Réalisation : Ruben Östlund
Scénario : Ruben Östlund
Directeur de la Photographie : Fredrik Wenzel
Montage : Mikel Cee Karlsson, Ruben Östlund
Cheffe Décoratrice : Josefin Åsberg
Direction Artistique : Gabriel de Knoop
Production : Brina Elizabetha Blaz, Philippe Bober, Julio Chavemontes, Alessandro Del Vigna, Lizziz Franke, Dan Friedkin, Ryan Friedkin, Rose Garnett, Mike Goodridge, Micah Green, Faruk Guven, Per Damgaard Hansen, Erik Hemmendorf, Giorgos Karnavas, Kanstantinos Kotovrakis, Clemens Köstlin, Jovan Marjanovic, Mouns Overgaard, Marina Perales Marhuenda, Mirsad Purivatra, Olivier Père, Andreas Roald, Danae Spathara, Jim Stark, Daniel Steinman, Bradley Thomas, Zahra Waldeck, Pierre Wallon, Dan Wechsler, Jamal Zeinal Zade
Pays : Suède, Allemagne, France, Royaume-Uni, USA
Durée : 2h09
Sortie en salles le 28 septembre 2022

Acteurs Principaux : Harris Dickinson, Charlbi Dean, Dolly de Leon, Henrik Dorsin, Vicki Berlin, Jean-Christophe Folly, Woody Harrelson, Zlatko Burić, Oliver Ford Davies, Iris Berben, Sunnyi Melles, Arvin Kananian
Genre : Comédie, Satire
Note : 8/10
Couronné d’une palme d’or en 2017 avec le sympathique The Square, le suédois Ruben Östlund a doublé la mise cette année avec Sans Filtre, récit d’une croisière sur laquelle se sont embarqués deux jeunes mannequins influenceurs et qui tourne (très) mal. Sans Filtre est dans la lignée des films précédents d’Östlund, à mi-chemin entre la comédie de moeurs grinçante et la satire sociale, avec un zest de désinvolture nordique. Les nantis, ceux qui font les règles et évoluent dans un univers absurde en prennent donc pour leur grade lors de cette croisière. Mais ce nouveau film possède une verve et une agressivité que n’avaient pas The Square ou Snow Therapy, beaucoup plus rentrés et psychologiques, comme si Ruben Östlund avait pris conscience de sa position dans le monde du cinéma et décidé d’en profiter pour organiser un jeu de massacre, de vider de son faux sens un monde dans lequel il est désormais partie prenante. Une catharsis physique jouissive pour le spectateur, qui peut prendre plaisir à cette débâcle sans que le discours ne cède au divertissement. La cerise sur le gâteau étant la présence inattendue de Woody Harrelson en capitaine américain marxiste devisant avec un russe capitaliste dur, dans une ambiance Monty Pythonesque. La descente de la deuxième partie du film – qui en comprend trois – est parmi ce qu’on aura vu de plus drôle dans une Palme d’Or, mais aussi de plus dérangeant – voire trash. Le malaise installé par le réalisateur monte crescendo. On parvient à ressentir l’enfer par lequel passent ces nantis lors de leurs dernières minutes, mais le comique de situation fonctionne toujours au poil.
La troisième partie prend des allures plus classiques, redonnant au discours une part plus grande et freinant un peu la charge, même si la noirceur est toujours présente. Nous avons appris à connaître ces personnages. Evoluer au sein de leurs petites lâchetés et découvrir comment ils vont se sortir de la situation dans laquelle ils sont arrivés est un véritable plaisir. Il y’a même un début de sympathie, qui n’aurait jamais affleuré sur les deux premières parties, et qui est probablement dû à un casting à l’unisson (la sortie cinéma prochaine est malheureusement endeuillée par la mort soudaine de l’interprète de Yaya, Charlbi Dean) et au talent des scénaristes dans la composition de ces archétypes. Alors que les rôles s’inversent, les parasites sont contraints de révéler aux grand jour leurs faiblesses et de louvoyer. Östlund ne tombe pas dans le piège de changer ce qu’ils sont, mais il créé un groupe à peu près cohérent. La résolution déçoit un peu bien qu’elle soit cohérente dans l’univers absurde du réalisateur. Lumineux, frais et direct, Sans Filtre est un peu l’antithèse de Titane, la palme de 2020 – qui versait dans toutes les tendances du moment en se voulant avant-gardiste. Il est assez fascinant de constater le niveau de déni pour que le festival le plus clinquant du monde et toute la nuée de financeurs internationaux du film, n’aient pas vu le miroir que leur tendait Triangle of Sadness. On en vient à souhaiter que pour son prochain film, le suédois nous ponde un film catastrophe au coeur de la Croisette.
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