Frankenstein

Ce 11 octobre, la cinémathèque française a projeté en avant-première le Frankenstein de Guillermo Del Toro qui sortira uniquement sur Netflix le 7 novembre prochain. C’était une des rares occasions de voir en salles un projet que le réalisateur a porté depuis la fin des années 2000, d’abord envisagé avec Universal avec Doug Jones (Hellboy) dans le rôle du monstre de Frankenstein, puis dans les années 2010 avec Benedict Cumberbatch. Guillermo Del Toro aura dû attendre 2023 pour que Netflix lui donne les coudées franches pour porter sa vision à l’écran dans le cadre du contrat de 3 films que le réalisateur du Labyrinthe de Pan a signé avec le géant du streaming. Avec la série Cabinet of Curiosities (dont on attend toujours une saison 2) et le succès critique de son Pinocchio, cette alliance a priori contre-nature donne de beaux rejetons. Elle se poursuit même hors des salles avec le partenariat qui vient d’être rendu public entre le réalisateur, Netflix et l’Ecole d’animation des Gobelins pour créer un studio de Stop Motion (animation image par image). A la vision sur grand écran de cette nouvelle version de Frankenstein, on peut d’ores et déjà dire que le film a plus sa place au cinéma que Pinnochio, adaptation personnelle très noire, mais qui s’accomodait d’une diffusion sur la petite lucarne. Le réalisateur traite le roman de Mary Shelley comme un Crimson Peak à grand spectacle jonché de fulgurances visuelles. Dans sa reconstitution, dans ses ambitions esthétiques, dans ses décors et dans l’impact de ses scènes d’action, le Frankenstein de Guillermo Del Toro semble avoir été réalisé pour s’épanouir dans les salles obscures. On peut même dire qu’on voit peu de films en salles d’une aussi belle facture.

Pourtant, la narration de Frankenstein se révèle, elle, très télévisuelle. Dans les années 2010, le réalisateur envisageait déjà de faire plusieurs films afin de pouvoir rendre toute la complexité du livre et des points de vue. Il s’attaquera au même défi en livrant un film de 2h29, scindé entre d’un côté le point de vue du baron Frankenstein (Oscar Isaac), et de l’autre celui de sa créature (Jacob Elordi). Au milieu, une multitudes de personnages qui permettent à Guillermo Del Toro de nous immerger dans l’époque et de composer une distribution quatre étoiles : L’étonnante Mia Goth qui s’épanouit encore plus hors du jiron de Ti West, Christoph Waltz, Lars Mikkelsen, Charles Dance, David Bradley (…), mais il faut bien développer tous ces personnages et les faire vivre le temps du film. Comme à son habitude, Guillermo Del Toro se fait créateur d’un petit monde, mais cette fois, il se perd dans sa volonté de donner la même importance à tous ces composants et de gonfler au maximum toutes ses thématiques.

A vouloir trop en dire et porter trop de points de vue, les scènes qui auraient pu porter un souffle et être les clés de voute de ce Frankenstein se retrouvent noyées dans l’ensemble. Seules surnagent la très spectaculaire scène de la naissance du Monstre et les poignants échanges entre le Monstre et le personnage de David Bradley, qui semble venir d’un tout autre film. Il y’a aussi l’impression d’un scénario bavard, surexplicatif sur les thèmes qu’il expose (le trauma face à la mort, la paternité, l’ambition destructrice, l’animalité des hommes…). Devant la beauté de ce qu’on voit, on aimerait parfois que les personnages se taisent et laissent parler les images, et d’autant plus lorsqu’on narre le point de vue de la créature. La mise en abyme en récit du baron, puis du monstre au capitaine du navire semble être, elle même, une fausse bonne idée, un artifice semé pour tenir en haleine les télespectateurs tout le long du film. Elle nous offre une scène finale plutôt émouvante, mais qui ne rattrape pas la lourdeur de la démonstration. On ne sait trop quoi penser de l’objet, superbe en tout points mais gonflé comme une série tévé qu’on aurait compressé sur deux épisodes. Malgré une bonne impression globale, il ne reste après visionnage, que peu de choses qui pourraient en faire une adaptation qui passe l’épreuve du temps.

Guillermo Del Toro, Oscar Isaac, Jacob Elordi et Mia Goth lors de la présentation de Frankenstein

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