The Beatles – Get Back

Réalisation : Peter Jackson (2021), Michael Lindsay Hogg (1969)

Directeur de la Photographie : Anthony B.Richmond (1969)

Montage : Jabez Ollsen, Elliot Travers, Dan Best

Superviseur musical : Giles Martin (2021), George Martin (1969)

Equipe montage Son : Martin Kwok, Brent Burge, Giles Martin, Sam Okell, Michael Hedges, Emile De La Rey, Matt Stutter, Tane Upjohn Beatson, Stephen Gallagher, Andrew Moore

Restauration : Park Road Post Production (Weta)

Production : Paul McCartney, Ringo Starr, Yoko Ono Lennon, Olivia Harrison, Clare Ollsen, Peter Jackson, Jonathan Clyde, Jeff Jones, Ken Kamins, Jabez Ollsen

Pays : Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, USA

Durée : 7h47 (3 épisodes de 2h37 min, 2 h 53 min et 2 h 18 min)

Diffusion sur Disney + les 25, 26 et 27 novembre 2021. Disponible sur Disney +. Disponible en Bluray depuis le 13 juillet 2022

Avec : Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, Ringo Starr, Billy Preston, George Martin, Mal Evans, Glyn Johns, Michael Lindsay Hogg, Yoko Ono, Linda Eastman

Genre : Documentaire, mini-série

Note : 9/10

Janvier 1969. A peine un mois après la sortie de l’Album Blanc, les Beatles retrouvent le réalisateur Michael Lindsay Hogg (il vient de tourner avec eux le clip de Hey Jude) pour un projet singulier : interpréter leurs nouveaux morceaux en direct et en public lors d’une émission télévisée. Un évènement, car le groupe ne tourne plus depuis 1966 et l’initiative -venant de Paul McCartney – arrive à point nommé pour redonner un coup de boost aux quatre de Liverpool. Ils acceptent de se laisser filmer durant leur processus de composition et leurs répétitions durant tout le mois pour que leur concert soit accompagnée d’un documentaire. Devant les caméras, ils ont trois semaines pour peaufiner et répéter leurs morceaux aux studios Twickenham, alors même que la nature de l’évènement live reste encore indéterminée. A mi-chemin, ils devront rejoindre les studios d’enregistrement de leur société Apple Corp à Saville Row et termineront sur le célèbre concert de 42 minutes donné sur les toits de l’immeuble, dernier concert des Beatles avant leur séparation.

Les 56 heures de pellicule et 150 heures de matière sonore collectés par l’équipe de Michael Lindsey Hogg aboutiront au documentaire de 80 mn, Let it be, qui sort en salles en mai 1970, après l’annonce de la séparation du groupe. Sa ligne éditoriale est d’insister sur les aléas de cette collaboration et tous les éléments annonçant la dissolution : L’omniprésence de Yoko Ono aux côtés de John Lennon, La mort de leur manager Brian Epstein qui les a laissé livrés à eux-mêmes, la difficulté à combiner les égos de McCartney, Lennon et Harrison et leurs divergences de direction sur le groupe. Let it be contribua grandement à alimenter le mythe nourri par la presse de quatre musiciens qui ne pouvaient déjà plus travailler ensemble. Dans la série documentaire Get Back, Peter Jackson part du matériel d’origine pour révéler quatre musiciens certes exposés à des divergences – mais dont la complicité est nettement visible sur ses sessions. Il livre une immersion de près de huit heures dans la vie des Beatles, narrativement et techniquement stupéfiantes.

