La baie de Somme, ses mouettes, ses maisons colorées et ses rues splendides abandonnées par les touristes à cette époque de l’année. C’est dans ce cadre bucolique, à plusieurs centaines de km des pistes de ski de Gérardmer que le premier et dernier Festival du Film Fantastique du Tréport Mers-Lès-Bains a déroulé entre le 26/01 et le 29/01/2023. Sa sélection de films fantastiques et d’horreur. Son président du jury Mister Jack et un jury de 6 influenceurs – parmi lesquels le grand artiste minimaliste Tingle (qui nous a gratifié de présentations de séances hors du commun) ont vu 6 films d’horreur et fantastique récents de tous horizons et décerné leur grand prix. Voici le panorama des films en compétition sur ces quatre jours.

En ouverture du festival, un thriller « hitchcockien » en Roumanie. Ancienne comédienne, Julia a quitté les États-Unis avec son mari pour emménager à Bucarest où ce dernier a été muté. Elle tente de s’occuper comme elle peut dans son grand appartement, mais elle ressent vite le mal du pays. La situation s’aggrave lorsqu’une nuit, en scrutant par la fenêtre l’immeuble d’en face, elle voit une silhouette qui l’observe et répond à son « salut ». Dès lors, Julia a le sentiment d’être suivie dans la rue partout où elle met les pieds et qu’un danger réel la guette. Au milieu de tous ces gens qui ne parlent pas sa langue et qui la pensent victime d’une psychose, saura t’elle échapper à ce mal qui rôde ?
Neuf ans après It Follows, Maika Monroe est poursuivie par autre chose qu’une malédiction dans ce thriller au cœur de la capitale roumaine. Dans ses premières minutes, le film s’annonce comme un croisement entre Lost in Translation, un film de Polanski et donc, du Hitchcock. Bref un thriller paranoïaque dont la seule originalité est de se dérouler en Roumanie. La réalisatrice Chloe Okuno peine à faire monter la pression car le trois quart de son film – monotone – ne repose sur rien de bien concret, sinon qu’on est pas vraiment en sécurité en Roumanie. Les scènes s’enchaînent et se ressemblent et la présence inquiétante de Burn Gorman (Torchwood, Pacific Rim) ne suffit pas à relever l’ambiance. Il faudra attendre très longtemps pour avoir de quoi frissonner, et le final provoque de grands froncements de sourcils. Si le festival de Gérardmer a récompensé ce film un peu fainéant par un prix spécial, les jurys du FFFTMB l’ont très vite oublié.

Direction le Japon pour une question que beaucoup de fans de Kaiju Eiga ont du se poser : A la fin du film, lorsque le monstre est K.O, que fait le gouvernement pour se débarrasser du corps ? What to do with the Dead Kaiju démarre après l’anéantissement mystérieux d’une sorte de Godzilla. Un Deus Ex Machina qui laisse le gouvernement japonais reprendre la main. Mais l’incompétence du président et de ses équipes fait que même cette situation se transforme en sac de nœud. Il dépêche bientôt sa taskforce spécialisée pour résoudre le problème, dirigée par le placide Amata. Mais le corps du Kaiju libère un étrange gaz qui pourrait être radioactif et toxique. Pourra t’on vraiment compter sur l’Etat pour protéger le pays de ce cadavre ? Le spectre de Fukushima rôde dans ce nouvel émule d’un genre très prisé au Japon, et qui est né sur le drame d’Hiroshima et Nagazaki. Le Kaiju est venu des séquelles du nucléaire et le scénario du film de Satoshi Miki propose d’aller encore plus loin. C’est l’incapacité des autorités qui est mis en avant, à peine moins ridicules que l’administration des Etats-Unis de Mars Attacks. Le film se veut comme un blockbuster absurde. Humour gras, histoires familiales et politique. Tel est le menu de cette loooongue marche vers la destruction du cadavre. Les deux heures avancent bien lentement, et elles offriront une conclusion à la hauteur de la compétence de l’administration japonaise.

Présenté au festival de SITGES, la Pasajera est une comédie S-F espagnol qui ne manque pas de mordant. Nous y suivons Blasco, un homme très conservateur, ancien toréador et amoureux de sa fourgonnette qui doit acheminer plusieurs passagères sur les routes d’Espagne : Une mexicaine, une mère et sa fille Marta. Mais un évènement étrange conduit Blasco à écraser une randonneuse. Après l’avoir fait monter dans le véhicule pour l’emmener à l’hôpital le plus proche, les occupants comprennent rapidement qu’il vaut mieux ne pas s’asseoir à côté d’elle. Sa présence sème le chaos dans le véhicule et ses occupants devront tous lutter pour leur survie.
Le duo de réalisateurs Raúl Cerezo et Fernando González Gómez s’attaquent à un registre totalement à l’opposé de leur film The Elderly, et ses personnes âgées vindicatif. La Pasajeja joue avec ses personnages archétypaux, extrêmes dans la tradition de la comédie espagnole. Une brochette d’acteurs plutôt bien castés s’affrontent dans le registre du fossé des générations, puis un évènement surnaturels vient perturber ces échanges terre à terre. Il pourrait bien venir de l’espace, mais l’argument fantastique n’est au final qu’un prétexte à explorer la relation entre le personnage incarné par Ramiro Blas et la jeune Marta (Paula Gallego), deux énergumènes qui n’auraient rien pour s’entendre, mais qui finissent par former une belle équipe, complétée par la fourgonnette. La Pasajeja ne brille pas par son originalité mais il est taillé pour passer un bon moment.

