La Chute de la Maison Usher – The Fall of the House of Usher

C’est le moment de l’année où Netflix fait appel à Mike Flanagan pour produire une (très) bonne série, mais ce sera un dernier joker pour les abonnés de la plateforme, puisque le showrunner de The Haunting of Hill House, Bly Manor, Midnight Mass et The Midnight Club va bientôt déménager sur Amazon Prime. La chute de la Maison Usher fait suite à l’annulation de The Midnight club à l’issue de sa première saison qui se terminait sur une belle frustration. Mais le lot de consolation est à la hauteur. Flanagan a décidé de convoquer Edgar Alan Poe, non pas pour une adaptation littérale de son célèbre La chute de la Maison Usher (déjà adapté par Jean Epstein et Roger Corman), mais pour une immersion dans l’oeuvre de l’écrivain poète. Roderick Usher, magnat de l’industrie pharmaceutique qui a fait son succès sur la commercialisation d’un opioide dangereux, voit tous ses enfants mourrir les uns après les autres, la faucheuse ayant le visage d’une femme mystérieuse que lui et sa soeur Madeline ont déjà rencontré il y’a très longtemps. Roderick Usher déballe au district attorney Auguste Dupin les circonstances entourant la mort de sa progéniture, chacun de ses récits revisitant une célèbre nouvelle d’Edgar Poe sur un épisode. Il en reprend même les titres ! Le récit enchassé dans l’histoire, déjà expérimenté sur The Midnight Club, fonctionne très bien car Flanagan sait dévoiler avec parcimonie les éléments de son mystère. Il joue aussi (avec une certaine malice) des incohérences qu’on pourrait y détecter, les éliminant une à une à mesure des épisodes. Imaginez la série Succession où la mort viendrait visiter les héritiers gâtés, vous aurez un peu le programme des festivités. Le jeu de massacre est ludique pour qui connaît les nouvelles, mais il est aussi très prévisible et inégal selon les victimes. Peu importe, nous sommes heureux de suivre la troupe d’acteurs fidèles de Flanagan (sa femme Kate Siegel, Henry Thomas, Rahul Kohli, Samantha Sloyan, Ruth Codd) et Carla Gugino, impressionnante dans ce rôle de femme mystère au don d’ubiquité. Cette remise au goût du jour n’est qu’une cerise sur le gâteau de la chute de la Maison Usher. La part substantielle est dans le fil rouge, la partie qui porte réellement la marque Flanagan.

Ce fil rouge est un autre récit développé sur plusieurs épisodes qui nous raconte l’histoire de Roderick et Madeline Usher, deux enfants illégitimes qui prennent leur revanche sur la vie en entraînant impunément la dépendance et la mort de milliers d’américains. Que peut bien cacher cette impunité totale ? Mike Flanagan a posé les pieds dans le plat en plaquant un sujet très politique, la crise des opioides aux Etats-Unis dans son récit de fiction. Lorsqu’on connaît le tact et la capacité de développement des personnages du monsieur, on savait qu’il n’allait pas l’aborder à la manière d’un Painkiller, autre série netflix sortie l’été dernier qui se perdait dans des gros traits qui déservaient son sujet. Le but du showrunner n’est pas de montrer des figures maléfiques, mais de construire des personnages que le déni, un passé traumatique et une certaine forme de faiblesse ont conduit à faire des choix horribles. Cette approche peut être déstabilisante, car nous sommes invités progressivement à avoir de l’empathie pour des monstres, à accepter que Roderick Usher a été autrefois un bon père de famille ou que la sociopathie de Madeline dérive d’une trop grande intelligence pour une femme de son temps. Mais elle apporte à la fiction une plus grande vraisemblance et une plus grande force de persuasion que les récits soi-disant documentaires. Cette humanité de Mike Flanagan ne dédouane pas les coupables, elle les descend de leur piédestal et détruit leur légende. Le plaisir pris à suivre ce récit est encore grandi par les interprétations de Bruce Greenwood (qui a déjà travaillé avec Flanagan et Carla Gugino sur Jesse) et la majestueuse Mary McDonnell, ainsi que leurs versions « plus jeune » (Zach Midnight Mass Gilford et Willa Fitzgerald, à cent lieux de son rôle dans la série Scream). Le nouveau venu Mark Hamill bénéficie d’un de ses meilleurs rôles à travers cet avocat « nettoyeur » créé à partir de la nouvelle de Poe, Les aventures d’Arthur Gordon Pym. De façon générale, chacun des personnages de la série est une émanation d’un poème ou d’une nouvelle d’Edgar Poe, dont les lignes sont parfois récitées par le conteur, Roderick Usher. On aurait pu se retrouver avec un exercice d’agrégation froid, mais l’ensemble a suffisamment de fond pour que la réappropriation fonctionne. La chute de la Maison Usher n’est pas la meilleure série de Mike Flanagan, mais c’est un drame poignant dopé à l’humour noir doublé d’un bel hommage.

Showrunner : Mike Flanagan

Scénario : Mike Flanagan, Justina Ireland, Rebecca Klingel, Dani Parker, Kiele Sanchez, Jamie Flanagan, Emmy Grinwis, Mat Johnson

Réalisation : Michael Fimognari, Mike Flanagan

Directeur de la photographie : Michael Fimognari

Montage : Brett W. Bachman, Mike Flanagan

Musique : The Newton Brothers

Cheffe Décoratrice : Laurin Kelsey

Direction Artistique : Jordan Bent, Catherine Ircha, Luis Sidonio

Production : Morgan Beggs, Michael Fimognari, Jamie Flanagan, Mike Flanagan, Emmy Grinwis, Mat Johnson, Nancy Kirhoffer, Trevor Macy, Alexandra Magistro, Melinda Nishioka, Kathy Gilroy, Zane Behary, Lily Stuart Streiff

Pays : USA

Durée : 8 x 57-77 mn

Diffusée sur Netflix à partir du 12 octobre 2023

Acteurs Principaux : Carla Gugino, Bruce Greenwood, Mary McDonnell, Carl Lumbly, Mark Hamill, Henry Thomas, Samantha Sloyan, T’Nia Miller, Rahul Kohli, Kate Siegel, Sauriyan Sapkota, Kyliegh Curran, Ruth Codd, Zach Gilford, Willa Fitzgerald, Malcolm Goodwin, Katie Parker, Michael Trucco, Annabeth Gish

Genre : Fantastique, Drame

Note : 8/10

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