Le troisième et dernier volet des Gardiens de la Galaxie a eu une gestation compliquée. Annoncé peu avant la sortie du deuxième volet en 2017, il devait sortir en 2020 comme starter de la deuxième époque du Marvel Cinematic Universe. Les gardiens avaient joué un rôle important dans la bataille contre Thanos qui avait conclu la première époque. Il était donc logique de conclure leurs premières aventures avant de passer à autre chose. Mais pour se venger de sa critique des trumpistes, le mouvement de l’alt-right américaine débusque des vieux tweets de blagues pédophiles du réalisateur James Gunn datant de 2009 et l’affaire bénéficie de l’écho de la cancel culture. Le réalisateur est renvoyé par Disney (qui a acquis Marvel en 2009) malgré le soutien de ses acteurs et son scénario presque achevé serait destiné à finir entre les mains d’un autre. Gunn est débauché par le concurrent DC pour réaliser la suite de The Suicide Squad. Disney/Marvel revient vers lui un an plus tard en mars 2019, le studio étant probablement conscient que sans son créateur, la franchise n’aurait pas le même succès. James Gunn accepte, mais il impose ses conditions. Il ne reviendra sur Les Gardiens de la Galaxie qu’après avoir réalisé The Suicide Squad, qui sortira en salles à l’été 2021. La post-production du film coincide avec la pandémie et le réalisateur en profite pour créer une série dérivée, Peacemaker. Un projet qui retarde encore le retour des gardiens. Cette malheureuse affaire aura bénéficié au réalisateur et aux spectateurs puisque ces deux essais gagnants lui ont valu d’être embauché par DC pour remplacer Zach Snyder à la tête de son univers (le DC extended universe). Les Gardiens de la Galaxie volume 3 est donc son dernier film Marvel.
Cette longue gestation aurait de quoi éventer l’effet, mais les Gardiens de la Galaxie est la seule franchise Marvel qui peut encore susciter de l’attente (et les gardiens ont eu un petit rôle dans Thor : Love and Thunder). Le résultat est réussi et sympathique, comme c’est toujours le cas dans un film de James Gunn, mais n’est pas exempt de défauts.
Le plus flagrant est lié à la construction même du Marvel Cinematic Universe. Si vous n’avez pas vu Avengers Infinity Wars et Endgame, il faudra attendre quelques temps pour raccrocher les wagons ou bien avoir vu les deux derniers Avengers. Voici un résumé des épisodes précédents pour vous épargner cette peine :
Qu’est-il arrivé à Gamora? Son père Thanos l’a sacrifiée dans Infinity Wars pour qu’il puisse récupérer la Pierre de l’Ame.
Et d’où vient cette nouvelle Gamora? Dans Endgame, War Machine et Nebula remontent le temps en 2014 (année des Gardiens de la Galaxie 1) pour récupérer la Pierre de Pouvoir et vaincre Thanos. Mais Thanos les rejoint avec ses sbires. Cela créé une fusion entre deux époques parallèles et la version 2 de Nebula meurt. Mais cette version de Gamora est bien vivante et au début du film, Star-Lord ne sait pas où elle est. Il la retrouvera au début du film.
Pourquoi Nebula fait-elle partie de l’équipe ? Elle a aidé à sauver le monde avec les Avengers et les gardiens vont donc l’accueillir en leur sein. Il y’aura donc une inversion de dynamique entre les deux soeurs, entre une Nebula en cours d’humanisation (mais toujours fidèle à elle-même) et une Gamora alternative très individualiste. En plus de donner une nouvelle palette de jeu à Zoe Saldana et Karen Gillan, cette situation épice un peu l’intrigue du troisième volet des Gardiens.
Le second défaut est un scénario fourre-tout qui aurait pu être plus concis. James Gunn a chargé au maximum son intrigue en personnages et en péripéties et le film perd de vue à plusieurs reprises son centre de gravité. Le pré-générique l’a pourtant annoncé clairement : Les Gardiens de la Galaxie 3 est un film centré sur Rocket Racoon. Au début du film, Rocket est victime d’une attaque orchestrée par le Maître de l’Evolution (sorte de Docteur Moreau de l’univers Marvel), celui qui a transformé le raton laveur dans ses laboratoires. Les Gardiens ne peuvent pas guérir ses blessures à cause d’un bouton d’arrêt d’urgence implanté dans son système par ses créateurs. Ils partent à la recherche du code pour craquer le dispositif et sauver leur ami. Par les flashbacks du personnage inconscient, nous découvrons les origines de Rocket depuis son enlèvement par le Maître de l’Evolution jusqu’à son évasion de ses laboratoires. Emouvante et violente, cette partie est la plus réussie du film. James Gunn a repris la même structure que le volume 2 – qui décrivait l’origine de Peter Quill/Star-Lord et faisait de son père – une sorte de Dieu – le bad guy du film. Mais la construction en flashback et le côté dramatique assumé font la différence.
