2023 – Paresse Organique cherche Intelligence Artificielle

Novembre 2023. Avec 47 millions de dollars de recettes sur ces trois premiers jours, The Marvels devenait le pire démarrage d’un film Marvel depuis l’ouverture du Marvel Cinematic Universe, emboitant le pas à l’échec d’Antman et la guêpe : Quantum mania et à une année grise pour les super-héros Marvel que seuls le troisième opus des Gardiens de la Galaxie – un vestige de la première époque – et la série Loki ont pu sauver. Une réaction du public qui se faisait attendre depuis des années. A force de trop tirer sur la corde… Depuis 2020, le multiverse TM a étouffé tous développements dramatiques, faisant de Marvel un vaste self-service super-héroïque sans grand âme, aussi exigeant envers le spectateur (il faut avoir vu tous les films et séries pour s’y retrouver) qu’auto-complaisant envers sa formule.  Les auteurs de South Park ont très bien analysé la méthode de l’application d’une recette en lieu et place de scénarios et d’histoires dans le très pertinent Joining the Panderverse. Pendant ce temps, l’univers étendu DC est lui-aussi (encore) en crise, avec des sorties tardives qui peinent à s’imposer au box-office (Aquaman 2) et un passage de relai annoncé à James Gunn (encore lui !) – qui aura fort à faire pour relever la barre. Maintenant que la sanction des spectateurs est tombée, on aimerait que le vent tourne.

Mais vers quoi le vent peut-il bien tourner ?

L’avenir du cinéma appartient-il aux intelligences artificielles ? La Writer’s Guild a brandi ses pancartes de grève du 2 mai au 27 septembre. Parmi les revendications des scénaristes américains, le souhait que l’IA ne soit utilisée « que comme un outil pouvant aider à la recherche ou faciliter les idées de scénario, et non comme un outil pour les remplacer ». En 2023, l’arrivée de Chat GPT-4 a démocratisé l’intelligence artificielle et lancé un débat qui était jusqu’ici larvé. Faire un film via une intelligence artificielle n’est désormais plus un scénario de science-fiction, et certaines professions se sentent menacées, à juste titre. Trey Parker et Matt Stone n’ont pas résisté à mettre leur grain de sel dans ce débat en créditant Chat GPT au scénario d’un des épisodes de la saison 26 de South Park. Pas le plus original de la saison, il est vrai, mais le rendu est suffisamment crédible pour penser que des ersatz de franchises peuvent désormais être pondus à la douzaine.

Dans le sillage de cette démocratisation, la méfiance du cinéma de SF/anticipation envers l’intelligence artificielle se dilue. Pour preuve une poignée de productions de qualité (que nous n’avons pas pu chroniquer ici, faute de temps, mais faute avouée…) qui arrivent à point nommé dans la dernière partie de cette année pour nous dire que l’AI, ce n’est plus skynet et la guerre des machines. The Creator de Gareth Edwards nous fait réfléchir sur la coexistence pacifique avec ses gentils robots intelligents, qui sont victimes d’une erreur humaine ayant entraîné leur traque. Le sympathique Mars Express des scénaristes de Lastman explore un monde d’hybrides et parle de libération des robots. Mais le prix du réquisitoire le plus vibrant contre les humains revient à Pluto, la série adaptée des mangas de Naoki Urasawa. Sorte de Watchmen dans l’univers d’Astroboy de Tezuka, Pluto suit l’enquête d’un détective alors que les robots les plus puissants disparaissent les uns après les autres. Une série d’une puissance et d’une richesse qui relègue toute la production sérielle de cette année.

Le cinéma post-super-héros sera-t-il un cinéma des marques ? En cherchant à redonner une jeunesse à sa barbie historique à travers un film, Mattel a joué le coup gagnant de cette année. Le film divertissement rose-bonbon gentiment inoffensif commandé à Greta Gerwig a réussi à faire croire qu’il était une satire grinçante du patriarcat. La recette du succès est un buzz sans précédent sur les réseaux sociaux (le tragique « Barbenheimer »), le débauchage d’une pointure du cinéma indépendant américain qui commence à aimer le fric et une grande cause sociale pour étouffer tout dialogue sur la qualité de ce qu’on voit à l’écran. Pour défendre un peu l’objet, on arguera que Margot Robbie et Ryan Gosling font bien le boulot, mais ça on le savait déjà. De notre côté, on attend vivement le Polly Pocket de Lena Dunham pour voir jusqu’où peut aller notre pendant régressif. Les apprentis cinéastes « indies » ont de belles payes devant eux. A moins qu’une intelligence artificielle soit déjà en pôle position pour ce rôle.

Dans cet avenir incertain, les anciens restent des valeurs sûres. On se réjouira que le génial Oppenheimer de Christopher Nolan ait été le deuxième gagnant de l’été 2023. On oubliera pas la profession de foi de Steven Spielberg avec le beau caméo de David Lynch, ni le superbe Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese ou le sympathique dernier Miyazaki, Le garçon et le Héron. La revanche du film a aussi beaucoup apprécié le vent nouveau dans le polar qui a soufflé au printemps dernier (Misanthrope, Dernière nuit à Milan, Burning Days…) et la vague de films de genres français inspirée qui a inondé les écrans en cette fin d’année.

Mais 2023, c’est aussi la perte de William Friedkin, un grand homme à qui le polar et l’horreur moderne doivent beaucoup. L’Exorciste, Sorcerer, Police Fédérale L.A, French Connection (…). Un legs inestimable qui vaut bien une nouvelle bannière hommage. Un peu plus tard dans l’année, les sériephiles malheureux des 90’s ont perdu coup sur coup Matthew Perry (Chandler Bing) et Andre Braugher (Le détective Pembleton dans Homicide, Ray Holt dans Brooklyn 99). Pendant ce temps, Archer vit ses derniers instants et on annonce déjà la dernière saison de What we do in the Shadows. Recherche désespérément nouvelles valeurs sûres…

2023, c’est 92 articles sur la Revanche du Film, et vous êtes plus de 13000 à nous avoir rendu visite (robots compris), ce qui est un beau record. Ecrire ces chroniques reste toujours un plaisir, mais faute de temps, nous ne pouvons pas continuer à ce rythme. Les articles seront donc bien plus rares, mais nous restons dans le coin car sur le ouaibe, rien ne s’arrête véritablement. Je vous souhaite une belle année 2024 remplie de beaux horizons cinés et sériels, avec ou sans IA pour vous tenir compagnie.

Un commentaire sur “2023 – Paresse Organique cherche Intelligence Artificielle

Ajouter un commentaire

  1. Un bilan sans appel pour une formule dont on avait prédit le déclin depuis longtemps. En tout cas, une année riche de très belles surprises de la part des vétérans du septième art (Scorsese, Spielberg, Wenders, Bellocchio, Miyazaki, …) qui nous prouve qu’il y a encore de la lumière au bout du projecteur.
    Belle fin d’année, et rdv l’an prochain.

    Aimé par 1 personne

Répondre à princecranoir Annuler la réponse.

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