Les Voitures qui ont mangé Paris – The Cars that ate Paris

Au début des années 70, la création de l’Australian Film Development Corporation – organisme finançant les productions nationales en Australie – amorça un renouveau du cinéma aux antipodes qu’on qualifierait plus tard de « Nouvelle vague australienne ».

Fin de l’année 1973. Le futur réalisateur du Cercle des poètes disparus et du Truman Show a derrière lui deux petits succès, le court métrage Michael et le moyen métrage Homesdale. Avec le financement de l’Australian Film Development Corporation et la confiance des producteurs Jim & Hal MacElroy, Peter Weir s’embarque sur son premier long-métrage qui est une aventure à plus d’un titre. Un film 100% australien malgré son nom curieux Les Voitures qui ont mangé Paris, puisque le réalisateur ne doit à la France que l’inspiration qui l’a fait cheminer jusqu’à son idée de départ : Sur une route française, il fut poussé à faire demi-tour par des individus indiquant des travaux qui, de toute évidence, n’existaient pas. Et si des automobilistes de passage étaient poussés à l’accident par une population de « locaux » mal intentionnés? Sur ce prémisse qui n’est pas sans rappeler 2000 maniacs, la petite ville isolée de Paris naît dans son esprit, avec ses habitants faussement tranquilles qui derrière leurs bonnes manières, ont développé une industrie entière sur le dos des accidentés : revente de pièces détachés, pillage des biens des malheureux et lobotomies par le médecin local pour soutenir ses recherches scientifiques. Victime de cette « industrie », le fragile Arthur Waldo (Terry Camilieri) perd son frère dans un accident sur la route de Paris, mais le maire se prend d’affection pour lui. Il décide de l’héberger et de l’intégrer à la communauté. Les jours défilent et semblent se ressembler, mais la bourgade a semé le germe d’un mal qui va grandissant. Les carcasses des voitures sont réemployées par les jeunes pour construire des bolides qui perturbent l’apparente tranquillité de la ville. Un cran de plus est franchi lorsque ces voitures deviennent pour eux une véritable obsession.

Les voitures qui ont mangé Paris est tourné à Sofala, petite bourgade isolée de Nouvelle Galles du Sud avec un budget limité pour ses ambitions mais qui n’empêche pas Peter Weir de tourner en scope, ce qui confère à cette comédie noire « intimiste » une certaine ampleur. Le mystère qui entoure les activités des « parisiens » est dévoilé par touches, et très vite le spectateur rattrape le point de vue d’Arthur Waldo, protagoniste traumatisé et un peu naïf. Weir prend déjà plaisir à explorer le fonctionnement d’une petite communauté de l’intérieur et à y introduire cet élément étranger anodin qui assistera bien malgré lui à l’effondrement du système. Il joue sur une atmosphère de décalage absurde à la lisière de l’horreur, du fantastique et même du western de façon plus grossière (les motifs musicaux du western italien). Mais il introduit aussi cette obsession des bolides customisés dans les grands espaces qui inspirera Georges Miller pour Mad Max, et dans la foulée de nombreux réalisateurs de l’Ozploitation. Car dans la dernière partie, ces voitures humanisées dans leur apparence donneraient presque l’impression d’avoir absorbé la volonté de leur occupant comme le ferait la Christine de Stephen King avec le pauvre Arnie.

Peter Weir fait aussi émerger la figure du redneck menaçant, autre célébrité du cinéma d’exploitation australien à travers des gueules typiques (notamment le Bruce Spence de Mad Max 2 en idiot du village) administrés par le très bon John Meillon. Révélé dans La Randonnée ou aperçu dans Wake in Fright et pas encore auréolé de Crocodile Dundee, l’acteur donne à son leader une stature à la fois burlesque, malsaine et dramatique. On ne peut pas imaginer que le rôle lui ait été donné par défaut (à l’origine, il était à Donald Pleasence qui demandait un trop gros cachet). Les Voitures qui ont mangé Paris a ce charme des premiers films débordant d’idées, parfois un peu maladroits mais dont l’aplomb permet de glisser d’un sentiment à l’autre, du malaise au grand guignol, de la satire à la violence débridée. Son final, à la fois un joyeux capharnaüm, une catharsis pour le héros, un drame pour le notable et une franche absurdité de par la réaction des villageois démontre à merveille cette capacité au grand écart. Présenté à Cannes au marché du film en 1974, les voitures qui ont mangé Paris garantit à Peter Weir une première distribution à l’international, et il lui donna la possibilité de tourner le troublant et non moins original Pique Nique à Hanging Rock qui le révéla réellement au monde.

Le film est disponible en Bluray chez ESC Editions

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