Réalisation : Eskil Vogt
Scénario : Eskil Vogt
Directeur de la Photographie : Sturla Brandth Grøvlen
Montage : Jens Christian Fodstad
Musique : Pessi Levanto
Cheffe Décoratrice : Simone Grau Roney
Direction Artistique : Marius Winje Brustad
Production : Jessica Balac, Dave Bishop, Céline Dornier, Maria Ekerhovd, Axel Helgeland, Misha Jaari, Eva Jakobsen, Mikkel Jersin, Lizette Jonjic, Kir Laursten, Mark Lwoff, Lillian Løvseth, Ragna Nordhus Midtgard, Lina Pedersen, Katrin Pors, Eric Tavitian, Magnus Thomassen, Eskil Vogt
Pays : Norvège
Durée : 1h57
Sortie en salles le 9 février 2022. Compétition Festival de Gérardmer 2022.

Acteurs Principaux : Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf, Mina Yasmin Bremseth Asheim, Morten Svartveit, Irina Eidsvold Tøien
Genre : Fantastique
Note : 7/10
Remarqué dans la sélection Un certain regard du dernier festival de Cannes et couronné par le Grand Prix de l’Etrange Festival en septembre dernier, The Innocents d’Eskil Vogt a fait de nouveau le plein lors du festival international du film fantastique de Gérardmer qui se déroula cette année, du 26 au 30 janvier : Prix du Public et Prix de la Critique. Eskil Vogt ne vient pas exactement de nulle part puisqu’il est connu pour être le co-scénariste du très bien coté Joachim Trier (Oslo 31 août, Thelma, Julie en 12 chapitres). Pour sa deuxième escapade du côté de la réalisation, il nous propose un retour dans le monde vertigineux de l’enfance, terrain de l’absence de limites et de la découverte. L’histoire se déroule lors d’un été en Norvège. La jeune Ida suit ses parents et sa soeur Anna, autiste, dans un nouvel appartement. La gamine sympathise vite avec le jeune et dangereux Ben alors que sa soeur se lie d’amitié avec Aisha, qui semble pouvoir communiquer avec elle. Les enfants se découvrent bientôt des pouvoirs surhumains qui donneront un peu plus de sel à leurs jeux, leur permettant d’expérimenter à tout va. Alors que leurs notions du bien et du mal ne sont pas encore clairement délimités, les enfants devront faire face aux conséquences dramatiques de l’utilisation de leurs dons.
The Innocents foule le terrain pas très neuf de Incassable de M.Night Shyamalan, avec ses « super » en herbe qui évoluent dans un univers réaliste, dénué du folklore dramatique des comic-books, mais Eskil Vogt parvient à renouveler la formule en y injectant l’innocence de l’enfance qui joue avec la mort, un peu comme René Clément l’avait fait avec son Jeux Interdits. Le réalisateur norvégien a su s’entourer de quatre jeunes acteurs étonnants, menés avec conviction par la charismatique Rakel Lenora Fløttum. Ce casting fait l’essentiel du travail pour tenir en haleine le spectateur, car on prend beaucoup de plaisir à les suivre alors même que l’exposition se perd en lenteurs. Leur regard et leurs attitudes permettent de donner vie à leurs questionnements face à l’inconnu, tenant le film dans un entre-deux constant : D’un côté le plaisir presque primal pris par l’action sur leur environnement. De l’autre leurs dérives du côté du bien ou du mal, qui sont très codifiées et empruntent la voie du super-héros / nemesis dans ce qu’elle a de plus commune.
Eskil Vogt aurait pu amplifier le versant enfantin « innocent » en nous laissant entrer avec plus d’intensité dans les ressentis de ses personnages, mais le choix d’une réalisation descriptive, naturaliste et en surface le conduit plus vers une approche observatrice. C’est cette distance de point de vue qui le fait échouer à retenir la glissement des enfants vers l’archétype observé – et jugé- avec le regard de l’adulte. Il y’a quelques passages sans concession qui font transparaître des angoisses enfantines à l’état brut – la peur de l’isolement, l’abandon et la perte d’amour des parents – et ils sont heureusement soutenus par la conviction des jeunes acteurs et un sens certain du découpage spatial qui abolit les frontières physiques. Le retrait systématique des adultes pour rendre la plénitude de l’expérience des enfants est aussi très bien rendu, tout autant que la relation des deux soeurs qui se construit sur le drame. Mais un trop grand sentiment de hauteur empêche The Innocents d’être pleinement à la hauteur de ses ambitions.