La génèse de Drive-Away Dolls a des airs de Grindhouse. Tricia Cooke (mariée à Ethan Coen et monteuse sur plusieurs films des frères dont The Big Lebowski) pense à un titre de film, Drive Away Dikes (traduisez « les Gouines du Drive-Away »). Les époux décident de broder sur ce titre évocateur pour en sortir un film d’exploitation. Deux décennies plus tard, Joel Coen part tourner son Macbeth avec sa femme Frances McDormand et le frangin Ethan décide de son côté de remettre au goût du jour ce vieux projet avec le concours de Tricia Cooke.
Drive-Away Dolls devient donc la première réalisation d’Ethan Coen, d’ordinaire plus axé sur l’écriture des scénarios et la production (même si lui et Joel travaillent de concert), mais l’apport des talents de monteuse de sa femme n’est pas négligeable. Drive-Away Dolls raconte la virée de deux lesbiennes, Jamie (Margaret Qualley) et Marian (Geraldine Viswanathan) à travers la Bible Belt à la fin des années 90. L’intrépide Jamie s’est donnée pour mission de décoincer Marian, alors qu’elles vont rendre visite à sa famille au volant d’une voiture qu’elles amèneront gratuitement à bon port (le drive away du titre). Entre discussions et flirts de passage dans les bars lesbiens de cette Amérique prude, les filles ne savent pas encore que la caisse qu’elles ont empruntée dissimule une mallette convoitée par de mystérieux hommes de mains déjà à leurs trousses. L’intrigue se déroule donc sur deux niveaux, l’aventure des héroïnes et le danger qui les guette, jusqu’à ce que la révélation du contenu de la mallette soit complète. Ethan et Tricia auront entre temps donné des indices sur ce contenu à travers des transitions psychédéliques menées par une hippie mystérieuse (Miley Cyrus) qui est la clé de la compréhension de l’intrigue et à travers la présentation d’une affiche électorale d’un sénateur bien sous tout rapport incarné par Matt Damon.

Drive Away-Dolls est aussi loin des films des frères Coen que ne l’était The Tragedy of Macbeth, mais à l’inverse du spectre de l’Académisme. Le pari du film d’exploitation débridé et dynamique est réussi, le faisant parfois lorgner vers un Mort sur le grill ou un Arizona Junior…bref, l’époque où les Coen en étaient à leurs premières armes. L’audace presque amateure du montage (sous influence de Tricia Cooke) rappelle également que Miller’s Crossing avait quelque peu calmé le duo sur les effets démonstratifs. Ces effets sont omniprésents sur ce nouveau film, mais ils s’intègrent parfaitement au projet global. Drive- Away Dolls ne se prend jamais au sérieux et il s’empare joyeusement de son sujet pour baigner dans une euphorie grivoise de libertés qui flirte avec la vulgarité (Marian est la garante de ne pas passer cette ligne). Dans ce monde de femmes, les hommes de main CJ Wilson et Joey Slotnick trouvent aussi leur place, les époux Coen/Cooke exploitant avec humour leurs caractères opposés. A l’instar de The Big Lebowski, on est ici plus intéressés à rencontrer une galerie de personnages haut en couleurs qu’à résoudre l’intrigue de la valise. Celle-ci sera aussi vite expédiée que celle de Lebowski pour laisser place à Matt Damon dans une composition savoureuse, à l’avenant de celle de Pedro Pascal lors de l’intro du film. On a toujours tendance à lever la barre très haut sur un film des frères Coen. Il faudra ici baisser sa garde pour accepter de s’amuser devant un sympathique film d’exploitation sans sophistication, sans message et sans téléphone portable. A notre époque, c’est déjà un beau dépaysement.
Sortie en salles le 3 avril 2024
Sortie BluRay/DVD le 14 août 2024

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