South Park – saison 27

South Park n’a jamais cessé de combattre par la satire la connerie de son temps. Plus il y’en a, plus Trey Parker et Matt Stone ruent dans les brancards. Mais ces dernières années, ils éprouvaient de la lassitude à suivre Donald Trump. Peu avant Trump I, les créateurs de la série avaient utilisé Garrison pour être l’alter égo du taré de la Maison Blanche. En libérant leur personnage de ce poids à la fin de la saison 26, ils validaient leur promesse qu’en cas de nouvelle élection en sa faveur, ils ne s’embarrasseraient pas de ressortir cette carte. Les circonstances ont depuis beaucoup changé. Trump II fait glisser les USA vers un régime autoritaire où toute trace de raison, de décence et d’intelligence doit disparaître. Trey Parker et Matt Stone se devaient de passer la vitesse supérieure ou bien South Park perdait sa pertinence. Les poursuites envers quiconque critique la nouvelle administration et le récent limogeage de l’animateur du late show de CBS Stephen Colbert -lié à la chaîne Paramount qui diffuse la série – auront sans doute reveillé les ardeurs du duo. Mais pour attaquer, il fallait d’abord assurer leurs arrières. Le 23 juillet dernier, Les créateurs de South Park ont signé un contrat de 1,5 miilions de dollars avec Paramount pour une commande de 50 épisodes et l’exclusivité de la diffusion des 26 saisons existantes. Le 26 juillet, les hostilités pouvaient démarrer, et elles firent du bruit.

Trey Parker et Matt Stone passent sereinement en mode BERSERK

Woke is dead (2015-2025)

Par où commencer ? C’est probablement ce que les scénaristes ont dû se dire lorsqu’il a fallu s’attaquer à 2025, cette année ou « plus rien n’est vraiment illégal ». Plus ridicule que la plupart des personnages de South Park, Donald Trump s’offre naturellement (et sans forcer) une place de choix dans la saison 27, au centre d’une intrigue fleuve qui implique Satan, Jesus, J.D Vance, et toute une bande d’illuminés décidés à faire s’effondrer l’univers Politiquement Correct de l’Amérique et de notre petite ville préférée du Colorado.

Le président a supprimé le show libéral préféré de Cartman. Le principal Politiquement Correct s’autoproclame Power Christian principal et accueille Jésus dans l’école. Tout espoir semble être perdu pour les woke, et pour Cartman, qui n’a plus de raison d’être. A quoi sert-il si il ne peut plus se moquer des wokes ? Il décide de se suicider et de suicider Butters avec lui. Les adultes de South Park, menés par Randy Marsh vont se plaindre chez Garrison pour protester contre ce dictateur qui veut imposer Jésus à leurs enfants. Mais c’est un autre président qui occupe maintenant la Maison Blanche. Le coupable insulte les autres chefs d’état, poursuit quiconque n’est pas d’accord avec lui, ne sait que dire de se détendre quand on lui demande des explications, il obsédé par la (petite) taille minuscule de son pénis et accessoirement il couche avec Satan.

Le Président représenté à l’échelle

En attaquant la saison sur la fin du politiquement correct, Trey Parker et Matt Stone tournent une page de la série. En 2015 pour sa saison 19, ils avaient introduit le PC Principal pour railler le politiquement correct qui s’imposait partout. Il est de bonne guerre d’attaquer de la même façon Donald Trump et le courant MAGA (Make America Great Again). Les mécanismes sont les mêmes, et ils sont d’autant plus dangereux qu’ils sont ouvertement imposés.

