Better Call Saul – Saison 6 partie 2

Créateurs / Showrunners : Peter Gould & Vince Gilligan

Scénario : Peter Gould, Vince Gilligan, Gordon Smith, Ann Cherkis, Alison Tatlock, Thomas Schnauz, Ariel Levine

Réalisation : Vince Gilligan, Michael Morris, Michelle MacLaren, Thomas Schnauz, Peter Gould

Directeur de la photographie : Marshall Adams, Paul Donachie

Montage : Skip MacDonald, Chris McCaleb, Joey Reinish, Joey Liew

Musique : Dave Porter

Cheffe Décoratrice : Denise Pizzini

Direction Artistique : Dins Danielsen, Ian Scroggins, Nikki Rudloff

Casting : Sharon Bialy, Russell Scott, Sherry Thomas

Pays : USA

Durée : 6 x 50-69 mn

Diffusée sur Netflix du 11 juillet 2022 au 16 aout 2022. Disponible en intégralité sur Netflix.

Production : Melissa Bernstein, Vince Gilligan, Mark Johnson, Diane Mercer, Bob Odenkirk, Thomas Schnauz, Peter Gould, Jenn Caroll, Ann Cherkis, Gordon Smith, Alison Tatlock, Trina E. Siopy, Michael Morris, James Powers

Acteurs Principaux : Bob Odenkirk, Rhea Seehorn, Jonathan Banks, Giancarlo Esposito, Patrick Fabian, Pat Healy, Carol Burnett, Tina Parker, Peter Diseth, Bryan Cranston, Aaron Paul

Genre : Comédie, Polar, Drame

Note : 10/10

Janvier 2008. L’âge d’or de HBO est révolu et le monde des séries tévés ne se renouvelle plus. Comme si cela ne suffisait pas, une grève des scénaristes a paralysé l’industrie de novembre 2007 à février 2008. Mais dans ce vide de fin de décennie, une autre chaîne du câble est en train de monter. AMC a déjà joué un atout en produisant Mad Men. La série sur les pubards des 60’s qui a mis AMC en orbite comme un potentiel successeur de HBO. Breaking Bad est menée par Bryan Cranston, l’homme qui a éclipsé l’intégralité du casting pourtant irréprochable de la série Malcolm. Cette histoire d’un prof de chimie cancéreux décidé à collaborer avec un ancien cancre d’une de ses classes pour fabriquer la meilleure métamphétamine du monde et laisser un peu d’argent à sa famille est sortie du cerveau fourmillant d’un des scénaristes pivots des X Files, Vince Gilligan. Elle a bien failli ne pas être vendue. La grève des scénaristes a amputé le show d’une moitié de sa saison, mais il ne faudra qu’un épisode pour qu’AMC tienne son deuxième hit. Le reste est entré dans la légende.

16 août 2022. Better Call Saul, la série dérivée de Breaking Bad, se clôt sur un épisode d’une grande intensité, et avec lui le Breaking Bad Universe prend aussi fin.

Thomas Schnauz, Peter Gould et Vince Gilligan, trois génies de l’écriture et de la réalisation

Ce qui s’est passé entre-temps est le produit d’une méthode d’écriture à toute épreuve, mais qui laisse passer les heureux évènements. Certaines séries s’écrivent avec un plan, d’autres – et souvent les meilleures – gèrent au fur et à mesure, avec souplesse les impératifs de production et réagissent à ce qui fonctionne dans leur série. C’est une writers room hors du commun qui a géré Breaking Bad et Better Call Saul, et qui a développé des personnages parmi les plus fascinants de ces quinze dernières années. Beaucoup d’entre eux n’étaient même pas destinés à durer plus de quelques épisodes. A la tête de l’édifice, Vince Gilligan et Peter Gould (créateur du personnage de Saul Goodman et showrunner de Better Call Saul) gèrent la cohérence, mais aussi l’équilibre, aidés par des scénaristes et des réalisateur.e.s soucieux d’aller constamment dans directions insoupçonnées, mais sans tapage et roulements de tambours. Et puis il y’a l’équipe de réalisation, le montage, la musique, les acteurs (il faudrait plusieurs articles pour rendre justice à chacun d’entre eux). Cela fait un grand nombre de personnes à qui tirer son chapeau Sans oublier la ville d’Albuquerque qui a abrité les histoires de Walter White/Heisenberg et de Jimmy McGill/Saul Goodman, au coeur de laquelle sont désormais érigées les statuts de Walter White et Jesse Pinkman. Peut-être devrait-on y ajouter celles de Jimmy McGill et de Kim Wexler, car Better Call Saul a prolongé ce petit miracle au-delà de toutes les espérances. Car oui, c’est bien un petit miracle qu’un tel niveau de qualité ait pu survivre pendant près de 15 ans à la standardisation que les plateformes ont fait subir aux séries tévés.

