Réalisation : Giuseppe Tornatore
Scénario : Giuseppe Tornatore
Directeurs de la Photographie : Giancarlo Leggeri & Fabio Zamarion
Montage : Massimo Quaglia
Ingénieurs du son : Gilberto Martinelli, Fabio Venturi
Production : Gabriele Costa, Peter De Maegd, San Fu Maltha, Gianni Russo, Tom Hameeuw, Fu Work Productions, Potemkino
Distribution : Le Pacte
Pays : Italie, Allemagne, Belgique, Chine, Japon, Pays-Bas
Durée : 2h36
Sortie en salles le 6 juillet 2022

Avec les apparitions de : Ennio Morricone, Giuseppe Tornatore, Clint Eastwood, Bernardo Bertolucci, Quincy Jones, John Williams, Hans Zimmer, Dario Argento, Wong Kar Wai, Quentin Tarantino, Roland Joffé, Terrence Malick (…)
Genre : Documentaire, biographie
Note : 9/10
En bon hommage qui se respecte, Ennio regorge de superlatifs pour décrire ce qu’Ennio Morricone a apporté à la musique de films. Dans toutes ces interventions, la description qui m’a semblé la plus juste est qu’un morceau d’Ennio Morricone fait tomber les défenses. Il est construit de façon à ce que, lorsqu’il explose, toute analyse devienne impossible. On ne peut que le ressentir. On pourrait ajouter que lorsqu’un thème de Morricone croise les images et l’histoire, il les porte à un tel niveau que tout esprit critique n’existe plus. On se laisse porter, et on aime ça.
Mon rapport à Ennio Morricone est très particulier, même s’il doit probablement rejoindre celui de millions de spectateurs, réalisateurs, cinéphiles et non cinéphiles. Il a éduqué mon oreille – inconsciemment – bien avant que j’ai pu m’intéresser au cinéma comme objet d’analyse, et a guidé une grande partie de mes goûts musicaux. C’est dire que le visionnage en salle de l’hommage de Giuseppe Tornatore, dans ses choix, les interventions du maestro et l’expression de toute cette reconnaissance a occasionné des émotions intenses, comme ce fut le cas lorsque j’ai assisté à son concert à Bercy il y’a quelques années ou lorsque j’ai appris sa mort le 6 juillet 2020 (deux ans jours pour jour avant la sortie d’Ennio).
Ennio est emprunt de choix, car 2h30 ne suffisent pas pour aborder de façon exhaustive la carrière du compositeur. Un des meilleurs – et des moins évidents – qu’ait fait le réalisateur de Cinema Paradiso est de ne pas réduire Ennio Morricone à Sergio Leone, ni aux innombrables westerns italiens qu’il a composés suite au succès de Pour une poignée de dollars. Le sujet est bien abordé, mais il aurait été dommage de s’attarder sur cet aspect unique d’une carrière très protéiforme. Giuseppe Tornatore a cherché à accorder un traitement équitable à tous les aspects de la vie d’Ennio Morricone, de son adolescence de trompettiste et son passage au Conservatoire à la reconnaissance institutionnelle tardive dans les années 2000, en passant par sa carrière d’arrangeur pour la RCA et tous ses grands succès populaires (La trilogie des dollars, le Clan des Siciliens, The Mission, Il était une fois en Amérique, The Hateful Eight etc…).
Ennio est certes composé des témoignages de celles et ceux qui ont été inspirés par la musique d’Ennio Morricone, mais c’est avant tout le compositeur qui se raconte. Tornatore pénètre dans son antre et il le fait parler. Morricone a une façon de se raconter et de vivre (et d’interpréter) ses créations, même des années plus tard véritablement communicative, qui côtoie un montage bien étudié – qui dégage quelques belles montées à des étapes clés de la vie du maestro. Il est toujours bon de rappeler à quel point il a su s’emparer des mélodies (qu’il n’appréciait pas vraiment), de tout un pan populaire de la musique pour le dépoussiérer, y’apporter les variations et les motifs qui ont fait la différence. Souvent de véritables révolutions musicales qui dépassaient le cadre même du cinéma. Le complexe qu’il ressentit longtemps face aux compositeurs classiques « pures » ressort de ces interviews, également une profonde humilité qui ne dissimule pas la fierté qu’il avait pour certaines de ses oeuvres.
Et il y’a la musique, qui parle d’elle-même. « A la première note, on reconnaît que c’est du Morricone ». A la diffusion de la scène de la mort de Dominic dans Il était une fois en Amérique, l’arrivée de Claudia Cardinale en gare dans Il était une fois dans l’Ouest ou les scènes clés de Sacco et Vanzetti, on anticipe aussi la musique d’Ennio Morricone et l’émotion qu’elle va transmettre. Et l’émotion est pourtant toujours nouvelle, malgré les visionnages. Le compositeur a su relever tous les films qu’il a accompagné, de la série B italienne aux sagas de Bertolucci. Il est toujours passionnant de découvrir d’où lui est venu un motif, une idée, un contretemps ou l’utilisation musicale harmonieuse d’un bruit d’apparence anodin. Tornatore nous offre dans l’ordre chronologique cette carrière monstrueuse et il nous offre Ennio durant 2h30. Seulement 2h30, mais c’est déjà ça. Difficile, à la sortie de la séance, de penser qu’il nous a quitté. Les réactions de la foule du Hellfest, il y’a quelques jours, à l’ouverture du concert de Metallica sur Ectasy of Gold nous hurlent qu’il est toujours là. Merci à Giuseppe Tornatore pour ce superbe hommage et au Pacte de l’avoir distribué dans nos contrées.
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