Showrunner / Créateur : Eric Kripke, d’après la série de comics « The Boys » de Garth Ennnis & Darick Robertson
Scénario : Craig Rosenberg, Eric Kripke, David Reed, Anslem Richardson, Geoff Haul, Meredith Glynn, Jessica Chou, Paul Grellong, David Reed, Logan Ritchey
Réalisation : Phillip Sgriccia, Julian Holmes, Nelson Cragg, Sarah Boyd
Directeur de la Photographie : Dan Stoloff
Montage : David Kaldor, William W. Rubinstein, Ian Kezsbom, Tom Wilson
Chefs Décorateurs : Arvinder Greywall, Jeffrey Mossa
Direction Artistique : William Cheng, David Best
Pays : USA
Durée : 8 x 60 mn
Diffusée sur Amazon Prime depuis le 3 juin 2022

Acteurs Principaux : Karl Urban, Anthony Starr, Erin Moriarty, Jack Quaid, Dominic McElligott, Laz Alonso, Jesse T.Usher, Tomer Capone, Karen Fukuhara, Chace Crawford, Nathan Mitchell, Colby Minifie, Jensen Ackles, Claudia Doumit, Giancarlo Esposito, Cameron Crovetti, Simon Pegg, Aya Cash, Laurie Holden, Katy Breier, Laila Robbins, Jordana Lajoie, Malcolm Barrett
Genre : Super héros, Satire, Action
Note : 7,5/10
Les comics The Boys sont loin d’être la meilleure création de Garth Ennis. Mais comme il est souvent vrai qu’une grande oeuvre littéraire peine à être adaptée à l’écran ou à la télévision, il ne l’est pas moins qu’une oeuvre imparfaite a plus de chance de connaître une belle seconde vie hors des pages. La série Preacher a loupé son coup car le matériel d’origine ne pouvait pas être transcendé (il atteignait déjà une certaine perfection), mais The Boys a su dès ses premiers épisodes trouver ses marques et une identité forte. Se placer sur le terrain conquis des super-héros était une belle facilité, mais la série d’Eric Kripke n’a pas démérité pour autant. Elle repose sur un beau casting, de nombreux personnages tous solides, et sur un univers qui parvient à manier le cynisme et le trash sans quitter le champ du mainstream. En d’autres termes, The Boys a de beaux arguments de vente, et artistiquement, c’est une série qui n’a pas peur de risquer. Une saison 2 un peu plus tiède tournée vers Stormfront pouvait déjà laisser craindre la retombée du souffle après la surprise de la découverte, au pire une continuité pépère avec en bonus la scène gore de la semaine. Mais cette saison 3 prend heureusement des risques. Elle conserve les fondamentaux, tout en mettant en danger ses personnages. Elle ose des évolutions plutôt radicales et elle réussit globalement son coup.
Cette saison 3 permet d’établir que dans The Boys, ce n’est pas vraiment les super-héros qui comptent, mais la satire de la célébrité aux Etats-Unis (importée en Europe), et plus largement de l’hypocrisie de la société du spectacle. Les super-héros sont globalement assimilés à un idéal de bonté, d’altruisme et de vertu. Mais il y’a une dichotomie évidente entre ce que les Etats-Unis défendent et ce que les Etats-Unis sont. Comme c’est le cas pour les footballeurs et les acteurs célèbres, les super-héros ne seraient-ils pas tentés de devenir des individualistes mégalomanes à force d’être portés aux nues par la société entière? Et les super-héros ayant ces caractéristiques n’auraient-ils pas plus de chance de durer dans une société qui valorise les individualistes mégalomanes ? Un petit coup de communication peut toujours les faire passer pour des anges. Il n’y a rien de neuf sous le soleil, car Alan Moore avait déjà montré les failles des « supers » devenus célèbres à travers Watchmen. Mais la série a su dès saison 1 capter l’essence de ce qu’est l’Amérique de façon suffisamment ludique – et méchante – pour être un bon divertissement – qui ne veut nullement compétiter avec la profondeur de l’oeuvre d’Alan Moore. Sa saison 3 met désormais en scène l’Amérique de la guerre froide à travers le retour de la première vrai star des super-héros : Soldier Boy (incarné par Jensen « Supernatural » Ackles). Un tuyau de Maeve permet à William Butcher et son équipe de retrouver le disparu en Russie et de le remettre d’aplomb pour qu’il tue Homelander. Nous suivons la croisade vengeresse de Soldier Boy contre son ancienne équipe qui l’a vendu, et nous découvrons peu à peu qu’ils avaient bien raison de le dégager. C’est l’occasion de placer quelques parodies des 80’s qui tapent dans le mile, mais aussi de faire un état des lieux des progrès sociaux qui ont été gagnés depuis cette époque. L’Amérique cynique que représente l’empire Vought est plus que jamais mortifère, mais elle n’a pas été meilleure auparavant. Les scénaristes en profitent pour donner de la substance V à William Butcher pour lui donner les moyens d’affronter directement son ennemi mortel, Homelander, et pour explorer le sentiment de pouvoir que la substance provoque.
La substance qui fait les super-héros de The Boys est dans cette saison 3 le révélateur de complexes bien humains. Hughie ne peut pas supporter d’être impuissant pour sauver Starlight, il décide donc d’acquérir lui aussi des pouvoirs de super-héros. Kimiko a un rapport amour-haine avec cette substance, qu’elle finira par reprendre pour aider les siens. William Butcher remise quand à lui sa haine des supers au placard pour se laisser aller à une addiction au pouvoir. Il y’a des restes d’un manichéisme assez paradoxal (vu l’acuité avec laquelle elle dénonce le politiquement correct de surface des USA). Cependant, cette saison qui sépare le groupe des Boys et des super-héros, dévoile un peu plus chacun d’entre-eux et met des zones de gris entre les bons (les gens « moraux » et « justes », mis en avant) et les mauvais (les gens « amoraux »/ « non progressistes », caricaturés). Le passé meurtri de William Butcher sera abordé astucieusement. Black Noir parvient à émouvoir autant qu’à faire sourire, atteint d’une schyzophrénie qui l’isole parmi des créatures venus de dessins animés Disney. Même le personnage de Homelander – le rôle qui permit à Anthony Starr de faire oublier Banshee – gagne en humanité à mesure que sa folie progresse. Nous sommes encore loin de l’empathie qu’Alan Moore avait pour un Rorschach en dépit de ses idées, mais il y’a du chemin de parcouru. Et surtout une originalité et un esprit rentre-dedans qui correspond parfaitement aux bédés de Garth Ennis. Après avoir vu le meilleur épisode final que The Boys ait su donner en ses trois saisons, on peut dire que la série a enfin trouvé sa vitesse de croisière.

Votre commentaire