Un Ours dans le Jura

Usés par le temps, le manque d’argent et les difficultés à élever un enfant atypique, Michel et Cathy survivent en vendant du bois. A l’approche de Noël, les voilà occupés à livrer des sapins. En voulant éviter un ours sur la route, Michel cause un accident et tue les deux occupants de l’autre voiture. Dans la coffre, il trouve 2 millions d’euros en billets et décide impulsivement de les embarquer. Cathy lui propose un plan pour dissimuler les corps. Mais l’équipe de gendarmerie du major est déjà sur le coup car l’argent pourrait provenir d’un vaste traffic de drogue.

Si vous êtes familiers de la Revanche du Film, vous savez que ce genre de pitch créé une alerte « néo-noir coenien » qui nous la met directement dans le viseur. Franck Dubosc (co-scénariste et réalisateur) est bien le dernier homme qu’on aurait attendu sur ce créneau, mais il semble vouloir s’étonner lui-même sur ce troisième film qu’il réalise. Un Ours dans le Jura emprunte vaguement le postulat de départ de No Country for old men et vogue en plein dans le territoire du très bon Un Plan Simple de Sam Raimi. Tout aussi premier degré mais moins dramatique, il suit pareillement ses personnages ordinaires pris dans un engrenage qu’ils pensent maîtriser, mais qui les conduira dans une succession de problèmes. Dubosc réussit plutôt bien le mariage difficile entre le thriller et la comédie noire en traitant son sujet avec le sérieux qu’il mérite, avec une vraie menace et un contexte crédible.

L’intrigue sert en filigrane un drame conjugal et la peinture d’une France « oubliée » qui doit pourtant composer avec la crise économique et sociétale. Ces éléments réels réclament une empathie qui n’aurait pas pu passer avec des personnages trop typés ou trop veules. Les anti-héros d’ Un Ours dans le Jura ont une dimension « normale » à la limite de l’archétype, mais ils parviennent à s »équilibrer mutuellement. Ainsi ce sont leurs rapports qui révèlent un attachement plus que leur caractérisation, assez sommaire pour séduire son public. Un très bon exemple est le personnage de Michel (Franck Dubosc) qui désamorce continuellement la gouaille de sa femme (Laure Calamy). Le major (Benoît Poolvoerde) compose aussi un tandem touchant avec Florence (Joséphine de Meaux, la révélation du film). Contrairement à ses cousins américains, et particulièrement au récent Greedy People, duquel il prend le contre-pied, Un Ours dans le Jura veille à ne pas trop faire de casse dans son casting. Ce regard bienveillant est autant une force qu’une limite. Il conduit sa dernière partie vers une forme de fable et de comédie de moeurs plus consensuelle, mais toujours assez singulière dans l’univers du cinéma français. Malgré quelques dialogues pas toujours bien écrits (rattrapés par quelques bons mots et allusions qui font mouche), cette ballade jurasienne un peu mélancolique est une belle surprise.

Un commentaire sur “Un Ours dans le Jura

Ajouter un commentaire

  1. Chronique à laquelle j’adhère pleinement. Une sortie de route plutôt remarquable de Franck Dubosc qui fait montre d’une écriture astucieuse, parfois espiègle sur un terrain qui, a priori, n’est pas celui sur lequel on l’attend. Bonne surprise.

    J’aime

Laisser un commentaire

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