Réalisation : Hanna Bergholm
Scénario : Ilja Rautsi
Directeur de la Photographie : Jarkko T. Laine
Montage : Linda Jildmann
Musique : Stein Berge Svendsen
Production : Cloé Garbay, Nima Yousefi, Peter Kropenin, Bastien Sirodot
Distribution France : The Jokers / Les Bookmakers
Pays : Finlande
Durée : 1h26
Grand Prix du Festival de Gérardmer 2022. Sortie VOD, Bluray et DVD le 27 avril 2022

Acteurs Principaux : Siiri Solalinna, Sophia Heikkilä, Jani Volanen, Reino Nordin, Saija Lentonen
Genre : Fantastique, Body Horror
Note : 7,5/10
La famille de Tinja, jeune finlandaise de 12 ans, montre une certaine image de la perfection. Un standard que sa mère cultive dans les nombreuses vidéos asceptisées qu’elle poste sur son blog. Déterminée à faire plaisir à sa mère, Tinja place toute son énergie dans ses compétitions de gymnastique et elle commence à ressentir des sentiments « anormaux » de frustration. Un jour, elle trouve un oeuf qu’elle décide de ramener chez elle et de couver. L’oeuf grossit de façon disproportionnée et il en sort une créature hybride à tête d’oiseau. Cachant à ses parents la présence de son nouvel ami, qu’elle nomme « Alli », la jeune fille est loin de se deviner que la créature va muter pour se transformer en son propre doppelgänger capable d’exécuter la moindre de ses pulsions refoulées.
Le Grand Prix (et prix du jeune Public) du Festival International du Film Fantastique de Gérardmer 2022 est un film finlandais qui mérite le détour, à des lieux des productions lentes, réalistes et atmosphériques auxquelles le pays nous avait habitués. La réalisatrice Hanna Bergholm opte pour une approche plus frontale, des personnages typés juste ce qu’il faut et un fantastique totalement assumé dans une fable sur l’adolescence qu’on pourrait qualifier de Cronenbergienne. La métamorphose du corps y’est douloureuse, La créature est organique et visqueuse (une marionnette animatronique créée par Gustav Hoegen), le rapport fusionnel de Tinja à l’alter ego qu’elle a « couvé » est troublant, mais il y’a toujours une distance délicate qui permet de ne pas sortir du cadre adolescent pour nous tourner vers le cadre plus adulte de David Cronenberg. Cette distance est voulue et elle s’amenuise à mesure que progresse le film, car Egō utilise très bien la figure fantastique – d’origine nordique – du doppelgänger pour aborder la mutation progressive d’une adolescente vers un modèle de femme toxique.
A un âge déterminant dans la construction de son identité future, Tinja passe son temps à lutter contre l’imperfection pour être à la hauteur des siens et elle doit réfréner sa bonté naturelle pour entrer dans une compétition permanente. L’oeuf, puis la créature deviennent la concrétisation de cette schyzophrénie qui consiste à maintenir sans cesse une image de perfection, tout en maintenant son équilibre personnel. Dans le déséquilibre permanent entretenu par sa mère, la division entre Tinja (l’image publique de la jeune fille) et Alli (ses instincts) se creuse, jusqu’à faire de cette dernière une tueuse incontrôlable. Hanna Bergholm jongle entre l’innocence et l’horreur, entre la satire ludique de la famille modèle et une dénonciation plus ouverte de la neutralité absolue, devenant souvent un film plus dangereux et plus lucide qu’il n’en a l’air. Egō ne s’expose pas comme la mère de Tinja, il raconte son histoire sans afficher trop manifestement sa thématique, et c’est ce qui le rend attachant face à un fantastique qui tend trop souvent à devenir un vaisseau vide contenant un message. Malheureusement il ne sortira pas au cinéma en France. Nous devons nous rabattre sur une sortie VOD et sur support physique pour la fin avril, sous la bannière des Bookmakers. On attendra avec fébrilité un nouveau film de sa réalisatrice.
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