Réalisation : Otakar Votocek
Scénario : Otakar Votocek, Herman Koch
Directeur Photo : Alex Thomson
Montage : Hans Von Dongen
Musique : Paul M. Von Brugge
Chef Décorateur : Benedict Schillemans
Costumes : Yan Tax
Production : Dick Maas, Laurens Geels
Pays : Pays-Bas
Durée : 1h56
Sortie VOD et DVD le 6 août 2019. Sortie Bluray le 5 mai 2021

Acteurs Principaux : Colin Firth, Peter O’Toole, Marie Trintignant, Andréa Ferréol, Robert Stephens, Ellen Umlauf, Maria Becker
Genre : Fantastique, Drame, Comédie
Note : 8,5/10
Brian Smith est un écrivain qui n’a pas connu le succès. Par désespoir, il assassine l’acteur César Valentin, l’une des plus grandes stars de son temps. Mais la chute d’un projecteur met un terme à sa vie juste après qu’il ait commis son acte. César Valentin et son meurtrier sont conduits sur une île qui accueille les personnalités décédées encore dans la mémoire des vivants. Ses résidents, logés dans un grand Hôtel, bénéficient d’un plus grand confort en fonction de leur célébrité et leur oubli progressif entraîne une dégradation de leurs conditions de logement, jusqu’à l’expulsion de l’île lorsqu’ils sont totalement oubliés. La célébrité naissante de Brian Smith est désormais liée de façon inextricable à celle de l’homme qu’il a tué.
Les Ailes de la Renommée est un film rare et un cas à part qui fait mentir beaucoup de lieux communs sur la production d’un grand film. Il n’a lui-même pas bénéficié d’une grande renommée à sa sortie, si ce n’est de bonnes critiques louant son originalité et deux prix au Festival d’Avoriaz de 1991 (prix spécial de l’étrange et prix de la critique) . Dans le viseur d’un public cinéphile, il a été redécouvert quelques années plus tard, sans acquérir le statut qu’il méritait. Son réalisateur, le scénariste tchèque Otakar Votocek, n’a pas réalisé d’autre film qui soit sorti au cinéma.
Les Ailes de la Renommée est un film résolument européen. Produit par un habitué des festivals d’Avoriaz des 80’s, le néerlandais Dick Maas (réalisateur de l’Ascenseur et Amsterdamned), il rassemble un casting d’acteurs anglais, français et allemands, pour la plupart des stars dans leur pays (Peter O’Toole, Robert Stephens, Andréa Ferréol) ou en passe de le devenir (Colin Firth, Marie Trintignant). Son approche du fantastique est très minimaliste et anti-spectaculaire, sans élément visuel qui puisse distinguer le fantastique du réel. Un parti pris très difficile qui entraîne dans beaucoup de cas une ambigüité nuisible au film (ce qui se déroule devant nous est-il réel?). Les Ailes de la Renommée échappe à cette ambiguité grâce à un scénario qui intègre astucieusement ce doute et qui accentue le côté symbolique du moindre élément. La traversée du fleuve par le passeur donne le « la » : Nous sommes dans une allégorie pure qu’il faut accepter comme telle, sous peine de s’alliéner comme le personnage de Marie Trintignant. La réalisation nimbée d’onirisme et l’interprétation des hôtes achèvent de nous transporter dans un ailleurs mystérieux. Il n’est sans doute pas un hasard qu’Otakar Votocek ait collaboré au scénario du premier film d’Alex Van Warmerdam (Abel), autre réalisateur européen qui s’emploie à distiller le fantastique dans des cadres très réalistes en y faisant glisser des éléments d’étrangeté.
Etonnant sur la forme, le film est encore plus pertinent sur son fond aujourd’hui qu’à l’époque de sa sortie. La matérialisation de la mémoire des vivants est une transposition satirique à peine exagérée de l’attention qui est réservée à un individu en fonction du statut public. Ce constat déjà fort au début des années 90 s’est érigé en règle dans notre société alors que la célébrité est devenue aussi puissante qu’éphémère, et souvent terriblement arbitraire. Cette île pourrait bien être internet, où notre existence dépend en permanence de notre visibilité. La cérémonie de remise des prix dans la dernière partie du film est une représentation absurde de l’auto-congratulation des vainqueurs de ce régime de la popularité.
Profondément narcissique, César Valentin est un personnage tragique très moderne dont la critique ouverte n’exclue pas une certaine empathie. Cette empathie doit beaucoup au à l’interprétation de l’immense Peter O’Toole. Etait-ce totalement du jeu? La renommée de Peter O’Toole a cette époque équivalait celle de son personnage, mais la génération qui l’avait porté aux nues avait laissé la place à une autre. Nul doute qu’il devait se sentir proche de l’acteur qu’il incarnat. La bienveillance envers César Valentin est aussi soutenue par le changement de point de vue progressif de son meurtrier, pour culminer dans un final pudique et émouvant. Ainsi la célébrité est-elle reconnue comme une sorte de junkie, un dommage collatéral d’un système délétère qu’il est nécessaire d’aider, et le héros trouve le salut en pensant à quelqu’un d’autre que lui. Le tout jeune Colin Firth apporte à Brian Smith une cote de sympathie (pas gagnée pour un assassin) qui permet de faire ce voyage absurde en bonne compagnie et de ne pas se perdre en chemin. Après une diffusion récente sur TCM, les Ailes de la Renommée sort en BluRay ce 5 mai 2021 chez ESC Distribution. Voilà une nouvelle occasion de ne pas passer à côté de ce film atypique.
Votre commentaire