Créateur / Showrunner : Craig Mazin
Scénariste : Craig Mazin
Réalisateur : Johan Renck
Directeur Photo : Jacob Ihre
Chef Décorateur : Luke Hull
Monteurs : Jinx Godfrey, Simon Smith
Musique : Hildur Guonadòttir
Costumes : Odile Dicks-Mireaux
Casting : Nina Gold & Robert Sterne
Budget : 250 M$
Pays : USA, Royaume-Uni
Episodes : 5x(60-72mn)

Production : HBO, Sky Television, Craig Mazin, Carolyn Strauss, Jane Featherstone, Chris Fry, Sanne Wohlenberg, Johan Renck
Genre : Catastrophe, Horreur, Historique
Acteurs Principaux : Jared Harris, Stellan Skarsgard, Emily Watson, Jessie Buckley, Adam Nagaitis, David Dencik
Note : 9/10
En plein coeur de la dernière saison de Game of Thrones, HBO lance Chernobyl, une mini-série de 5 épisodes qui retrace les événements ayant eu lieu à la centrale de Chernobyl en Ukraine le 26 avril 1986.
Pour les deux du fond, l’augmentation de la puissance du réacteur 4 de la centrale avait conduit à l’explosion du coeur du réacteur et à la libération d’éléments hautement radioactifs dans un grand nuage de fumée. Le tout se propageant à vitesse grand V dans l’atmosphère et menaçant tous les pays environnants et causant la plus grande catastrophe nucléaire répertoriée à ce jour (Fukushima reste bon second).
Cette co-production anti-glamour au possible de la chaîne américaine avec l’anglaise Sky parvient en un épisode à plonger au coeur de la catastrophe comme si on y ‘était. Le pilote décrit cliniquement les suites de l’explosion vu de l’intérieur et l’exposition des techniciens aux premières radiations. Les symptômes sont rapides, le rendu à l’écran est brutal et réaliste. Pendant ce temps, les responsables de la Centrale tergiversent en invoquant l’Ordre et la mystique du parti (nous sommes encore dans l’ex URSS), loin de se rendre compte de l’étendue de ce qui se produit. Alors que les particules se propagent au milieu de la population venue observer l’incendie, une commission est composée par Gorbatchev, qui intègre le professeur Vassili Legassov (Jared Harris), directeur adjoint de l’institut d’énergie atomique.
Le deuxième épisode démarre sur la prise de conscience de Legassov que le coeur du réacteur a explosé et son coup de sang lors du Comité. Il est dépêché sur place avec Boris Shchberbina (Stellan Skarsgard), vice président du conseil des ministres, qui est sceptique sur la catastrophe. Intelligents, les scénaristes profitent de l’introduction de ces personnages pour vulgariser la fission nucléaire et disséminer les éléments pour que les enjeux soient compris. On continue de suivre les premières victimes, les pompiers entassés dans les hôpitaux avec le même soin dans le rendu de l’attaque des radiations sur la peau et l’organisme. Le tout dans une atmosphère étouffante. Ce deuxième épisode est glaçant, un bon mélange de film catastrophe (sans effusions) et d’horreur, et une succession de coups portés au système représenté par le personnage de Skaarsgard, qui opère un virage à cent quatre vingt degrés. Il fait réfléchir sur la responsabilité qu’implique l’exploitation de l’énergie nucléaire et la difficulté d’avoir le 0% d’erreurs lorsque la politique prend le pas sur la science.
Si la reconstitution est impressionnante, une grande partie de la tension passe par la réalisation et par les acteurs. Jared Harris (aussi impec que dans The Terror) n’a pas besoin d’ouvrir la bouche pour qu’on puisse ressentir le poids de sa découverte et la connaissance qu’il a de ce qu’il va se passer. Il est plutôt drôle de constater que le showrunner Craig Mazin a bossé sur deux Very Bad Trip, Blanche neige et le chasseur 2 ou d’autres perles de ce genre. Il devait probablement attendre son heure. En prime, les inconditionnels des premières heures de Lars Von Trier pourront revoir le duo de Breaking the Waves, Emily Watson étant aussi de la partie.
Toujours d’une grande puissance, le troisième épisode navigue entre le suivisme des cercles officiels et l’abnégation des plus modestes, mineurs et équipes de sauvetages, avec de belles preuves de la dureté du peuple russe qui encaisse la réalité sans baisser la tête. On s’attarde sur les complications des radiations pour les premières victimes et le processus de dégradations des corps des irradiés se poursuit comme Legassov l’a énoncé cliniquement plus tôt. L’arrivée de la femme d’un ds pompiers pour alléger ses souffrances ne fait que rendre les choses plus difficiles. La scène finale de l’épisode, conjonction de réalisme politique et de drame met particulièrement mal à l’aise. Au milieu de ces horreurs, une scène plus solennelle entre Harris et Watson aurait pu sonner faux, mais elle passe très bien. Mazin et Renck savent où presser et ils ne connaissent pas les gros sabots.
Centré sur les répercussions radioactives, le quatrième épisode évoque l’histoire de l’URSS en toile de fond. Après avoir viré les derniers humains récalcitrants des zones les plus dangereuses, on gère maintenant l’élimination des animaux qui sont un facteur de contamination. Barry Keoghan (le gamin de Dunkerque et de Mise à mort d’un cerf sacré) vient faire un tour sans la série pour éliminer des chiens. Quelques tirades désenchantées et un sentiment de sauvagerie profond. Et puis il y’a cette scène sur le toit insupportable, mais bien réelle dans laquelle les « robots humains » sont chargés de débarrasser le graphite. Une certaine absurdité se dégage du nombre de sacrifices pour sauver la face d’un régime qui n’existera plus quatre ans plus tard. Enfin, nous en savons plus sur ce qui s’est réellement passé : Un non respect des règles de sécurité et une faille qui a été gardée secrète par le régime. Plus ça avance, plus le suicide de Legassov fait sens.
Le cinquième et dernier épisode est plus exhaustif à cet égard. En apparence un procès classique à l’issue connue mais au final une belle montée en puissance qui laisse encore une fois vidé et pensif. La notion de balance et d’équilibre au coeur du réacteur passe très bien, comme cet élément humain omiprésent qui vient bousculer les choses. Les dernières phrases mises dans la bouche de Legassov acteront que Chernobyl a été un mauvais cadeau à la science et à la vérité, une sorte de rappel brutal de ce que des mensonges d’Etat peuvent engendrer. Une atmosphère à la « 1984 » vient y rejoindre la sensation d’étouffement et la peur que procuraient les épisodes précédents, ce qui n’est pas un mauvais cadeau à George Orwell. Cette excellente série se conclue sur un final très digne, à l’image du reste, qui apporte quelques perspectives sur ce qui a été raconté. Il faudra du lourd pour que Chernobyl ne soit pas la série de l’année.
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