Mercredi – Wednesday

Pour marquer son territoire, Mercredi Addams se venge férocement des « bullies » de son lycée qui terrorisent son frère Pugsley. Son renvoi contraint ses parents Gomez et Morticia à l’envoyer à la Nevermore Academy, établissement où eux-mêmes ont vécu leurs années de lycée et qui n’héberge que des ados marginaux (loups garous, sirènes, gorgones…et gothiques) que les normies (sans pouvoir) du voisinage voient d’un mauvais oeil. Mercredi n’a pas d’autre choix que de composer avec ces adolescents qui ont tout de normies, sauf leurs pouvoirs. Lorsque des meurtres sont commis, tout accuse les pensionnaires de Nevermore. La curiosité morbide de Mercredi est d’autant plus stimulée qu’une peinture la lie à ces meurtres et que les visions dont elle a hérité s’intensifient. Elle sent dès lors que son séjour sera plus intéressant qu’elle ne le pensait.

Vendue sur la marque de Tim Burton (qui officie à la réalisation des 4 premiers épisodes), Mercredi est showrunnée par Alfred Gough et Miles Millar, les créateurs de la série Smallville. C’est donc sans surprise que l’on se retrouve dans une série teen vaguement mâtinée d’éléments surnaturels, dans laquelle l’humour noir grinçant et les personnages haut en couleur créés dans les dessins humoristiques de Charles Addams ne sont injectés qu’à doses homéopathiques. La série Mercredi n’est pas la famille Addams et ce n’est même pas une comédie noire. Nous sommes plutôt dans un croisement entre Harry Potter, la nouvelle série Sabrina et une pincée de gothique emballé dans un récit de détective. L’idée est de confronter l’impitoyable Mercredi à des adolescents de son âge, pas dans le but qu’elle écharpe ces adolescents, comme ce fut le cas pour les scouts de l’hilarant Les Valeurs de la Famille Addams, mais qu’elle apprenne à se faire des amis et à gérer ses émotions, tout en restant elle-même. Le premier pas de côté de Mercredi, et le plus fatal, est son premier degré. Loin du manoir des Addams, la gamine est déjà dépossédée des interactions qui faisaient le sel du personnage et de l’univers cartoonesque qui rendait son existence vraisemblable. Sous ses dehors gothiques et ses références à Edgar Alan Poe, la Nevermore Academy abrite des adolescents qui – à l’exception de leurs « pouvoirs » – peuvent être assimilés à des adolescents normaux, dont les états d’âmes sont traités avec le sérieux habituel des dramas adolescents. L’intérêt d’intégrer Mercredi Addams à ce microcosme est visiblement de ratisser large avec la recette connue du « type dérangé » au milieu d’un casting rassurant de gens « normaux ».

Cette nouvelle Mercredi en dit beaucoup plus sur son époque qu’elle n’apporte de nouveauté dans le paysage des séries tévés. Elle est l’émule du Dr House/Sherlock Holmes, un personnage hors de l’eau qu’on aime pour sa franchise absolue, son intelligence sans faille et sa confiance presque surnaturelle. Ses traits de caractères sont rassurants car les scénaristes assimilent son indépendance d’esprit à du féminisme. Son côté morbide est raisonnablement tenu à distance par le garde-fou des autres personnages. l’utilisation textuelle du concept de « normie » (d’ordinaire réservé en psychiatrie aux personnes non autistes) mériterait à lui seul tout un article. Mercredi est – avec son ami Eugene – le seul personnage véritablement marginal d’une série qui se prétend être une série sur les marginaux. A l’instar de ses prédécesseurs masculins, les scénaristes auraient pu la rendre maîtresse de ce monde. Le but est au final de l’y intégrer pour dégager son humanité. C’est une belle note d’intention d’une époque qui se vend inclusive, mais qui n’a pour but que d’assimiler la différence dans un grand conformisme. Et c’est une véritable acrobatie d’assimiler un personnage écrit pour ne pas être assimilé.

Gough et Millar y parviennent in extremis sur cette première saison grâce à deux choses : l’écriture du personnage et l’actrice qui l’incarne. Les scénaristes sont conscients qu’un faux pas peut briser le personnage, et il font régulièrement des pas de côté plus ou moins bien gérés. Ils ont aussi l’excellente idée de lui adjoindre la Chose, qui est très bien utilisée. L’intégrité du personnage de Mercredi est préservé, mais la tâche paraît nettement plus périlleuse sur plusieurs saisons. Ce n’est pas pour rien que la conclusion évoque une saison 2 hors de l’Académie. Jenna Ortega (vue dans Scream 5) campe une Mercredi Addams plutôt monolithique, qui fait même parfois rire et provoque un soupçon de dépaysement dans une intrigue plutôt conventionnelle. Elle est la touche qui fait de Mercredi une série divertissante qu’on suit sans déplaisir. Lui faire donner la réplique à Christina Ricci – ici dans un second rôle – rappelle néanmoins ce qu’on a perdu. Le succès incroyable de la série, qui se place devant la saison 4 de Stranger Things saura peut-être, par un heureux dommage collatéral, initier une nouvelle génération à la Famille Addams.

Showrunners / Créateurs : Alfred Gough, Milles Millar

Scénaristes : Alfred Gough, Miles Millar, Kayla Alpert, April Blair, Matt Lambert

Réalisation : Tim Burton, James Marshall, Gandja Monteiro

Directeur de la Photographie : David Lanzenberg, Stephan Pehrsson

Montage : Jay Prychidny, Ana Yavari, Paul G. Day

Musique : Chris Bacon, Danny Elfman

Chef Décorateur : Mark Scruton

Direction Artistique : Adrian Curelea, Ghinea Diana, Silvia Nancu, Andrei-Florian Popa, Serban Porupca, Vlad Roseanu, Roxana Alexandru, Carmen Ratoi

Costumes : Colleen Atwood

Casting : Fiona Weir, Florina Fernandes, Sophie Holland, John Papsidera

Production : Kayla Alpert, Gail Berman, Tim Burton, Jonathan Glickman, Carla Gonzalez Vargas, Alfred Gough, Tommy Harper, Nick Iannelli, Kevin Lafferty, Miles Millar, David Minkowski, Kevin Miserocchi, Andrew Mittman, Carmen Pepelea, Steve Stark, Natalie Testa, Todd Williams

Pays : USA

Durée : 8 x 45-57 mn

Diffusée sur Netflix depuis le 23 novembre 2022

Acteurs Principaux : Jenna Ortega, Gwendoline Christie, Riki Lindhome, Jamie McShane, Hunter Doohan, Percy Hynes White, Emma Myers, Joy Sunday, Christina Ricci, Georgie Farmer, Naomi J. Ogawa

Genre : Teen, Detective, Fantastique, Gothique

Note : 6/10

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