Don’t Look Up – Déni Cosmique

Réalisation : Adam McKay

Scénario : Adam McKay, David Sirota

Directeur de la Photographie : Linus Sandgren

Montage : Hank Corwin

Musique : Nicholas Britell

Chef Décorateur : Clayton Hartley

Direction Artistique : Jared Patrick Gerbig, Elliott Glick, Brad Ricker, Patrick Scalise

Production : Erin Charles, Tony Grazia, Jennifer Madeloff, Adam McKay, Kevin J. Messick, Staci Roberts Steele, Scott Stuber, Ron Suskind, Jeff G. Waxman

Pays : USA

Durée : 2h18

Sortie sur Netflix le 24 décembre 2021

Acteurs Principaux : Jennifer Lawrence, Leonardo Di Caprio, Meryl Streep, Cate Blanchett, Rob Morgan, Jonah Hill, Mark Rylance, Tyler Perry, Timothée Chalamet, Ron Perlman, Ariana Grande, Kid Cudi, Melanie Lynskey

Genre : Satire, Drame

Note : 8/10

Pour clôturer son mini-festival Netflix, qui proposait la diffusion de films produit par la plateforme entre le 7 et le 13 décembre, la Cinémathèque Française se paye un petit événement : une avant première du dernier film d’Adam McKay à onze jours de sa sortie réveillonnaire officielle. C’était aussi la seule occasion de voir Don’t Look Up en salles. Il aurait fallu que la présence sur place d’Adam McKay pour couronner le tout, mais les conditions sanitaires empêchèrent le réalisateur de venir présenter son film et de nous parler de son impressionnant parcours. Débutant sur l’émission l’Amérique de Michael Moore, ce démocrate convaincu devient par la suite chef scénariste du Saturday Night Live, où il rencontrera Will Ferrell. L’acteur le suivra dans ses premières réalisations, et pas des moindres : Anchorman, La légende de Ron Burgundy, Ricky Bobby roi du circuit, Very Bad Cops (…), que des poids lourds de l’humour US des années 2000. Puis vient le tournant politique The Big Short en 2015, fiction hyper-documentée sur le sujet autrement plus sérieux de la crise des subprimes. Sur un modèle proche de Michael Moore (mais en pendant fictionnel), McKay rend encore plus poreuse la frontière entre la satire et la réalité, une recette qu’il s’appliquera à renouveler avec Vice, faux biopic sur Dick Cheney, le vice président de George W.Bush durant ses deux mandats, tandis que la série qu’il co-produit, Succession, torpille le glamour des grandes dynasties américaines. Le réalisateur des comédies potaches de Will Ferrell a les honneurs d’Oscars mérités et le gotha des acteurs se l’arrache, mais son message n’en est pas plus écouté. L’Amérique, suivi de près par le monde, continue de se vautrer dans une ignorance de plus en plus dangereuse pour la démocratie et pour la planète. Mais est-il possible d’en sortir? Il devient, en 2021 presque impossible d’occuper l’espace médiatique durablement sur un sujet sérieux. Et si par miracle le sujet est porté, son défenseur le plus brave sera découragé par les attaques arbitraires de ses opposants et un lot impressionnant de personnes qui ont fait du déni un principe. Don’t Look Up est la réponse d’Adam McKay à cette dérive absurde de la démocratie qui a tout pour mener l’espèce humaine à sa perte. Une démonstration par l’absurde qui plaque son approche documentaire sur « des faits potentiellement réels ».

Lorsque l’astronome Randall Mindy et sa doctorante Kate Diabiasky découvrent qu’une comète venue des confins du système solaire va bientôt s’écraser sur Terre, ils trouvent aussitôt un soutien à la NASA. Mais la route est semée d’embuches pour se faire entendre par la présidente des Etats-Unis, pour qui le sujet n’est pas essentiel, mais mérite tout de même d’être classé Secret Défense. Les deux décident de porter eux-même le message dans les médias, sans se douter qu’ils entreront dans une autre dimension qu’ils ne maîtrisent pas. Pendant que la comédie du monde continue, la comète s’approche dangereusement. Nos deux astronomes réussiront-ils à convaincre l’espèce humaine d’éviter son extinction, ou même à apporter un consensus sur l’existence de la comète, que chacun peut voir peu à peu rien qu’en levant les yeux au ciel ?

A ces questions, nous ne donnerons pas de réponse. Pas pour obéir à Netflix qui a gentiment demandé de ne pas divulguer la fin, mais parceque ce suspens fait partie intégrante de Don’t Look Up. Adam McKay apporte sa pierre à une prestigieuse lignée de comédies satiriques à casting de luxe, parmi lesquelles The Second Civil War de Joe Dante (déjà diffusée sur petit écran dans les années 90, mais pas vraiment à la télé, puisque c’était HBO), Mars Attacks! de Tim Burton ou l’inclassable Southland Tales de Richard Kelly. La filiation la plus évidente étant celle de Joe Dante, tant la charge est décomplexée et dénonciatrice. Mais cette satire féroce est fréquemment parasité par le drame. Le même drame qui s’insinuait dans The Big Short à mesure de l’enquête, alors qu’il fallait accepter que ce qu’on voyait sur l’écran n’était pas un film, mais le monde réel. Le postulat de départ bien fictionnel incite le réalisateur/scénariste à aller plus loin en faisant balancer sa dernière partie de la satire au drame, en faisant des coupes franches dans les moments satiriques, telles des injonctions à considérer le sérieux de son message. Une façon à lui de dénoncer que l’humour constant participe du phénomène de dé-réalisation, et que si on a crue la satire utile pendant si longtemps, nous sommes peut-être arrivés à une époque où il faut prendre conscience qu’elle peut alimenter cette fiction constante dans laquelle nous vivons. Ce n’est pas pour rien que le titre porté par le film est le hashtag qu’il dénonce. Mais on ne pourra pas enlever le réalisateur de comédie d’Adam McKay, quelle que soit la thèse défendue. De l’épigraphe en début de film à la scène post-générique, Don’t Look Up est parcouru de son humour tordu et inattendu. Un humour du désespoir parfois au bord de la private joke, gamin et sarcastique qui fera beaucoup de bien à ceux qui n’en peuvent plus d’évoluer dans ce non sens quotidien depuis maintenant tant d’années. Pour contenter toutes les générations autour de la table, une belle brochette d’acteurs de tout âge soutiennent volontiers l’effort, avec un penchant spécial pour Mark Rylance, aussi inquiétant que savoureux en clone de Zuckerberg/Musk/Bezos. Enfin il y’a cette bande originale au cordeau à tomber concoctée par Nicholas Britell. Assurément Don’t look up est le meilleur best of de l’année 2021 que vous pourrez voir pendant les fêtes.

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