Réalisation : Florian Zeller
Scénario : Florian Zeller, Christopher Hampton, d’après sa pièce « Le Père »
Directeur de la Photographie : Ben Smithard
Montage : Yorgos Lamprinos
Musique : Ludovico Einaudi
Chef Décorateur : Peter Francis
Direction Artistique : Amanda Dazely, Astrid Sieben
Production : Philippe Carcassonne, Simon Friend, Jean-Louis Livi, David Parfitt, Christophe Spadone, Victor Livi
Pays : Royaume-Uni, France
Durée : 1h38

Acteurs Principaux : Anthony Hopkins, Olivia Colman, Mark Gatiss, Imogen Poots, Rufus Sewell, Olivia Williams, Ayesha Dharker, Evie Wray
Genre : Drame
Note : 8/10
Sortie en salles le 25 mai 2021
Le hasard du calendrier des sorties françaises a rapprochés Falling de Viggo Mortensen et The Father, deux films très aboutis sur la dégénérescence mentale d’un père âgé. Il n’y a pourtant pas plus différent que ces deux films. Là où le premier reposait sur la mise en perspective d’une vie, The Father joue sur la perte de repères presque jusqu’à l’effacement. Le dramaturge français Florian Zeller adapte sa propre pièce Le Père (2012) , qui raconte l’obstination d’un vieil homme déclinant à rester dans la vie de sa fille, qui a pris sur elle de s’occuper de lui. Difficile d’en dire plus sans dévoiler le noeud du film sur lequel repose sa construction labyrinthique. Florian Zeller n’a pas volé son Oscar du meilleur scénario adapté car il a pris soin de ne rien laisser au hasard, distillant progressivement la paranoïa et le malaise dans l’esprit toujours affuté du vieil homme. Dans celui du spectateur tout aussi confus que le personnage, il semble se jouer une mise en scène dans laquelle chacun des proches devient un personnage à plusieurs visages. Sont-ils les auteurs d’une machination diabolique ou les victimes d’un marionnettiste pervers qu’il ne peuvent plus contenir ? Zeller ne cherche pas à masquer l’origine théâtrale The Father. Il exploite les différentes unités que sont les scènes pour créer des ellipses qui détruisent toujours plus le temps, même si le vieil homme cherche à le garder en son contrôle en conservant sa montre à tout prix. Puis c’est à l’intérieur des scènes que tout se déstructure, jusqu’à ce que le personnage cède lui-même. Cette progression rampante parle plus que n’importe quel dialogue du film, eux-mêmes sciemment placés pour entretenir le chaos communicationnel.
La perception des événements est portée par Anthony Hopkins, qui reprend le rôle que tenait Robert Hirsch sur les planches. Il en fait un homme sûr de lui, aussi bien capable de blesser que de réfléchir, loin d’une caricature de vieillard gâteux. Sa solidité permet d’abord d’adopter, en partie, son point de vue, avant d’en douter lorsqu’il disparaît de la scène. On ressent ses silences et la façon dont il lutte silencieusement, et intelligemment, contre les incohérences qui s’accumulent. Ce rôle lui valut aussi un Oscar, celui du meilleur acteur, qu’il n’avait plus reçu depuis son incarnation d’Hannibal Lecter dans le Silence des Agneaux (1991). Le vétéran mène la danse devant la crème des acteurs britanniques : L’émouvante Olivia Coleman (révélée par la série Broadchurch et consacrée par The Crown), le taciturne Rufus Sewell (Dark City, The Man in the High Castle), l’irrésistible Imogen Poots (Green Room), la mystérieuse Olivia Williams (récemment dans the Nevers) et Mark Gatiss (Co-créateur de Sherlock et membre de la League of Gentlemen), qui fait son chemin en tant qu’acteur. Lorsqu’il se révèle que personne de ce petit monde ne jouait, The Father prend un ton résolument dramatique. L’acceptation d’une totale et irrémédiable perte de contrôle est un choc difficilement descriptible pour un être humain atteint de folie, et encore bien plus lorsqu’il n’y a pas de remède . Florian Zeller et Anthony Hopkins sont parvenus à transcrire en quelques scènes cette onde de choc silencieuse qu’est l’écroulement d’une vie. On en ressort avec une profonde empathie pour ceux qui en sont victimes et l’envie de revoir le film, pour guetter toutes ses subtilités.
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