South Park – Joining the Panderverse

En anglais, « to Pander » signifie flatter, se plier aux exigences d’une personne ou d’un groupe pour en retirer un avantage. Depuis quelques années, c’est une habitude récurrente dans les fictions Disney/Marvel/Star Wars de plus représenter les minorités pour ne pas avoir à trop s’embêter sur le scénario et l’originalité du produit fini. Pour leur cinquième épisode long format hors-saison, Trey Parker et Matt Stone se penchent sur le problème Disney et ils donnent naissance au Panderverse. Eric Cartman est assailli de cauchemars où tous ses amis ont été remplacés par des femmes non blanches lesbiennes. Alors qu’il tente d’alerter ses amis, il est aspiré dans le Panderverse via un portail, dans un monde sans caucasien(ne)s, où n’existent que les minorités féminines. La Cartman de ce monde a été de son côté aspirée dans l’univers de South Park que nous connaissons. Kathleen Kennedy, la présidente de Lucasfilm, a changé depuis quelques temps. A chaque difficulté d’audience, elle hurle de remplacer les personnages hommes par des femmes lesbiennes. Cette méthode qui a permis jusqu’alors de fabriquer toujours le même film en jouant sur la diversité commence à se retourner contre Disney et les audiences chutent. Le PDG Bob Iger et les membres du conseil d’administration de Walt Disney Company sont inquiets, et ils finissent par suspecter que Kennedy, à force d’utiliser la Panderstone, ait pu ouvrir un portail entre deux mondes. Leur Kathleen Kennedy ne serait alors plus la vraie, mais une création bâtarde qui va importer le Panderverse chez nous. L’aventure de Cartman ne serait alors que le symptôme d’une plus grande menace.

Pendant ce temps à South Park, Randy a besoin d’un bricoleur, mais la ville est à court de travailleurs manuels face au nombre rampant de cadres qui ne savent rien faire de leurs mains. Ceux-ci en viennent à faire un piquet devant le magasin de bricolage pour proposer gratuitement leurs services aux bricoleurs, en échange des réparation. Immensément riches, ces derniers ne répondent plus à leur besoin. La population de South Park cherche un bouc émissaire qui pourrait être l’université, qui leur a fait perdre des années de leur vie à apprendre un métier intellectuel désormais menacé par les intelligences artificiels, ou bien tout simplement Kathleen Kennedy.

Trey Parker et Matt Stone s’attaquent à de nombreux sujets dans cette nouvelle aventure, et cet épisode spécial aurait pu devenir un amalgame bouffi si tous ces sujets n’avaient pas deux dénominateurs communs : La peur et la paresse. Ces qualités humaines sans lesquelles South Park n’aurait jamais existé et qui coulent dans notre univers en quantité égale avec le déni et la mauvaise foi.

Lorsque Disney découvre le multiverse, c’est un peu la découverte des Pierres d’Infinité, ces artefacts des Avengers qui permirent à Thanos de devenir instantanément le maître de l’univers. Plus besoin d’écrire de scénario, il suffit de remplacer les personnages par de la diversité et récolter l’argent. Mais cette paresse finit par lasser le spectateur qui déserte de plus en plus les productions Disney, faute de vraies intrigues à se mettre sous la dent. La Panderstone de Trey Parker et Matt Stone est une habile métaphore de cette quête de la formule magique du moindre effort. Into the Panderverse embarque le wokisme dans l’aventure avec délectation, puisque cela permet de placer le PC principal et d’égratigner cette difficulté à parler de qualité scénaristique quand la diversité est en jeu. Voir les gamins se débattre pour démontrer que la nouvelle venue n’est pas Cartman, et chaque adulte être indifférent au fait que Cartman soit devenue une femme noire juste pour ne pas paraître raciste est priceless. Ce cheval de bataille n’est pas neuf pour la série, qui ne laisse derrière elle aucun tabou et prend sur elle de mettre en avant les absurdités de tous les extrémismes. C’est au final dans un dialogue entre Kathleen Kennedy et Cartman que la solution sera trouvée. Le paranoiaque du wokisme et l’industrielle qui a peur de se mettre à dos les diversités comprendront qu’à force de surenchère, ils ont eux-même créé ce monstre, cette porte vers le Panderverse. Et le portail de se refermer comme par magie après cette prise de conscience. Vous me direz qu’une prise de conscience de la part de Cartman, c’est anti South Park. Mais il l’a fait auparavant sur des sujets moins épineux. Côté Disney, il semble aux dernières nouvelles qu’ils aient trouvé une autre Pierre d’Infinité dans le REBOOT.