South Park, c’est un art de dire les choses par la démonstration plus que par les mots. Cet épisode d’ouverture excelle dans cet art. Le type qui impose Jesus partout couche avec Satan. Et Satan de lancer à ce président qu’il lui rappelle un ex avec qui il vivait aussi une relation toxique. Qui a vu South Park, le film sait que cet ex est Saddam Hussein. Il n’y a rien d’autre à dire. La population de South Park est décidée à défendre ses droits jusqu’à l’arrivée de Jésus qui avoue qu’il est ici non de son propre chef, mais à cause de poursuites judiciaires et « du deal avec Paramount ». Jésus devient « régulier » comme une garantie pour que South Park ne soit pas annulé. En quelques minutes, Parker et Stone démontrent toute l’absurdité des médias soumis à Trump, étreints par la peur du tout-puissant et des poursuites, et ils annoncent la couleur à leur chaîne. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé avec Colbert qui va les freiner. Ils démarrent un jeu de provocation qui consiste à parler le plus possible de la taille du sexe de Donald Trump (Généré par IA, le spot qui nous montre le président courir nu dans le désert, avant de regarder son sexe microscopique vaut à lui seul de ne pas louper l’épisode). Enfin, ils introduisent un des grands thèmes de cette saison (et de la suivante), la confiscation de la religion / Jésus à des fins de contrôle et violence par des gens qui n’ont au final rien à faire de son message.

Eric Cartman en pleine crise existentielle

Ce « Sermon sur la montagne » est parmi les meilleurs débuts de saison de la série. Il est remarquablement dialogué et sait aller droit au but avec aplomb. L’intrigue de Cartman et Butters est très drôle avec cette tentative d’asphyxie dans une voiture électrique, mais elle est finalement annexe. Les auteurs savent qu’ils devront lâcher un peu les gamins pour ne pas sous-exploiter cette mine d’or de non-sens sur laquelle l’Amérique s’est assise. Ce n’est plus South Park qui accueille une partie de notre réalité, mais la réalité qui devenue South Park, dont acte avec l’acceptation de ce président comme un des personnages réguliers de la série.

L’enterrement brutal de l’époque politiquement correcte de South Park a attiré 6 millions de télespectateurs et constitua la meilleure audience sur un épisode de la série depuis 1999. Un bon deal pour la Paramount qui a tout intérêt à suivre Parker et Stone. South Park a toujours essayé d’être au plus près de l’actualité avec sa cadence de 6 jours pour créer un épisode. Cette saison, il faudra quinze jours pour chaque diffusion (sur Comedy Central, puis Paramount+), ce qui crée un effet évènement et une publicité de plus en plus grande pour la série.

Canicides

Clyde anime « Prove me Wrong », un podcast de confrontation haineux. Peu populaire parmi les élèves, il admet devant le conseiller MacKay qu’il ne croit pas en ce qu’il dit, mais qu’il fait ça pour payer ses dettes. Furieux que son camarade joue sur son terrain, Cartman le tabasse, puis il prend sa place comme « maître des débats ». « Débattant » jour et nuit, il peut prétendre au Charlie Kirk award. A son grand malheur, Clyde raffle le prix et empoche un séjour gratuit pour Mar A Lago.

Pendant ce temps, le Conseiller Mackey est viré par le Power Christian Principal qui offre à Jésus le poste de conseiller d’éducation. Dans l’incapacité de payer ses dettes, il accepte d’intégrer ICE, l’agence qui applique les lois contre l’immigration qui vient de lancer une campagne pour recruter n’importe qui à des salaires faramineux. Il fait sa première descente à un spectacle de Dora l’exploratrice pour coffrer des latinos au hasard. Pour le remercier de son travail, il est lui aussi invité à Mar a Lago par le président qui veut faire de lui le nouveau visage de la Homeland Security.

« Got a Nut » a la lourde tâche de démontrer que le premier épisode n’était pas un one-shot, et il relève brillamment ce défi. Après les médias, South Park s’adresse aux citoyens américains face aux nouvelles priorités nationales fixées par le président. Faut-il à tout prix aller là où est l’argent ? Clyde et MacKay apprendront à leurs dépens que plus l’argent rentre, plus de nouvelles dépenses se pointent, et au final le bénéfice de la trahison de ses idéaux est mince.

Le visage de ICE s’apprête à fondre

Ce deuxième épisode a dans son viseur Kristi Noem, directrice de l’organisme chargé d’appliqué les lois anti-immigration. Bien connue pour avoir révélé dans ses mémoires qu’elle avait abattu un de ses chiens, « parcequ’il faut parfois faire ce qu’il faut », elle est ici responsable d’un massacre de masse de canins, sa dernière victime étant le célèbre Krypto, célèbre chien de Superman. Nous faisons également connaissance avec un nouveau venu dans South Park : la brillante incarnation du Vice-Président J.D Vance, un mini-moi obséquieux et au petit soin avec son président.

