Réalisation : Kenneth Branagh
Scénario : Kenneth Branagh
Directeur de la Photographie : Haris Zambarloukos
Montage : Úna Ní Dhonghaíle
Musique : Van Morrison, Becky Bentham
Chef Décorateur : Jim Clay
Direction Artistique : Dominique Masters, Stephen Swain, Robert Voysey
Production : Laura Berwick, Kenneth Branagh, Celia Duval, Becca Kovacik, Tamar Thomas, Andrew Wilson
Pays : USA
Durée : 1h38
Sortie en salles le 2 mars 2022

Genre : Chronique, Histoire, Comédie Dramatique
Note : 6/10
Belfast est de ces films qu’on aimerait aimer, car on comprend ses intentions. Après une décennie à cachetonner pour Marvel derrière la caméra (Thor), à servir Christopher Nolan plus ou moins heureusement (Dunkerque, Tenet) ou plus récemment à cabotiner dans une croute numérique qui se réclame d’Agathe Christie (Mort sur le Nil), voir Kenneth Branagh à la tête d’un projet personnel qui remonte un été déterminant de son enfance en Irlande du Nord avait de quoi exciter l’attente. L’acteur réalisateur a grandi dans un quartier ouvrier du Nord de Belfast, que ses parents durent quitter à l’issue des émeutes entre protestants et catholiques qui eurent lieu lors de l’été de 1969. De retour sur les lieux de son enfance en 2011, il découvrit un quartier détruit, ce qui le motive à réaliser ce film comme une catharsis, un moyen de retrouver cette époque déterminante dans sa construction personnelle. Le gamin de 9 ans avec le point de vue duquel nous vivons les événements de Belfast aurait donc pu s’appeler Kenneth au lieu de Buddy. La séquence qui démarre le film part d’images contemporaines de la ville en couleurs, puis le noir & blanc s’invite alors que nous passons le mur du quartier de Buddy, qui se dévoile lors d’un traveling somptueux, suivant le gamin dans sa vie quotidienne jusqu’à ce que les émeutes interrompent brutalement les événements, provoquant une perte des repères stupéfiante. Cette séquence justifie à elle-seule le film, tant elle retranscrit la complexité émotionnelle de ce retour aux sources et nous plonge directement dans cette époque, mais elle demeure malheureusement l’exception du film.
Belfast est un film souvenir qui choisit de s’inscrire dans un quotidien à taille d’enfant alors que la Grande Histoire avance, ceci explique que des évènements d’apparence anodins (mais plus importants pour Buddy) prennent une plus grande place. Il est donc parfaitement justifié que les films visionnés et les pièces de théâtre soient les seuls éléments en couleur du film car ils sont les chocs fondateurs qui décideront de la carrière de Branagh. Le noir & blanc est d’ailleurs peu justifié sur le plan narratif, sinon pour sa beauté et pour justifier ces mises en valeurs. On saisit aussi que la vie du quartier, la rencontre des habitants, les élucubrations amoureuses du gamin prennent autant de place malgré l’importance du conflit car nous savons tous l’importance de la subjectivité dans les souvenirs. Mais ces choix peinent à être assumés jusqu’au bout dans la pratique et à être mis en valeur comme des ressentis de la même façon que la première séquence. Branagh décrit durant tout son film, transformant chacune de ces expériences personnelles en des vignettes qui peinent à sortir des lieux communs. En plus de ce côté anecdotique qui éloigne, le point de vue passe régulièrement du côté des parents. Dans ce « en même temps » permanent, il est difficile de séparer le côté non réaliste (les parents sont trop idéalisés pour être réels) et la description avec le recul. Belfast est bien réalisé, ses acteurs jouet bien leur rôle mais il lui manque un coeur moins théorique, qu’on trouvait par exemple dans le Hope & Glory de John Boorman fondé sur des intentions similaires. Sans ce coeur, il devient un archétype de film d’enfance un peu plat et longuet malgré ses 1h38, mais parfaitement taillé pour les Oscars. Les sept nominations dont il bénéficie pour la cérémonie du 27 mars n’ont pas été volées, mais l’ensemble des éléments ne contribuent malheureusement pas à un tout.
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