Voilà qu’il nous sort un titre en forme de nanar post-apocalyptique en guise de vœux de fin d’année ? Est-ce qu’il a bu (pas encore, il n’est que 16h) ? N’en fait-il pas un peu trop ? C’est pourtant le sentiment qu’inspire le world wide web en 2025, une gigantesque poubelle où s’entreposent des cimetières de sites, des vieux topics de forums même pas enterrés, des robots IA polluants qui font des fautes et des contenus périmés avant même d’avoir été scrawlés, témoins de trente ans d’une Histoire menée à cent à l’heure qui semble déjà prête à s’achever. Mais le modèle économique qui a piraté les lieux continue son œuvre, car tant qu’il y’a des données à pomper, des populations à pousser à la haine et à la division, tant qu’on peut convoquer les émotions les plus primales pour une poignée de clics, ce n’est pas le moment de partir.
Beaucoup disent qu’internet a vraiment démarré en 2005 avec l’avènement du web 2.0 et des réseaux sociaux, et l’avant n’était que préhistoire. Ce réseau a d’abord été créé par la Défense Etatsunienne et le ouaibe a été développé par des universitaires pour faire progresser la recherche, partager la connaissance et l’information. Il devient presque candide de le rappeler alors que le partage est devenu un vecteur de promotion et que l’information est maintenant synonyme d’opinion. Ceci étant dit, le monde réel ne se porte pas mieux, et ironiquement, cette gigantesque machine de reformatage global, avant sa mort complète, aura accompli en un temps record l’œuvre de ses nouveaux propriétaires : Propulser le monde réel dans une belle dystopie globale, mélange informe d’un peu tout ce que les écrivains de S-F du XIXème nous montraient pour nous mettre en garde. A ceci près qu’il n’y a pas de psychohistoire dans le monde réel, ni de Fondation à créer pour limiter l’impact sur l’Humanité de tout ce qui est en passe d’être perdu/noyé. Désolé Docteur Asimov, c’était bien tenté.
Dans ce contexte, pourquoi continuer à occuper ces lieux, et à quoi bon alimenter ce grand cimetière de contenus ? Je ne vais pas vous mentir. La Revanche du Film a bien failli mettre la clé sous la porte en avril dernier, en partie pour les raisons qui ont été évoquées. Vous êtes plus de 11700 (robots compris) à avoir consulté un article du site cette année, ce qui est assez énorme pour un petit site web, mais presque deux fois moins que l’an dernier où nous jouxtions les 20000. Ce constat est dans la marche des choses, car la consultation de sites est amenée à encore baisser sous l’influence combinée d’Open IA, de Gemini et de Mistral. Un prompt en langage naturel et vous avez tout ce que vous avez voulu savoir sur un film, mis en forme pour vous (si vous l’avez bien demandé). Vous pourrez même bientôt avoir votre Youtuber ciné personnalisé si c’est trop chiant de lire. Alors à quoi bon se fatiguer à écrire ces articles qui demandent du temps et de l’investissement ? Entre nous, les données renvoyées ne seront pas très fiables et peu mises à jour puisque les IA ont été entraînées en partie avec les contenus web dont on a parlé plus haut, souvent peu structurés, qui leur donneront que peu de métadonnées contextuelles (mais cela mérite un plus long article). Mais qui en a vraiment quelque chose à faire en 2025, après des décennies d’éducation par Google ? Quand on veut une réponse immédiate pour satisfaire un besoin immédiat, on l’a.
La question est complexe, mais comme nous sommes toujours là, vous imaginez bien qu’on est revenus (comme Pennywise dans la série préquelle de HBO). Déjà parcequ’il n’y a presque plus de demande pour une presse ciné/séries. Il n’y a qu’une niche nostalgique qui revisite à peu près les mêmes années 80 qui semble connaître un boom depuis quelques années. C’est une situation globale, on le sait, car tout s’est déplacé vers le ouaibe depuis longtemps. On a une pensée pour la très bonne revue musicale Soul Bag qui a rendu son dernier numéro cette année après plus de cinquante ans d’existence, et pour les quelques irréductibles qui s’acharnent à survivre dans un secteur en crise avec pour seul mantra de créer du contexte, faire émerger de nouveaux artistes, de penser le présent et le futur tout en élargissant la connaissance du passé. Ce petit hors-sujet sur la presse ciné est une belle occasion de penser à Jean-Pierre Putters, créateur de la revue Mad Movies, qui nous a quitté cette année et à qui cette presse écrite animée par la passion doit beaucoup. Soit dit en passant, le secteur de l’édition est à peu près dans le même état, mais cela n’empêche pas de temps à autre de voir de beaux projets en financement participatif menés à terme. Bien sûr, tout ça n’est pas neuf et ce n’est pas la seule raison pour rester.
Essayons de faire table rase de tout ce qui a été dit avant. Et promis, à partir de là on va laisser le pessimisme au vestiaire.
Malgré la marche générale, il y’a encore des lecteurs qui nous lisent, et ils ne lisent pas que les articles récents. Dans les 25 articles les plus visités cette année, 4 datent de 2021, 5 de 2022, 3 de 2023, 8 de 2024 et seulement 5 de 2025. Ce qui prouve que les articles s’épanouissent dans la durée, et non dans l’immédiateté. L’article le plus lu cette année est notre bilan des 6 ans qui ne comporte que des liens vers d’anciennes publications. L’index alphabétique est toujours très correctement consulté (175 vues cette année, merci de vous inquiéter pour lui). Cela signifie que la lecture d’un article peut donner envie de découvrir d’autres articles. En gros, ce site a été construit (et est entrenu avec soin) pour que les 588 articles publiés ne soient pas des contenus jetables, et les lecteurs comme les moteurs de recherche répondent plutôt bien à l’appel. Il y’a aussi les commentaires de certains d’entre vous qui font bien plaisir. Il n’y a rien de plus motivant qu’un petit mot pour dire qu’un article a donné envie de découvrir ou de (re)découvrir un film. Puisqu’on parle de vous. Qui êtes vous ? Ou plutôt où êtes-vous ? Voici un éventail des territoires qui ont visité le site sur cette année 2025, avec très peu de promotion sur les réseaux sociaux, ce qui prouve que l’internet n’est pas encore tout à fait mort.

