St Elsewhere / Hôpital St Elsewhere – Saison 1

Comme la série Hill Street Blues a renouvelé durablement la fiction policière étatsunienne au début des années 80, sa petite sœur St Elsewhere  a révolutionné la fiction médicale tout au long de six saisons encore plus audacieuses. Elle a posé dès sa première saison la quasi-totalité des jalons qui ont mené à Urgences, plus de dix ans plus tard, mais elle reste pourtant méconnue en France, où elle n’a eu droit qu’à une diffusion câblée près de 20 ans après sa diffusion américaine.

St Elsewhere a vu le jour grâce à Hill Street Blues et dans l’ombre de celle-ci, mais elle était en gestation bien avant que les flics de Frank Furillo ne débarquent sur NBC. En 1979, le PDG de NBC Frank Silverman commanda à la société de production MTM Enterprises le pilote d’une série nommée Operating Room, qui suivait la vie de trois docteurs travaillant à Los Angeles.Le pilote mélangeait déjà habilement drame et de comédie, de nombreux personnages et une approche réaliste de son sujet. Deux hommes se trouvaient à sa tête, qui seraient parmi les têtes pensantes de St Elsewhere : Mark Tinker à la production et Bruce Paltrow (le père de Gwyneth) co-scénariste – avec Steven Bochco – et réalisateur. Silverman refusa le pilote car le public n’était pas prêt à voir des médecins « imparfaits ». Il suggéra qu’on essaie d’abord une série policière dans le même registre. Si elle fonctionnait, alors on pourrait passer aux médecins. Hill Street Blues vit le jour peu après, en janvier 1981. Entre temps, l’idée d’une série médicale se déroulant dans un vieil hôpital à la renommée déclinante au coeur dans un quartier pauvre avait germé dans l’esprit du scénariste Joshua Brand. Il l’avait apportée  à Grant Tinker, PDG de MTM, qui y vit une opportunité de lancer quelque chose ressemblant à Hill Street Blues, avec des médecins, des chirurgiens, des infirmières … Tout un microcosme soignant avec leurs qualités et leurs défauts, que l’on suivrait dans leurs aléas professionnels quotidiens et dans leur construction personnelle. L’équipe de quatre producteurs qui avait travaillé sur la série The White Shadow de NTM était toute trouvée pour piloter St Elsewhere. Bruce Paltrow, John Masius, John Falsey et Mark Tinker. Tom Fontana rejoignit le quatuor lors de la première saison. Le futur producteur de Homicide et showrunner de Oz fit ses armes sur St Elsewhere et il apporta au show beaucoup de ce qui fit sa spécificité et son audace à repousser les limites de ce qu’on pouvait alors voir sur une grande chaîne.

Bruce Paltrow, John Masius, John Falsey, Mark Tinker, Tom Fontana et Joshua Brand

St Eligius Hospital, surnommé saint Elsewhere (traduisez “autrepart ») : Un vieil immeuble abritant une équipe soignante devant gérer quotidiennement une forme de chaos, et accessoirement sauver des vies. Heureusement, les lieux comportent quatre piliers : Le docteur Donald Westphall (Ed Flanders), chef des équipes et figure paternelle bienveillante, mais ferme. Westphall est le pendant médical de Frank Furillo en plus vieux et moins glamour, épris de justice et d’équité au sein d’un environnement hostile. Le Dr. Daniel Auschlander (Norman Lloyd), responsable administratif et éminent spécialiste qui doit lutter lui-même contre un cancer, est plus facétieux, mais tout aussi bienveillant. La cheffe des infirmières Helen Rosenthal (Christina Pickles, future mère de Monica et Ross dans Friends) occupe d’abord un rôle en retrait, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elle est bien intégrée au club en cours de saison 1 et qu’elle a une vie bien remplie. Dès la première saison, elle devra lutter contre un cancer du sein, une occasion pour les scénaristes d’offrir une proximité avec un sujet encore peu abordé à la télévision. Ces trois éléments bienveillants permettent d’introduire le Dr. Mark Craig, chirurgien talentueux mais intolérant, exigeant et d’une franchise blessante, à mille lieux des canons du politiquement correct. Personnage à plusieurs couches remarquablement campé par William Daniels (aussi la voix de Kit dans K2000 !), Craig est l’ancêtre du Dr. Romano d’Urgences , et probablement du Dr.House. Un véritable défi pour les scénaristes qui parviennent en quelques épisodes à lui faire dépasser la caricature.

Autour des quatre mentors, une palanquée de jeunes internes – ancêtres du Docteur Carter – font leurs premières armes à la « dure », et démarrent pour certain une grande carrière d’acteurs. St Elsewhere n’a à ce niveau rien à envier à Urgences, qui avait lancé la carrière ciné de Georges Clooney. Denzel Washington, David Morse, Ed Begley Jr et Terence Knox sont déjà au générique de sa première saison. C’est souvent une atmosphère de comédie qui ponctue leurs échanges, mais le drame s’invite à l’occasion, par l’irruption brutale et quotidienne de la violence au sein de l’hôpital, ou parfois plus durablement. Le séduisant Docteur Peter White (Terence Knox) est le premier à en faire les frais dans la saison 1. Archétype du futur médecin à succès (en théorie), son personnage se révèle être le moins compétent des internes et il peu à peu vers les addictions médicamenteuses. Le drame est aussi sein de l’hôpital ou par les problèmes des patients qui questionnent leur éthique et leur sens moral, comme celui des téléspectateurs peu habitués à ce qu’on leur mette le nez dans des sujets controversés.

