Ogre

Réalisation : Arnaud Malherbe

Scénario : Arnaud Maherbe, Sébastien Sepulveda

Directrice de la Photographie : Pénélope Pourriat

Montage : Floriane Allier

Musique : Flemming Nordkrog

Réalisateur / Concepteur de Storyboard : Eric Gandois

Son : Vincent Piponnier, Dominique Delguste

Chef Décorateur : Laure Girardeau, Antoine Rivière

Effets Visuels : Alex Vieil, Olivier Alfonso

Production : Laurent Lavolé, Xavier Rigault, Marc-Antoine Robert, Playtime, Les Jokers/Bookmakers, Panache Productions

Pays : France

Durée : 1h43

Sortie en salles le 20 avril 2022

Acteurs Principaux : Ana Girardot, Giovanni Pucci, Samule Jouy, Albertine Rivière, Hubert Delattre, Fabien Houssaye

Genre : Epouvante, Fantastique, Conte

Note : 7/10

Il y’a depuis le début des années 2000 (et la nouvelle vague de réalisateurs versés dans le genre) de nombreux débats sur ce que devrait être le cinéma fantastique français. Le fait est que le fantastique a su être flamboyant dans l’hexagone, mais qu’il se perd depuis longtemps dans des défauts rédhibitoires : Il ne sait pas se positionner, entre la verve des réalisateurs fanboys à faire des citations, à livrer des téléfilms qui sonnent faux pour faire « local », et la case quasi-obligée du film fantastique à message – comme si le cinéma ne pouvait pas exister sans thèse. Ce qui n’est pas réaliste est mal vu en France côté financement et côté public, et un réalisateur qui s’engage dans un projet de film fantastique devra être investi ou chanceux. Il y’a peu d’heureux élus, et beaucoup quittent le pays par la suite. Ogre a eu la chance de bénéficier du fonds de soutien du CNC mis en place récemment pour le cinéma de genre et de l’appui de producteurs – parmi lesquels Manuel Chiche des Jokers / Bookmakers (qui soutint aussi La Nuée et Teddy, et Inexorable, toujours à l’affiche), et nous avons beaucoup de chance qu’il soit sorti au cinéma après sa présentation à Deauville et à Gérardmer. Car c’est un des rares films fantastiques sorti depuis 20 ans dans l’hexagone qui parvient à atteindre un équilibre entre le message, la cinégénie et le respect du genre.

Arnaud Malherbe nous conte l’histoire de Chloé, institutrice venu s’exiler dans le Morvan avec son fils Jules, 8 ans. Elle est accueillie à bras ouvert par une population touchée par la désertification et l’abandon des services publics, mais aussi par la disparition récente d’un enfant et une bête qui décime sauvagement le bétail. Chloé et Jules ont souffert d’un mari/père violent et ils voient dans cette « mise au vert » une chance pour oublier le passé. Malentendant, Jules peine à s’intégrer parmi ses camarades. Il voit d’un mauvais oeil l’arrivée du médecin local dans la vie de sa mère, d’autant plus qu’elle coincide avec des apparitions nocturnes effrayantes. Il a bientôt l’impression qu’il pourrait être la prochaine victime d’une créature qui est bien plus qu’une bête.

La promesse du croquemitaine n’est pas ici une parole en l’air. Il pourrait même en faire cauchemarder certain(e)s. Mais le film ne repose pas non plus sur cette créature. Ogre est un film d’épouvante à l’économie, qui fonctionne sur l’atmosphère et les zones d’ombre, un peu comme les cousins espagnols et anglais ou moins récemment le modèle de Jacques Tourneur. Il enveloppe le spectateur dans un univers réaliste, mais néanmoins singulier, pour le draper d’une tension surréelle – qui doit beaucoup au travail sur le son et à la beauté de certains plans – comme des vignettes dans livre de conte. A l’appui de cette tension qui monte crescendo, il investit le point de vue de l’enfant de l’intérieur, avec tout ce qui va avec : la dramatisation du monde des adultes, la difficulté de poser des mots sur des émotions, et une sensibilité exacerbée. L’étonnant Giovanni Pucci porte ce gamin en marge – qui peut choisir de se couper du monde à tout moment – en guerre larvée avec un Samuel Jouy bien malsain. Sans la terreur « elevated horror » d’un Mister Babadook ou le lyrisme de Quelques minutes après Minuit , Arnaud Malherbe parvient pourtant à se placer dans la foulée de ces derniers grands représentants des peurs enfantines, peut-être grâce aux sentiments qu’il provoque ou qu’il réveille, et grâce à ce qu’il arrive à dire sans le formuler. Aussi discret et minimaliste soit-il, Ogre dit beaucoup de la difficulté à appréhender les zones d’ombre des adultes (le masculin renvoie à la Bête, après l’expérience du père violent) et du malaise de la France des campagnes (l’Ogre se nourrit de l’obscurité, de l’oubli du village). C’est un beau conte noir, et un film fantastique français dont on peut être fiers.

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