Réalisation : Lee Daniels
Scénario : Suzan-Lori Parks, d’après Johann Hari
Directeur de la photographie : Andrew Dunn
Montage : Jay Rabinowitz
Musique : Christopher Bowers, Lynn Fainchtein
Chef Décorateur : Daniel T. Dorrance
Direction Artistique : Félix Larivière Charron, Carolyne de Bellefeuille
Costumes : Paolo Nieddu
Pays : USA
Durée : 2h08
Sortie en salles le 02 juin 2021

Production : Jordan Fudge, Jeff Kirschenbaum, Joe Roth, Tucker Tooley, Pamela Oas Williams, Lee Daniels
Acteurs Principaux : Andra Day, Trevente Rhodes, Rob Morgan, Tone Bell, Garrett Hedlund, Miss Lawrence, Natasha Lyonne
Genre : Biopic, Thriller
Note : 7/10
La vie de la chanteuse Billie Holiday fut un véritable cauchemar. Née trop tôt pour vivre réellement l’émancipation des femmes et connaître le mouvement des droits civiques, elle se trouvait doublement du mauvais côté de la barrière lorsque sa carrière explosa, et même jusqu’à sa mort en 1959. Elle aurait pu faire profil bas, comme le fit par exemple Ella Fitzgerald, mais la chanteuse s’entêtait à interpréter Strange Fruit, chanson tirée d’un poème d’Abel Meeropol qui décrivait de façon crue les lynchages contre les noirs qui atteignaient alors leur pic aux Etats-Unis. La popularité de la chanteuse permet à la chanson de voyager et d’émouvoir, ce qui n’est pas du goût du gouvernement américain. Ayant conservé des traumatismes liés à son enfance, Billie est coutumière de l’usage des drogues, ce qui offre au chef du bureau des narcotiques du FBI Harry Anslinger une fenêtre en or pour la mettre hors d’état de nuire à l’image de l’Amérique. Il envoie le jeune agent Jimmy Fletcher en mission pour la détruire. Entre la surveillance de son gouvernement, les démons de la drogue et ses piètres choix de compagnons, la chanteuse est plus seule que jamais. Mais elle fait tout pour garder la tête haute et continuer de chanter.
S’il y’a une raison pour ne pas louper ce thriller inspiré d’une partie de la vie de Billie Holiday, c’est Billie Holiday elle-même. Un combat qui a ses partisans et qui a pu gagner des batailles peut-être mené avec détachement, mais celui qu’a menée la chanteuse (et qui fut repris de façon bien plus engagée par Nina Simone) ne pouvait alors que mettre en danger sa vie. Le réalisateur Lee Daniels (le Majordome) décrit très bien que les noirs qui réussissaient alors étaient ceux qui avaient intégré la soumission et que les WASPs utilisaient comme des outils pour servir leurs fins, ce qui fait d’elle une exception notable parmi eux, et une des figures qui rendit possible les progrès gagnés à la fin des années 60. S’il sait mettre en valeur le charisme de son héroïne, Daniels sait aussi montrer ses côtés sombres, qui sont nombreux. Ils sont aussi totalement assumés, car Billie Holiday refusait en tout point de se considérer comme une victime. Son rapport à la drogue est abordé frontalement, dans le même ton que pour Chet Baker (Ethan Hawke) dans le très bon Born to Be Blue. Mais Billy Holiday vs. The USA aurait gagné à avoir une conclusion aussi concise et suggestive que le film de Robert Budreau. Dans sa dernière partie, il vire un peu trop au biopic et prend un ton plus convenu.
La scène de la découverte d’un lynchage filmée en plan séquence qui enchaîne sur l’interprétation complète de Strange Fruit sur scène, avec les enjeux qu’on connaît, aura entre temps à elle-seule justifiée la vision de ce film, qui a révélé la chanteuse Andra Day en tant qu’actrice. Au-delà de ses luttes, espérons que ce film pourra faire re-découvrir au plus grand nombre le répertoire d’une chanteuse de jazz au talent exceptionnel.
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