L’Ile Fantastique du Président

L’épisode vise les podcasteurs conservateurs qui, dans le sillage du Président, incitent à la haine et au complotisme à travers de faux débats qui mettent en scène l’humiliation de leurs opposants. Charlie Kirk est clairement désigné, mais il réagit plutôt bien à son apparition dans l’épisode. Après son assassinat le 10 septembre dernier, la branche MAGA émit de vives critiques, accusant la série d’avoir provoqué son assassinat. L’épisode fut retiré de l’antenne sur Comedy Central, mais il est toujours disponible sur Paramount+.

Servietsky va à Washington

Lorsqu’ICE enlève les travailleurs mexicains de la ferme Tégrité pour les reconduire à la frontière, Randy Marsh redoute de devoir abandonner son exploitation. Il demande conseil à Chat GPT qui lui propose de reconstruire son business model. Dopés par leur collaboration avec l’intelligence artificielle, Randy et Servietsky se prennent pour des entrepreneurs Tech de la Silicon Valley et marchent à la kétamine. Après avoir libéré un mexicain, Randy envoie Servietsky à Washington pour faire du lobbying auprès du Président pour changer la classification de la marijuana aux Etats-Unis.

Servietsky embarque vers un nouvel enfer

Le renouvellement de South Park se poursuit. Le troisième épisode de cette saison, « Sickofancy », met fin à l’intrigue fleuve de « La ferme Tégrité » de Randy March qui courrait depuis le 4ème épisode de la saison 22 (2018) et qui subissait depuis longtemps les critiques de nombreux fans de la série.

L’IA Chat GPT devait obligatoirement s’inviter pour le baroud d’honneur du rêve du père de Stan. « Sickofancy » fait figure de rappel, si c’est encore nécessaire, que Chat GPT devient bien plus important que Google dans la vie des gens. Elle a créé en un temps tristement court une véritable dépendance. Trey Parker & Matt Stone s’amusent à inviter l’IA dans le lit conjugal des Marsh, entraînant une rivalité entre Sharon et cette voix informatique qui cire les pompes de son mari. Pour clore le chapitre, «Sickofancy » est un feu d’artifice Randy Marsh, une vrai ode à l’artiste.

South Park n’abandonne pas pour autant son fil rouge Trumpien. La Maison Blanche devient pareille au décor d’une sitcom avec rires enregistrés, avec ses éléments récurrents : Le gimmick « Hey Satan », les apparitions de J.D Vance, tous les grands patrons d’Amérique qui apportent leurs offrandes à la Maison Blanche et les les références toujours plus nombreuses au petit pénis de Donald Trump. Parker et Stone pastichent Monsieur Smith au Sénat pour le voyage de Servietsky à Washington, mais la candeur de Frank Capra prend un gros coup au milieu des statues obscènes du nouveau Président. Le pauvre associé de Randy Marsh sera le grand sacrifié de l’épisode. Il finira prisonnier de la Maison Blanche.

Labubus, horreurs (indicibles) et vidéos

C’est la fièvre des Labubus chez les gamines de South Park. Dans ce contexte tendu, Red invite Butters à son anniversaire et elle lui communique sa liste d’anniversaire : Un Labubu extrêmement rare. Lorsqu’il se rend dans le wok local reconverti en City Pop Up (parceque le woke ne fait plus recette), il se rend compte des conséquences désastreuses de la hausse des taxes douanières imposée par le Président. Il devra se ruiner pour trouver le Labubu super rare et conquérir le cœur de Red. Alertés par Jésus, les professeurs de South Park visionnent de leur côté une vidéo tiktok où une gamine effectue un rituel de magie noire en direct après avoir découvert un Labubu très rare. Jésus découvre la nature démoniaque des figurines et les difficultés d’assurer le rôle de conseiller d’éducation.

Oubliez les teletubbies, voici venir les Labubus, figurines « mignonnes » venant de Chine qui colonisent notre monde depuis 2019. « Wok Is Dead » a le mérite de révéler la véritable ambition de cette engeance, en plus de remettre un peu plus les élèves de South Park – en particulier Butters – au centre de la série. La violence des cérémonies heurtera sans aucun doute les âmes sensibles, mais cette initiative de faire venir ces petites horreurs dans la série est une aubaine pour aborder une autre grande menace, cette fois plus proche de nous : La hausse des taxes douanières imposée par Donald Trump qui est particulièrement salée sur les produits chinois.