Comme beaucoup de réalisateurs qui ont marqué le cinéma d’horreur dans les années 2000, le japonais Ryūhei Kitamura n’a pas été particulièrement prolifique ces dernières années. Mais il a derrière lui un beau CV, qui comporte notamment Versus, Godzilla Final Wars et Midnight Meat Train. The Price we pay a de quoi attirer la curiosité, parcequ’il met en scène deux revenants d’Hollywood, Emile Hirsch (Speed Racer) et Stephen Dorff (Blade). L’histoire est bien connue pour les amateurs de cinéma d’horreur : Un braquage tourne mal, les braqueurs prennent une otage et vont se réfugier dans une ferme qui abrite une famille de tarés. Le thème – qu’on ne spoilera pas plus – avait ce qu’il faut pour que Kitamura s’amuse et nous propose un film très gore et malsain – un peu dans la lignée de Midnight Meat Train ou des Hostel, avec une touche d’énergie supplémentaire. On se retrouve avec un ersatz d’une Nuit en Enfer qui lorgne aussi du côté de Massacre à la Tronçonneuse. L’ensemble se laisse regarder grâce à un beau casting de tarés (notamment Vernon « Commando » Wells) et une approche intéressante de la chirurgie « réparatrice ». C’est probablement ce qui lui a valu de remporter le Grand Prix du festival, mais il ne redonnera pas un coup de boost à la carrière des acteurs, ni à celle de Kitamura.

C’est un festival sous le signe du Kaiju , car après What To do with the Dead Kaiju, voici un autre film dans lequel les monstres japonais font une apparition remarquée. Shin Ultraman débarque sept ans après la sortie de Shin Godzilla (Godzilla Resurgence) qui avait constitué un retour aux sources de la société de production Tōhō, à l’origine du premier Godzilla. Les réalisateurs Hideaki Anno et Shinji Higushi avaient donné un coup de jeune à la créature, tout en adaptant son discours à la récente catastrophe de Fukushima et en revenant au côté administratif du premier film. Bien que verbeux et chiche en démonstrations du monstre, le film passait très bien grâce à une réalisation aboutie. Shin Ultraman n’est pas une suite, mais un dépoussiérage d’une autre icône du Kaiju eiga.
Géant extraterrestre qui vient en aide aux humains contre les monstres destructeurs (Vous avez dit Superman ?). Ultraman avait sa propre série au Japon à la fin des années 1960. La facture épisodique de ce nouveau film – construit comme une saison entière de série compressé en moins 2 heures – n’est donc pas un hasard. Shin Ultraman souffre de ses rebondissements et intrigues accélérées qui se chassent dans un effet d’empilement. La brigade d’intervention contre les monstres se contente généralement de commenter ce qu’on voit à l’écran et ses personnages n’existent pas vraiment. Passés ces désagréments, le film est spectaculaire et traversé de belles scènes d’action. Il parvient comme son prédécesseur à rendre plutôt sympathique son côté « film de bureau ». Son final abrupt n’a pas chassé une bonne impression des jurys présents à la séance. Arrivé deuxième dans leur vote, Shin Ultraman s’est vu décerner un prix spécial.

Lycéenne vegane, gothique et suicidaire, Beth Conner a une vie qui ressemble à un film d’horreur des années 90. Entre les brimades des trois filles les plus populaires du lycée Hennenlotter, un père et une belle-mère très gênants et le harcèlement sexuel continuel du beau gosse du lycée, elle aimerait se suicider, mais elle n’a pas d’arme pour le faire. Lorsque le nouveau principal Sawyer propose un concours pour lequel le premier prix est un flingue chargé, elle y voit une très bonne opportunité. Alors qu’elle s’engage dans une relation avec sa prof d’anglais (la miss Campbell du titre), Beth commence à développer un goût certain pour le cannibalisme.
Tout bon festival se doit d’avoir son Troma, et Lloyd Kauffman est toujours dans la place. Le patron de la firme qui livra Toxic Avenger, Atomic College ou Tromeo & Juliet apparaît même dans un petit rôle dans cette dernière livraison d’un de ses nouveaux poulains, Liam Regan (My Bloody Banjo, sorti en 2015). Eating Miss Campbell remplit le cahier des charges de la firme en jetant en pâture un casting de personnages sans aucun filtre autour de la jeune Lindsay Craine. La tagline sur l’affiche nous avait prévenu : « Nostalgia is a Cancer », et le côté référentiel/méta asséné à la truelle gâche un peu la fête. Mais malgré le politiquement correct ambiant, le film démontre toujours cet aplomb jouissive pour foncer dans le tas du mauvais goût, bien valoriser ses actrices dotées d’atouts généreux et assumer jusqu’au bout son petit budget. Liam Regan se permet quelques interludes shakespeariens et il titre à boulets rouge sur toute une époque qui a vu fleurir les teen comedies et qui a engendré les tueries de masse dans les lycées (les deux ne sont pas liés…en principe), mais surtout sur la tentation de la porter aux nues. Ca ne soulève pas des montagnes, mais c’est parfait pour un film de clôture.
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