait laissée dans l’attente en 1961. Il se trouve bien évidemment au coeur du complot orchestré.

Pour rendre foncièrement sympathique un super-espion franquiste, il faut donc lui coller une sidekick énergique de la « génération Z » (profitez-en, je ne réutiliserai pas ce terme), lui attribuer une intrigue amoureuse rédemptrice et rappeler à intervalle régulier qu’il est quand même un facho, ce qui n’est pas bien. Mais il faut avouer que ce postulat fonctionne avant tout sur le charisme tout en mesure de Francisco Ortiz et l’énergie débordante de la jeune Viki Vellila. Une pelleté de seconds rôles typés viennent peu à peu intégrer l’équipe. Vieux espions de l’ancienne section 9 se mêlent à l’entourage d’Antonia dans des interactions teintées d’humour et une montée dramatique bien menée.

L’intrigue politique est très classique (un complot étatique mené dans l’ombre, des traitres), mais elle est un reflet pertinent des défis politiques de l’Espagne actuelle où les tentations de retour à l’autoritarisme sont nombreuses, en particulier pour les plus âgés qui ne peuvent trouver de la nostalgie que dans une époque autoritaire (le Franquisme a couvert 40 ans de leur vie). La question pour l’espion qui revit à notre époque est de bien savoir différencier ce qui est fait « au nom de l’Espagne » de ce qui est fait « au nom du peuple espagnol ».

Les éléments S-F sont intégrés sans remettre en question le contexte réaliste, à la façon de la série des Indiana Jones, ce qui réserve à chaque début d’épisode une scène en noir & blanc qui vient révéler des éléments manquants du passé. Le côté choc des cultures passé/présent est loin d’être surexploité pour donner une certaine crédibilité au personnage principal, apte à s’adapter rapidement à tout type de situations. Rythmée, sympathique, plutôt fun et courte au visionnage, Garcia ! n’est pas la série du siècle, mais c’est une série parfaite pour terminer l’été et remettre un peu d’espionnage dans vos vies après l’annulation d’Archer. Si vous êtes tentés, elle est disponible sur la plateforme Max et sur Canal + séries.