La partie sauvetage du raton-laveur possède aussi de bonnes idées, comme une Terre alternative où l’eugéniste a croisé des animaux avec des humains pour créer un monde « parfait »…pas si parfait que ça. Les échanges entre les personnages sont savoureux (mais ils partent un peu trop en vrille pour que l’alchimie fonctionne aussi bien que les précédents films) et l’afflux d’idées originales fait plaisir. Mais c’est cette partie qui gâche un peu la fête, car en plus de développer un nombre important de personnages, elle doit préparer à la sortie de la première équipe des gardiens de la Galaxie. Nous avons donc la même impression que pour Avengers Endgame, d’assister à un épisode de fin de saison de série TV – qui anticipe le futur autant qu’il raconte le présent. En dépit du côté foisonnant du volume 2, il n’avait pas toutes ces lourdeurs. Mais il possédait déjà un certain simplisme, un défaut que reprend à son compte ce troisième volet. James Gunn tire sur la science et l’intelligence, bouc-émissaires tout trouvés et il met en avant la famille et le coeur – valeurs défendues par les gardiens. On comprend sa démarche, car il se définit comme un amuseur au grand coeur depuis ses débuts et ses films, bien que d’abord des comédies trash, ont toujours parlé aux émotions plus qu’à la raison. Mais le message est si appuyé que le film en devient une fable moralisante, ce qui ne devrait pas être pour déplaire à Disney. Du même coup, il en devient moins réel, et sa charge contre l’eugénisme et les dérives de la science est moins efficace..
Ces défauts n’empêchent pas Les Gardiens de la Galaxie volume 3 d’être réussi, car le ressenti final est positif. Bien qu’il soit plus existentiel et noir que les deux premiers (« Creep » de RadioHead au démarrage, ce n’est pas la même note d’intention que « Mister Blue Sky » ou « Come and Get your Love »), il reste très feel good, à l’instar des premiers films et des derniers travaux de James Gunn pour DC. L’introduction de la musique pop rock des années 60, 70, 80 – et maintenant 90 – dans la diégèse d’un univers de science-fiction a été la meilleure idée de la franchise, et ici l’idée fonctionne encore très bien. On n’attendra pas pour se procurer cette nouvelle mixtape de l’équipe des Gardiens en repensant aux moments du film que tous ces morceaux auront porté. Le réalisateur continue d’introduire des cameos de sa propre famille artistique (Ici Nathan Fillion, qu’on avait vu dans Horribilis, le premier succès du réalisateur) ou réelle (Kraglin, joué par son frère Sean, prend un rôle plus important). Il y’a toujours cette générosité, cette succession d’idées à vitesse grand V qui rend la franchise des Gardiens de la Galaxie aussi unique parmi les autres productions Marvel. A l’issue de ce volet, James Gunn a installé une nouvelle équipe de gardiens et il a introduit un nouveau chef. Il peut partir l’esprit tranquille pour nous préparer un univers DC tout aussi déglingué et attachant.
Réalisation : James Gunn
Scénario : James Gunn
Directeur de la Photographie : Henry Braham
Montage : Greg d’Auria, Fred Raskin
Musique : John Murphy
Cheffe Décoratrice : Beth Mickle
Direction Artistique : Alan Hook, David Scott, Samantha Avila, Zachary Fannin, Lorin Flemming, Alex Gaines, Brittany Hites
Production : Victoria Alonso, Louis d’Esposito, Kevin Feige, David J. Grant, Simon Hatt, Nikola Korda, Sara Smith, Lars P. Winther
Pays : USA
Durée : 2h30
Sortie en salles le 3 mai 2023

Acteurs Principaux : Chris Pratt, Bradley Cooper, Karen Gillan, Dave Bautista, Pom Klementieff, Vin Diesel, Zoe Saldaña, Sean Gunn, Chukwudi Iwuji, Will Poulter, Elizabeth Debicki, Sylvester Stallone, Maria Bakalova, Linda Cardellini, Nathan Fillion
Genre : Science-Fiction, Film de Super-héros (Marvel)
Note : 7/10
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