Réalisation : Vincent Le Port
Scénario : Vincent Le Port
Directeur de la photographie : Michaël Capron
Montage : Jean-Baptiste Alazard, Charlotte Butrak (son)
Musique : Olivier Messiaen
Chef Décorateur : Arnaud Lucas
Costumes : Véronique Gély
Production : Thierry Lounas, Roy Arida, Pierre-Emmanuel Urcun
Pays : France
Durée : 1h41
Sortie en salles le 23 mars 2022. Sortie en combo DVD/Bluray le 23 août 2022.

Genre : Biographie, Polar
Note : 7,5/10
Le 1er septembre 1905, Bruno Reidal, jeune séminariste du Cantal d’à peine dix sept ans avoue le meurtre sauvage et la décapitation d’un gamin de douze ans. En prison, le professeur Alexandre Lacassagne – un des fondateurs de l’anthropologie criminelle – et deux autres médecins l’incitent à écrire à sa vie pour comprendre son geste. Bruno Reidal est de ces films très simples construit autour d’une idée, qui recèlent pourtant une grande richesse et une complexité insoupçonnée. Vincent Le Port connut Vincent Reidal à travers le livre Serial Killers de Stéphane Bourgoin. Immédiatement fasciné par le profil peu classique du meurtrier et le contexte du crime, il lui fallut pas moins de 5 ans pour accoucher de son scénario. Il s’entoure par la suite d’acteurs non professionnels pour accentuer l’authenticité des villageois de Raulhac de 1905, et de son anti-héros. La reconstitution historique est aussi peu démonstrative que truffée de détails. Le Port parvient à restituer avec brio les conditions de vie miséreuses des familles nombreuses de campagne et une vie de malheur qui passait d’une génération à l’autre. Il incorpore ces éléments dans son récit, jamais gratuitement et d’une façon évocatrice qui saura parler aux plus anciens, et donnera aux plus jeunes une vue plus juste de l’histoire de leur pays.
Dans cette justesse de la reconstitution, Bruno Reidal est aussi appliqué (voire même plus) que Le Juge et l’Assassin. Relatant des faits d’une époque très proche des crimes de Joseph Vacher relatés dans le chef d’oeuvre de Bertrand Tavernier, Le Port peut difficilement se défaire d’une tel héritage. Il choisit néanmoins une approche moins politique, qui laisse de côté les rapports entre la justice et le criminel – pour se concentrer sur le récit, l’individualité du criminel, son rapport à ses proches, à la religion et à ses pulsions. Ce parti pris de donner toute la place à la personnalité et au ressenti de Bruno Reidal colle à l’approche d’Alexandre Lacassagne, interlocuteur de Bruno sur tout le film, dans la vraie vie fondateur de l’anthropologie criminelle et de l’Ecole lyonnaise de Criminologie. Vincent Le Port livre ainsi autant un hommage à ce grand personnage, et aux criminologues qu’il inspira, qu’un rapport honnête et frontal sur un fait divers peu connu – vécu de l’intérieur. Bruno Reidal fait froid dans le dos par son approche clinique du sujet, sa volonté de tout regarder en face, de ne rien cacher – y compris de l’horreur de l’acte commis. Aussi en s’abstenant de juger, car reconstituer les pièces du puzzle revient à mettre le nez dans une suite d’échecs de la société et des adultes, mal interprétés par un enfant plutôt intelligent.
Dans le rôle titre, Dimitri Doré apporte la seconde originalité du film, incarnant un tueur juvénile bien loin des standards qu’on se fait du prédateur. Il parvient à donner au récit quelque chose d’organique, à éviter l’écueil de la prise de distance réflexive. Malgré l’approche « scientifique » de Vincent Le Port, le sentiment d’excitation de la préparation du crime transparaît de façon viscérale, inquiétante mais irrésistible – comme la préliminaire d’un acte d’amour. On joue sur l’attente de l’acte qu’on connaît, un peu comme le Heavenly Creatures de Peter Jackson qui laissait dérouler une marche funèbre pour mieux faire exploser la violence. Cette montée en puissance de la pulsion est une des plus grandes réussites de ce premier film étonnant, réussi de bout en bout. C’est une très bonne nouvelle qu’il débarque dans nos salles, après avoir fait ses classes à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes et au dernier Etrange Festival. Un bel exemple du fait que la France gagne à puiser dans son Histoire pour alimenter son cinéma de genre.
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