Juillet 2022, à Albuquerque Nouveau Mexique. Peter Gould et Vince Gilligan posent devant les statuts de Walter White et Jesse Pinkman pour leur inauguration
Le tableau d’écriture de l’épisode Breaking Bad (partagé par Thomas Schnauz sur son fil twitter)

La fin de la première partie de la saison 6 de Better Call Saul nous avait laissés sans voix. Comment la deuxième partie de la saison allait-elle pouvoir remplir les attentes après un pareil cliffhanger? Ils n’allaient tout simplement plus en jeter. Le dernier épisode de cette première partie est le premier d’un pivot à trois épisodes qui constitue le climax de Better Call Saul. Une nuit cauchemardesque, tétanisante, tendue qui changera à jamais la vie d’au moins quatre personnages importants. Le troisième épisode pose les conséquences de cette nuit. A la suite de ces trois épisodes qui se concluent sur un flashforward surprenant, Better Call Saul tel qu’on la connaissait est terminée, et toutes les questions qu’on se posait encore sur ce qui a mené à Breaking Bad sont résolues. Les épisodes suivants, en noir et blanc, reprennent la timeline de Gene Takavic, la fausse identité prise par Saul Goodman suite aux évènements de Breaking Bad, que l’on apercevait souvent en ouverture des saisons. Il n’y aura donc pas de continuité qui nous amène à l’histoire de la première série, comme on aurait pu le croire, mais une suite très coenienne qui ne manque pas de dynamisme, d’humour et d’ironie. La casting fait peau neuve avec l’étonnante Carol Burnett (peu connue chez nous, mais une institution aux USA) et Pat Healy (vu dans Cheap Thrills) , les nouvelles proies d’un Saul Goodman prêt à renaître de ses cendres.

L’ombre de Saul Goodman sur Gene Takavic en un plan

Cela n’empêche pas Peter Gould et Vince Gilligan de rompre parfois ce noir & blanc pour nous ramener au sein de Breaking Bad ou entre les deux séries. Mais ces incursions ne sont jamais gratuites. Elles jettent une nouvelle lumière sur les évènements de Breaking Bad, mais permettent avant tout de mieux saisir Jimmy McGill. L’épisode bien nommé Breaking Bad (6-11) est le pendant de l’épisode Better Call Saul (par lequel Saul Goodman était arrivé dans Breaking Bad). On y voit la rencontre entre l’avocat, Walter et Jesse, du point de vue de Saul Goodman. Mais ce point de non-retour met en évidence un nouveau point de non-retour dans l’intrigue de Gene Takavic, préfigurant les évènements qui le mèneront une nouvelle fois à sa perte, tout en mettant l’accent sur sa dépendance à Saul Goodman qui prend toujours le dessus. Les autres flashbacks en couleur interviendront comme des fantômes pour le final, sous la forme d’une question cruciale posée aux hommes qui ont croisé sa route – mais qui met en valeur l’impossibilité pour Jimmy d’admettre ses regrets. A l’exception d’une scène faite « pour le plaisir de » (entre Kim Wexler et Jesse Pinkman), Better Call Saul ne capitalisera sur Breaking Bad que pour faire la lumière sur l’histoire complexe de Jimmy McGill et de Kim Wexler.