Peter Jackson est communément connu comme étant le réalisateur qui donna vie au Seigneur des Anneaux. Mais six ans plus tôt, il livrait un documentaire Forgotten Silver, qui attribuait à un illustre inconnu néo-zélandais – Colin McKenzie – les inventions du gros plan, du travelling, du film sonorisé et de la couleur. Avec un tel palmarès, comment un tel homme avait-il pu rester aussi longtemps sous les radars des historiens ? Tout simplement parce qu’il n’avait jamais existé, en dépit de l’apparente véracité des interventions de spécialistes et d’acteurs dans le docu. Le canular de Jackson était alors lui même précurseur de nombreux faux documentaires (mockumentaires) plus vrais que nature. Par Colin McKenzie, Peter Jackson exprimait probablement une frustration de ne pas être né plus tôt pour apporter au cinéma (et à son pays la Nouvelle-Zélande) tous ces avancées majeures. Mais vingt sept ans plus tard, on peut voir en ce documentaire un véritable plan d’action pour l’Homme qui n’a cessé de relevé les plus gros défis narratifs et techniques que le septième art ait connu ces trente dernières années : Propulser le film amateur sur le devant de la scène (Bad Taste), transformer un spectacle de marionnettes en film adulte (Meet the Feebles), réaliser le film le plus gore de l’Histoire du cinéma (Brain Dead), faire de deux criminelles des héroïnes d’un drame fantaisiste (Heavenly Creatures), déployer des moyens et une infrastructures pharaoniques pour porter à l’écran la saga de Tolkien, créer le studio Weta qui révolutionna les effets spéciaux – notamment via la création du logiciel Massive et le développement de la performance capture, réinventer le film d’aventures avec King Kong, tourner trois blockbusters conçus pour être diffusés en 3D et 48 images en secondes (La trilogie Le Hobbit). L’apport de Peter Jackson au cinéma contemporain est monumental. Il a pourtant disparu des radars depuis la gestation difficile du Hobbit, qu’il dut reprendre à son compte suite à des problèmes de planning qui débarquèrent Guillermo Del Toro du projet.

Le réalisateur n’a pas pour autant quitté sa casquette d’innovateur du son et de l’image. En 2018, il présentait le documentaire They shall not grow old , montages d’archives filmiques de la première guerre mondiale illustrant les témoignages de survivants, sans narrateur intervenant. Des images inédites, colorisées et restaurées avec les moyens actuels, agrémentés d’une bande son qui permettait de donner vie à l’expérience de ces hommes ayant vécu cent ans plus tôt. Un travail minutieux à mettre au crédit de Park Road Post Production, division de Weta , au monteur Jabez Olsson et à la productrice Clare Olsson. C’est cette même équipe, toujours sous l’égide de la société de production de Peter Jackson Wingnut Films, qui a réalisé l’incroyable travail de restauration visible sur Get Back. D’abord sur l’image – qui gomme une grande partie des marquages temporels des films des années 60. Mais de façon encore plus importante – et logique, vu le sujet de la série-documentaire- sur le son. Les équipes de Peter Jackson ont inventé un procédé permettant de partir de la piste mono d’origine des rushes de 1969 pour isoler les différents éléments, ce qui permis d’opérer des choix de mixage. Le dernier parti pris complétant cette immersion fut la transformation du documentaire (choix d’origine des concepteurs) en mini-série qui s’étale sur une durée de huit heures. Le temps n’est plus compressé, et le film respire. Nous n’avons littéralement plus l’impression de regarder un documentaire, mais de vivre les événements au côtés du groupe un événement historique dans l’Histoire de la musique. C’est un vrai bonheur d’accompagner le processus créatif d’un groupe qui a accouché d’autant de classiques, de partager leur complicité, mais aussi de tâter l’émulation et de l’inventivité de cette époque – peu descriptible avec les mots seuls.

Le réalisateur de Forgotten Silver n’oublie pas, du même coup, de nous donner une leçon de plus sur le pouvoir magique du montage, qui donne ici une toute autre vision des derniers mois des Beatles. La discrétion de son montage, les procédés narratifs et techniques utilisés brouillent à ce point les cartes qu’on en vient à plusieurs reprises à se questionner sur la nature fictionnelle de ce qu’on regarde, jusqu’à ce qu’on se rende compte que nous ne vivons rien de moins que ce qui a eu lieu il y’a 53 ans, avec les vrais Beatles. Get Back est du vrai travail de magicien, une collaboration entre les époques qui bénéficiera probablement à terme, à l’industrie du cinéma et à notre façon d’appréhender l’Histoire via les documents audiovisuels. L’opportunité d’un voyage dans le temps pour la beauté du geste et pour rendre heureux des dizaines de milliers de fans. Que demander de plus ? Peut-être que Peter Jackson reste toujours actif, qu’il fasse ou non de la fiction.

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