Avec tout ça, pourquoi revenir à des petites fiches cinéma planquées dans une armoire sans aucun moteur de recherche pour y accéder ?

Reece Shearsmith et Steve Pemberton, nos compagnons de l’été 2025
L’envie de faire découvrir est toujours là, et cette envie ne peut être alimentée que parcequ’il y’a des choses à découvrir. Si nous nous étions arrêtés en avril 2025, nous n’aurions pas eu notre été Inside number 9, hommage tardif à une série trop méconnue car pas du tout distribuée chez nous (à part sa dernière saison sur arte), mais tellement surprenante. Si nous n’étions pas revenus, nous aurions loupé un millésime sériel intéressant. Alors que les années précédentes capitalisaient sur des valeurs sûres, nous avons bien plus de nouveaux venus prometteurs pour cette année 2025. Le quinté de tête est d’une qualité assez bluffante.
Les deux hommes de l’année sont incontestablement Trey Parker et Matt Stone (en image de cet article), qui ont repropulsé South Park dans la stratosphère avec les saisons 27 et 28. Le duo a fait office de contre-pouvoir à l’occupation sans partage de l’ensemble des médias mondiaux par l’administration Trump et ils l’ont fait sans se départir du sens de l’humour, de l’intelligence et de l’a propos qui fait de leur série un trésor mondial. En ces temps, l’humour est lui-même un vrai trésor, qu’il soit politique ou non, et on est plutôt heureux du succès de The Chair Company avec le merveilleux Tim Robinson. Aussi du succès des deux beaux specimens de science-fiction/anticipation que sont Severance et Pluribus. Nous croisons les doigts pour avoir en 2026 encore plus de nouveautés et moins de morts déterrés. Il va sans dire que nous ne répondrons pas à l’appel du pied des suites de Buffy contre les vampires, Malcolm et Scrubs, des séries que nous avons adorées et qui sont parfaites comme elles sont.

Au niveau films, l’année ne fut pas mauvaise, mais sans éclats. Les entrées en salle accusent une baisse, avec 157 millions de spectateurs, contre 181 millions en 2024, ce qui n’est pas non plus dramatique. Rassurez-vous, le cinéma est moins mort qu’internet ! Alors que nous sommes entrés depuis quelques temps dans l’ère des plateformes, les salles de cinéma résistent encore. Il y’a de temps à autre une petite pépite qui nous rappelle que la fin est loin d’être proche, mais on manque d’une certaine audace, d’autres créateurs de monde ambitieux capables de saisir ce que peut offrir le média et renouveler le grand spectacle populaire, comme James Cameron, Peter Jackson, Christopher Nolan, James Gunn ou S.S Rajamouli (réalisateur de la légende de Bahubali et RRR) ont su ou savent encore le faire. En attendant, on se satisfait d’avoir de nouveau un film français dans le palmarès de cette année. Et aussi des belles initiatives de certains éditeurs / distributeurs : Cette année, Potemkine nous a offert une belle ressortie de A toute épreuve et The Killer de John Woo, qui a été bien reprise par les salles. On aurait aimé en parler en article, mais on le fait ici pour se faire pardonner. La suite est à venir en 2026, et aussi en BluRay, les pépites HK étant jusqu’ici inédites chez nous dans ce format.

En y réfléchissant, elle n’est pas si catastrophique que ça, cette première année sans David Lynch ! La Revanche du Film sera là en 2026 avec un moins d’articles, mais fidèle au poste. En espérant que la fiction vous ait offert de belles choses pour cette année 2025 et ait entretenu votre capacité à espérer et agir pour que 2025 soit enterrée en bonne et due forme. On vous souhaite, où que vous soyez dans ce vaste monde, un excellent réveillon et une bien belle année 2026.
A bientôt !


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