2021 – Peux t’on (encore) sortir de la Matrice ?

C’est la question que se pose Lana Wachowski dans Matrix Resurrections, avec des gros points de suspension. Il faut dire que c’est pas la joie dans cette nouvelle version de la Matrice plus déprimante que Man of Steel et The Dark Knight Rises réunis. Les machines ont payé un psy pour que l’illusion sur les humains soit encore plus retorse et elles vendent des jeux vidéos Matrix. Du coup, Lana ne croit plus à l’Allégorie de la Caverne (#Platon) et elle part en mode bug complet, sabotant ce qu’elle a créé et trollant ses scènes d’action avec, par exemple, Lambert Wilson en incarnation humaine des commentaires sous les articles du ouaibe. Pendant ce temps, l’agent Smith adopte un nouveau look plus chill et prend les traits de Jonathan Groff, héros de Mindhunter et sosie d’Emmanuel Macron (Bien sûr que si, regardez bien pendant les voeux…). Nous laisserons les exégètes de la Matrice en tirer leurs conclusions. Une reprise molle du Wake Up de Rage Against the Machine clôt la farce et Lana nous signifie qu’elle a fait ce qu’elle pouvait, que l’essentiel c’est d’essayer à chaque génération, mais que tout ça a plus de chance de finir dans le métaverse de Zuckerberg que dans le monde réel. Pour l’année qui vient, on lui souhaite de pouvoir oublier tout ça pour revenir à des choses plus inspirées, comme Cloud Atlas ou la série Sense 8. Sa démarche qui frise le degré zéro du cinéma est pourtant plus honnête que le Multiverse de la deuxième époque du désormais consacré MCU (Marvel Cinematic Universe), qui affiche clairement ses ambitions de rassembler toutes les tranches d’âge, y compris celles qu’elle a jeté à la poubelle. Spiderman : No Way Home pousse le cynisme jusqu’à jeter des miettes à deux générations de fans des Spiderman ciné qu’elle a intentionnellement privés de conclusion. La méthode fonctionne car nous tenons le plus gros succès de cette année, et le premier film à renouer avec les chiffres du box-office d’avant la pandémie (plus de 1 milliards de dollars mondial).

Pour voir le verre à moitié plein, 2021 restera l’année où le cinéma n’est pas mort. L’an dernier à la même époque, nous nous apprêtions à ronger notre frein entre festivals en ligne et téléfilms de plateformes pour encore quatre mois et demi – avant une ré-ouverture des salles obscures. Peu après, de nouveaux coups étaient portés avec le pass sanitaire, faisant de la culture et du spectacle vivant la première variable d’ajustement de la pandémie. Alors que l’an 3 de l’ère COVID pointe le bout de son nez, il faut serrer les dents car les bons chiffres de Marvel/Disney/Star Wars, de la fin du James Bond nouvelle génération ou de Dune ne garantissent absolument plus le déplacement des publics pour aller voir d’autres films. Il serait d’ailleurs intéressant de voir si ces deux années n’ont pas accéléré la marche vers la standardisation des goûts du public déjà bien entamée en 2010, condamnant les films sans licence à être « consommés » sur le canapé du salon. L’échec au box office du blockbuster le plus original de cette année, The Suicide Squad, semble aller même pousser ce raisonnement plus loin.

2021 est aussi heureusement l’année où une poignée de boîtes de production et distributeurs mettent le paquet pour avancer en vent contraire. Le cinéma français a fait preuve d’une audace payante, avec Oranges Sanguines, Barbaque, Boîte Noire, BAC Nord, La Troisième Guerre ou bien Teddy. Nous finissons l’année avec le très beau Lamb de Valdimar Jóhannsson et une belle surprise de la part de Netflix, Don’t Look Up. D’autres films plus extrêmes trouvent leur place dans des festivals qui restent vaillants et s’ouvrent à un public plus large, ou bien en VOD. La Revanche du Film ne se privera pas de soutenir des films marquants comme le Mad God de Phil Tippett ou le superbe The Green Knight, qui ouvrira l’année 2022 sur Prime.

2021, c’est aussi de grands moments, comme la masterclass de Paul Verhoeven à la cinémathèque française, dans la foulée de la sortie de son génial Benedetta. Le réalisateur de Robocop et Starship Troopers a maintenant l’allure et les paroles d’un vieux sage, mais toujours autant de vitalité. C’est enfin cette rétrospective intégrale (chroniquée intégralement ici-même) du grand John Sayles, qui aura permis sa venue en France. Une rétro qui tombe à pic pour rappeler que le cinéma est un puits sans fonds de découvertes. Si c’est pas déjà fait, je vous invite à piocher dans les reviews de ses films. 2021, c’est aussi la mort de Bertrand Tavernier qui laisse derrière lui tant de bons films et d’articles passionnés sur le cinéma. Il est impossible de l’oublier.

2021, ce n’est pas une grande année pour les séries tévés qui font du surplace, même si les puissantes Midnight Mass et The Good Lord Bird nous sauvent un peu la mise. Il reste toujours les valeurs sûres de la chaîne FXX qui tiennent le cycle des années.

2021, c’est 112 articles pour la Revanche du Film. Je ne me souviens pas avoir autant écrit sur le cinéma. Et comme il ne sert pas à grand chose d’écrire si on est pas lu, je remercie au passage l’indulgence de celles et ceux qui likent régulièrement les reviews et qui se sont abonnés au blog. En espérant qu’il a pu vous apporter quelque chose et que vous avez fait de belles (ou terrifiantes) découvertes. Tout souhait de bonne année étant franchement risqué, je ne vous souhaiterai rien d’autre qu’une bonne année cinématographico-sérielle 2022. Le Nightmare Alley de Guillermo Del Toro et la nouvelle adaptation de MacBeth par Joel Coen (sans Ethan) arriveront bien assez tôt pour montrer la voie.

G.E

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