La nuit où leur vie a basculé

Il a fallu un certain temps pour que les scénaristes de Better Call Saul se rendent compte que Kim Wexler était l’inconnue dans la transformation de Jimmy McGill en Saul Goodman. Le personnage incarné par Rhea Seehorn, devenu plus qu’un acolyte dans le plan pour faire couler Howard Hamlin et le cabinet HHM, prend la mesure de l’horreur que le couple a provoqué. Transformés en Meryl Streep et Laurence Olivier le temps d’une journée, le couple doit soigner sa performance d’acteur pour faire semblant que leur vie n’a pas changé pour toujours. Kim fait un examen de sa conscience et elle prend sur elle de quitter la scène. La grande révélation sera faite avec une certaine majesté, dans ce flashforward de plusieurs années qui nous conduit à Saul Goodman. Pas besoin d’en dire plus. Le dernier élément qui subsistait de Jimmy McGill n’existe plus. Une autre interaction avec Kim Wexler sera la cause indirecte de la chute de Gene Takovic, le retour des mauvais penchants. Dans l’avant dernier épisode, Kim s’absout du crime qui l’avait conduite dans un purgatoire de banlieue en révélant à la justice, puis à la femme d’Howard Hamlin ce qui s’est passé cette nuit-là. Son action sera la décharge qui fera revenir Jimmy McGill lors du dernier épisode. Mais il faudra, en attendant, se régaler des tours de passe passe concoctés par Peter Gould dans son dernier round. Jusqu’à la fin, nous penserons que Jimmy est définitivement mort. Le dernier tour de Saul Goodman aura été d’organiser la présence de Kim à son audience, la seule machine à remonter le temps disponible pour contrer le plus grand escroc du barreau.

Saul Goodman, de personnage rocambolesque à spectre d’un homme abîmé

Cette dernière partie puise dans des influences beaucoup plus littéraires pour réaliser un bilan du Breaking Bad Verse, le destin de Jimmy McGill étant devenu progressivement le pivot de celui-ci. Comme Jimmy/Saul est une variation de Jekyll et Hyde, le motif de « la machine à explorer le temps » est présent discrètement depuis le début de la saison 6. Dans le dernier épisode, Saul Gone (6-12), les showrunners font du classique de H.G Wells une allégorie des regrets. Cette allégorie s’exprime par la visite de Mike, de Walter White et de Chuck – fantômes du passé de notre Scrooge du barreau -pour délivrer un message qui résonne sur les deux séries. Il y’a toujours une possibilité de faire demi tour lorsqu’on tombe dans le crime. Il y’a les plus forts qui le feront en leur âme et conscience en payant le prix fort des erreurs déjà commises (Jesse Pinkman, Kim Wexler, d’une certaine façon Howard Hamlin), il y’a les personnages tragiques qui ne le feront jamais et entraîneront la mort partout autour d’eux (Walter White, Gus Fring, Hector Salamanca), les lucides qui ne le feront pas mais trouveront un sens à leur sacrifice (Mike Ehrmantraut, Nacho Varga) et il y’a celui qui arrivera dans la dernière ligne droite et bénéficiera de l’intervention bienveillante d’une bonne étoile (JImmy McGill).

Rhea Seehorn, en route pour un Emmy Award

Peter Gould et Vince Gilligan savaient depuis la saison 5 que le sort de Jimmy se jouerait dans une salle d’audience, mais il aura fallu un cheminement un peu plus long pour qu’ils se rendent compte qu’il y’avait une troisième voie. Les deux showrunners aimaient tellement leur personnage qu’ils lui ont inventé une série, puis une humanité, puis ils l’ont fait glisser de cette humanité avec patience – et un doigt de sadisme. Mais entre temps, il y’avait toujours Kim Wexler, la seule personne qui connaissait encore Jimmy McGill. La seule qui pouvait le faire revenir dans la pire des configurations – dans l’antre de Saul Goodman, à l’instant où celui-ci parachevait le plus grand casse de sa carrière. Better Call Saul pourrait être la série de Kim (elle l’est un peu, d’une certaine façon), mais elle est avant tout six saisons de patience pour rendre ce lien réel, sans effusion, sans trop de mots, sans même le nommer. Aussi réel qu’on puisse croire qu’une action de Kim puisse pirater en plein vol l’avocat le plus marron de la création, pour le faire revenir à ce qu’il était juste le temps qu’il faut pour faire entrer le cheval de Troie de Jimmy. Il y’a toujours une possibilité de revenir en arrière lorsque ce lien existe encore et lorsqu’il est suffisamment fort pour nous rappeler ce qu’on a été. Il aura fallu cette somme de talents pour transformer la tragédie finale de Breaking Bad en un message aussi simple et fort.

Quand même la promo est faite avec classe …

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