L’équipe de la première saison de St Elsewhere (moins David Morse, Ed Begley Jr. et Denzel Washington)

Au St Eligius, les patients donnent du fil à retordre, et les médecins ne sont pas des Superman. Pour eux aucun happy end n’est garanti. Le très jeune Tim Robbins apparaît dès les premiers épisodes dans le rôle remarquable d’un activiste sociopathe qui a tiré sur un homme, alors que l’homme mourant se trouve dans une chambre pas loin d’ici. Comment cela peut-il finir ? Dans la saison 1, on remarquera aussi Tom Hulce, le futur Mozart de Milos Forman (Amadeus) dans le rôle difficile d’un amnésique. Richard Marcus campe un doux-dingue qui se prend pour un oiseau et a construit un nid dans le sous-sol de l’hôpital. Cette dernière intrigue fil rouge, parfois poétique, parfois absurde et au final dramatique, est représentative du travail d’équilibriste réalisée par les scénaristes dès les débuts de la série. Des seconds rôles haut en couleur surnagent bientôt dans les équipes, dont l’importance est quasi égale aux personnages au générique. Ils trouveront pour certains une place au soleil dès la saison 2. Mais on n’attendra pas la deuxième fournée d’épisodes pour se prendre d’affection pour le pourtant imbuvable Docteur Craig et le duo qu’il forme avec son interne souffre-douleur Ehrlich, ou pour la pétulante infirmière Shirley Daniels et la tenace Wendy Armstrong, chirurgienne qui se fait une place dans un monde d’hommes. Ces personnages éclipsent d’autres plus expérimentés, mais à la personnalité plus unidimensionnelle.

C’est un peu la grande nouveauté de la saison 1 de St Elsewhere : Nous donner à voir des personnages faillibles et complexes, pas du tout glamour, qui se construisent par couches, qu’on aime pas forcément au premier abord, mais qui sont amenés à grandir, à mesure qu’on les suit dans leur parcours. Le pari était osé, et l’audience de la première saison est catastrophique : 86ème des 98 séries à l’antenne en 1983. En dépit de la garantie Hill Street Blues, NBC avait annoncé ne pas renouveler St Elsewhere. Entre temps, Grant Tinker (ex-PDG de NTM et père de Mark Tinker) est nommé boss de NBC en juillet 1981, et il soutient le programme bec et ongles. La série profite du précédent créé par Hill Street Blues et la sitcom Cheers sur les séries à faible audience mais à fort succès critique. A côté de l’Agences tout risques et K2000, il y’a désormais une place sur un network pour des séries qui touchent une audience plus ciblée, mais très courtisée par les annonceurs : les jeunes cadres urbains et éduqués à tendance démocrate.

Créateurs / Showrunners : Joshua Brand, John Falsey

Scénario : Joshua Brand, John Falsey, John Masius, Mark Tinker, Tom Fontana, Neil Cuthbert, Joel Surnow, Elizabeth Diggs, Charles Rosin, Steve Lawson, Ray De Laurentiis, Andrew Lascos, John Ford Noonan, David Assael, Dennis Cooper, Leigh Curran, Robert de Laurentiis, Andrew Lakos, Paul Schiffer, Emilie R.Small, Garn Stephens

Réalisation : Mark Tinker, Thomas Carter, Bruce Paltrow, David Anspaugh, Victor Lobl, Victor Hsu

Directeur de la photographie : John McPherson, Marvin L Gunter

Montage : John Heath, Bill Butler, Tony De Zarraga, Stephen Butler, Elodie Keene, Michael N.Knue, Ray Daniels

Musique : J.A.C Redford, Dave Grusin

Direction Artistique : Jacqueline Weber, James Hulsey

Casting : Eileen Mac Knight, Molly Lopata, Eugene Blythe

Production : Mark Tinker, Bruce Paltrow, Tom Fontana, John Masius, Abby Singer, Bethany Rooney, Joshua Brand, John Falsey, Carol Coates, Mark F. Hill

Pays : USA

Durée : 22 x 42 mn

Diffusée sur NBC du 26 octobre 1982 au 25 mai 1988. En France, du 5 janvier 2000 au 11 juillet 2001 sur Téva

Acteurs Principaux : Ed Flanders, David Birney, G.W Bailey, Ed Begley Jr., Terence Knox, Howie Mandel, David Morse, Cristina Pickles, Kavi Raz, Cynthia Sikes, Denzel Washington, William Daniels, Norman Lloyd, Ellen Bry, Eric Laneuville, Kim Myori

Genre : Série médicale, Drame, Comédie

Note : 8,5/10

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