Nous éprouvons dans cet épisode une grande empathie pour Jésus. Dépassé par les réactions des professeurs et parents d’élèves qui savent que leurs enfants convoquent des forces démoniaques et partagent leurs céremonies sur TikTok, il finira par prendre les choses en main et se retrouvera à l’issue de l’épisode en confrontation avec Satan et son compagnon le président. Hé oui ! En toile de fond de ce quatrième épisode, il y’a toujours la liaison entre Donald Trump et Satan. Les journalistes de Fox News, reconvertis en presse people, n’attendent que l’officialisation de cette relation pour valider leur opinion que leur favori est bien un mâle alpha qui s’envoie le diable. Ils ne seront pas déçus du twist qui leur est réservé : Satan est piégé à la Maison Blanche parcequ’il attend un enfant de Donald Trump.

La mère de Kyle va t’elle bombarder Gaza et détruire un hôpital palestinien ?

Les gamins de South Park sont fous des « prediction market apps », des réseaux sociaux qui permettent de lancer n’importe quel pari en ligne. Quelqu’un a justement parié que la mère de Kyle allait bombarder Gaza et détruire un hôpital palestinien. Sur le conseil de Jimmy, Kyle décide de retirer le pari en contactant le « Strategic Advisor for predictive market » qui le dirige vers le CFTC, qui le dirige vers la FCC et son président Brendan Carr. Ce dernier décide d’en parler directement au président. Pendant ce temps, Cartman prend plaisir à agir sur les paris depuis qu’il a constaté que l’énervement de Kyle les faisait monter en sa faveur. Effarée par l’ampleur que prend cette histoire, la mère de Kyle se rend en Israel pour engueuler Netanyahou.

A Fox News, on parie plutôt sur le sexe du futur bébé de Satan et Donald Trump. Dans la sitcom « Hey, Satan », J.D Vance prend plaisir à apporter chaque jour de nouveaux cadeaux à son chef pour le bébé présidentiel. Furieux que toutes les attentions aillent au bébé, le président décide de s’en débarrasser par tous les moyens : En mettant du savon sur les marches pour que Satan chute, en gavant sa nourriture de contraceptifs ou en lui faisant attraper la toxoplasmose avec des merdes de chat. A chaque fois, c’est le pauvre Brendan Carr, chef de la FCC, qui tombe dans les pièges. Les auteurs préparent ainsi savamment leur twist final : J.D Vance n’est pas si mignonnet qu’il en a l’air. Il finira par tomber le masque dans ses manœuvres pour tuer l’antechrist dans le ventre de Satan car il pourrait compromettre ses chances d’accéder à la Présidence.

Conflict of Interest présente un bel équilibre entre ces ingrédients du South Park nouveau et des classiques de la série. En terme de classique, il reprend l’obsession des juifs de Cartman. Trey Parker et Matt Stone dénoncent ceux qui font l’amalgame entre les juifs d’Amérique et Israel tout autant que la bêtise de ceux qui parient sur tout et n’importe quoi. Kyle y’est enfin placé un peu plus en avant, ce qui est juste ce qui manquait pour donner une saison parfaite.

Après cet épisode, South Park est absent pendant trois semaines, ce qui alimente les réseaux sociaux en rumeurs comme cette absence coïncide avec l’assassinat de Charlie Kirk. Mais le duo prépare une autre surprise. Le jour de la diffusion de l’épisode 6, il révèle que cet épisode appartient à la nouvelle saison 28. Trey Parker et Matt Stone semblent autant jouer avec les compteurs de Paramount qu’avec l’idée même qu’il n’y a plus de règles en 2025. A l’heure où nous écrivons cet article, le second épisode de la saison 28 – qui comptera également 5 épisodes – va bientôt diffusé. Elle est pour le moment dans la lignée de la saison 27 et elle annonce la venue de l’antechrist. Nous saurons donc très bientôt si le petit sexe de Donald Trump va provoquer la fin du monde.

TO BE CONTINUED

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