Alors qu’elle sort du Pinocchio de Guillermo Del Toro où elle prêtait sa voix au singe Sprezzatura, on retrouve Cate Blanchett dans le rôle de Lydia Tár, cheffe d’orchestre fière et combative, qui dirige le Philarmonique de Berlin. Un rôle aussi froid et fermé que le précédent était chaud et incontrôlable. En vérité, l’actrice n’a besoin de plus d’une scène pour imposer sa présence et être crédible dans ce rôle. N’est-elle pas capable de se glisser dans tous ses rôles avec la même aisance et la même prestance depuis maintenant plus de 20 ans. Le réalisateur Todd Field (Little Children) lance le défi en ouvrant les hostilités avec une scène d’interview très réaliste, aux références pointues, qui ne s’embarrasse pas de prendre le spectateur par la main mais qui est menée par Lydia / Cate avec un naturel désarmant. Le réalisateur annonce l’approche quasi documentaire qu’il appliquera dans la description du milieu du classique, ses rapports de pouvoir, ses amitiés, son fonctionnement interne. Ce soucis du détail sert d’autant plus le personnage et l’interprétation de Cate Blanchett. Son monde est au plus près du réel. Elle y’est comme un poisson dans l’eau. Mais ce monde est aussi le nôtre, et nous comptons ses faux-pas.
On se doute que cette symphonie numéro 5 de Gustav Mahler ne sera pas un long fleuve tranquille pour la cheffe d’orchestre. Une série d’évènements s’apprêtent à fissurer la vie de métronome qu’elle s’est construite avec sa compagne et leur fille. Ils ne s’annoncent pas à grands fracas, mais s’invitent par touches, comme un concours de circonstances. Une scène anodine avec une voisine, une nouvelle musicienne, un peu trop de franchise lors d’une intervention à la Julliard School, un rapport de proximité un peu trop grand avec une ancienne élève. Le personnage ne va pas s’effondrer d’un bloc, elle est faite d’un bois plus dûr. Tom Field avance patiemment ses pions, presque à la manière d’un film d’épouvante où l’horreur serait la perte de son identité publique, les monstres la cancel culture et les faiseurs de réputations. Il n’y a pas de preuves concrètes qu’elle soit coupable, mais cela importe peu finalement. C’est le processus de destruction de toute personne publique qu’il veut mettre à nu, et il le fait avec une grande minutie. Tàr est aussi dépouillé et froid que parfaitement maîtrisé, et il offre à Cate Blanchett une partition que peu d’actrices ont eu l’occasion de jouer (et que peu d’actrices auraient pu jouer). Un nouvel Oscar ne serait pas de trop.
Réalisation : Todd Field
Scénario : Todd Field
Directeur de la Photographie : Florian Hoffmeister
Monteuse : Monika Willi
Monteur Son : Stephen Griffiths
Musique : Hildur Guðnadóttir, Natalie Murray Beale, John Mauceri
Chef Décorateur : Marco Bittner Rosser
Assistant Réalisateur : Sebastian Fahr-Brix
Production : Todd Field, Nigel Wooll, Sebastian Fahr-Brix, Cate Blanchett, Alexandra Milchan, Chris Lowenstein, Scott Lambert, Marcus Loges, Uwe Schott, Stephen Kelliher, Compton Ross, Phil Hunt, David L. Schiff
Pays : USA
Durée : 2h38
Sortie en salles le 25 janvier 2023

Acteurs Principaux : Cate Blanchett, Nina Hoss, Noémie Merlant, Julian Glover, Mark Strong, Sophie Kauer, Adam Gopnik, Allan Corduner
Genre : Drame, Thriller
Note : 7,5/10
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