L’intrigue parallèle toute aussi délectable liée à Randy Marsh et aux « adultes » de South Park prend également source dans une flemme inavouable. Il est impossible de ne pas sourire lorsque Randy Marsh convoque ses enfants pour leur apprendre à faire quelque chose de leurs mains, et qu’il leur apprend finalement à appeler un réparateur. Lorsque ce dernier refuse de prendre plus de temps pour réparer, Randy se retrouve aussi désoeuvré que Stan et Shelley. Il s’en suit un renversement social absurde qui découle de l’absence de remise en question des cols blancs de South Park. En filigrane, c’est une autre forme de peur qui est traitée, toute aussi actuelle que celle du wokisme : A l’aube du succès des intelligences artificiels, les cols blancs craignent d’être devenus encore plus remplaçable que les cols bleus. Mais feraient-ils quelque chose pour lâcher leurs AI et acquérir les compétences nécessaires pour rééquilibrer le marché ? Non, il faudra alors choisir un bouc émissaire. Et dans un toutéliage très signifiant, ils prendront comme une aubaine la solution du multiverse pour multiplier les travailleurs manuels.

Même pour Trey Parker et Matt Stone, la question de l’intelligence artificielle est un sujet brûlant. Elle a déjà été abordée lors de la dernière saison dans une collaboration inattendue avec Chat GPT et elle est omniprésente dans cet épisode spécial. Les créateurs/scénaristes de South Park n’y sont pas opposés, mais ils mettent en garde contre toute tentation de la voir comme une possibilité magique, d’abandonner notre intelligence à nos outils par pure paresse, et des dérives de la prendre comme un bouc émissaire. Au final, la question est du côté de l’humain. Si personne ne s’en saisit, on ne pourra pas reprocher à South Park de ne pas ouvrir le débat.

Into the Panderverse est une nouvelle fois une belle réussite d’humour et d’intelligence naturelle.

Créateurs / Showrunners : Trey Parker & Matt Stone

Scénario : Brian Graden, Trey Parker, Matt Stone

Réalisation : Trey Parker

Musique : Jamie Dunlap

Monteurs Son : Joe Schiff, D.A Young

Animateurs : Eddie Alvarado, Andy Arett, David Brown, Brian Carter, Oliver De Guia, James Dion, Jonathan Eden, Lesley Hur, Neil Ishimine, Dave Koch, John Kurawa, Kyungmain Angie Lee, Peder Lester, Byron Lopez, Jason Lopez, John Luciano, Kristen McCormick, Blake Metzler, Will Meyer, Chase Michaelis, George Newman, Scott Oberholtzer, Daniel Patao, Charis Patton, Winter Rafferty, Shaina Reyes, Jonathan Robert, Johnny Swweney, Anthony Sant’Anselmo, Edgar Tellez, Yuen Wang, Christina Wang

Pays : USA

Durée : 48 mn

Diffusé le 27 octobre 2023 sur Paramount +. Inédit en France.

Production : Trey Parker, Matt Stone, Anne Garefino, Frank C. Agnone II, Daryl Sanctone, Vernon Chatman, Adrien Beard, John Hansen, Bruce Howell, Eric Stough, Kurt Nickels, John ‘Nancy’ Hansen, David List, Gary Martinze, Mark Munley, Nate Pelletieri, Greg Postma, Lydia Quidilla, Andrew B. Rhoades, Wonnie Ro, Darryl Sancton, Jenny Shin, Keo Thongkham, Gary Martinez

Genre : Animation adultes

Note : 8/10

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