Nightmare Alley

Réalisateur : Guillermo Del Toro

Scénario : Guillermo Del Toro & Kim Morgan, d’après le roman de William Lindsay Gresham

Directeur de la Photographie : Dan Laustsen

Montage : Cam McLauchlin

Musique : Nathan Johnson

Cheffe Décoratrice : Tamara Deverell

Direction Artistique : Brandt Gordon

Casting : Robin D. Cook

Production : Bradley Cooper, J. Miles Dale, Guillermo Del Toro, T.K. Knowles, John O’Grady

Pays : USA

Durée : 2h30

Sortie en salles le 18 janvier 2022

Acteurs Principaux : Bradley Cooper, Cate Blanchett, Toni Collette, Rooney Mara, Willem Dafoe, David Strathairn, Ron Perlman, Mark Povinelli, Richard Jenkins, Mary Steenburgen, Holt McCallany, Tim Blake Nelson, David Hewlett

Genre : Film Noir, Horreur

Note : 8,5/10

Lors d’un entretien fleuve repris dans le superbe coffret DVD/BluRay de l’Echine du Diable, Guillermo Del Toro décrivait le film noir comme le « cousin germain du film d’horreur », comparant le partis pris des « méchants » qu’affectionnait ce genre à son amour des monstres. Le réalisateur ne se voyait quitter le fantastique pour un autre genre que le film noir. Il était pour ainsi dire condamné à adapter le Nightmare Alley de William Lindsay Gresham (1946) : un roman réaliste inscrit dans son époque (Del Toro est un passionné d’Histoire) mais qui résonne par-delà, un peu de superstition, une crapule au visage d’ange destinée à devenir un monstre, un cirque itinérant dissimulant à peine l’innommable. L’ouvrage recèle tous les éléments propices à une ré-appropriation par le mexicain érudit. La crapule (Bradley Cooper) a pris ses quartiers dans une foire itinérante, où ses talents de bonimenteur peuvent s’épanouir. Son rapprochement avec la diseuse de bonne aventure (Toni Collette) et son alcoolique de compagnon (David Strathairn) lui fait mettre la main sur un procédé qui vaut de l’or, qu’ils ont développé lorsqu’ils étaient au sommet. Avec ce procédé, l’ambitieux pourra devenir célèbre en faisant croire aux gens qu’il peut lire dans leurs pensées. Flanqué d’une jeune femme née dans la foire (Rooney Mara) dont il est tombé amoureux, il part pour la ville pour faire fortune, d’abord pour le show, mais il a en tête une escroquerie qui rapporte bien plus. Son ambition pourra s’épanouir avec la rencontre d’une psy (Cate Blanchett) qu’il considère vite comme son égal, et qui possède un carnet de clients aussi riches que crédules.

Le premier outrage du film annonce la couleur, un geek de foire qui tue sauvagement un poulet sous les yeux des spectateurs. Le Nightmare Alley de Guillermo Del Toro est un film classé R qui flirte constamment avec l’horreur, mais une horreur réelle (les geek shows étaient très courants dès la fin du XIXe). La première adaptation du roman par Edmund Golding en 1947 (le Charlatan, en France), empruntait déjà un ton singulier dans sa volonté de regarder en face l’horreur sociale contemporaine. Guillermo Del Toro y’apporte un regard complémentaire qui fait des deux films les deux faces du même pièce. Là où Golding imposait l’arrogance froide d’un Tyrone Power métamorphosé, Del Toro mise sur le visage d’ange et le charisme moins malsain (et bien plus trompeur) de Bradley Cooper. A l’orphelin arriviste, il substitue le fils traumatisé, faisant du passé familial le début et la clé de lecture de son film. Son Stanton Carlisle est dans une fuite en avant contre le passé beaucoup plus explicite (un peu comme le Jacinto de l’Echine du Diable) et l’empathie a son égard est plus grande qu’en 1947. Il s’impose comme un personnage tragique, au sein d’un environnement plus lumineux, plus humain, que celui du film de Golding. C’est un peu la licence poétique de ce Nightmare Alley, de placer des obsessions (un foetus dans un bocal, par exemple), de mettre pause sur l’intrigue pour vivre un peu plus longtemps avec les carnies, de reposer sur l’incroyable galerie d’acteurs dont Guillermo dispose après son Oscar (et ses habitués) pour les rendre le plus humain possible. On pourra chanter les louanges de la directrice de casting car chacun de ces acteurs est employé à la perfection.

Dans la seconde partie, il profitera de ses deux heure trente pour faire respirer une intrigue qui s’emballait un peu trop dans la première adaptation, et faire passer au premier plan un personnage qui aurait du être secondaire. L’alchimie/confrontation entre Bradley Cooper et Cate Blanchett est magique, digne des meilleurs duos de l’âge d’or hollywoodien. On se surprend à y voir la matérialisation contemporaine de tout l’esprit d’un genre, revisité avec soin et doigté. Certes on ne va plus droit au but et le psychologique est plus présent. Certes, le scénariste réalisateur prend soin à mettre en avant tous les seconds rôles, quitte à se disperser dans les points de vue, ce qui peut paraître contradictoire avec l’enfermement du héros classique de film noir. Mais l’esthétique à la fois très classique et neuve, est à tomber. A part un final un peu décevant qui use de sabots un peu gros, le Nightmare Alley de Guillermo Del Toro est servi à point, ni trop froid (comme beaucoup de ses films des années 2010), ni trop chaud (comme pouvait le laisser craindre le virage pris avec La Forme de l’eau). Il ne vaut pas ses premiers chefs d’oeuvre, mais il a un charme propre, singulier, presque irrésistible.

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