Réalisation : Viggo Mortensen
Scénario : Viggo Mortensen
Directeur de la photographie : Marcel Zysking
Montage : Ronald Sanders
Bande Originale : Viggo Mortensen
Cheffe Décoratrice : Carole Spier
Direction Artistique : Jason Clarke
Casting : Dierdre Bowen
Production : Daniel Bekermann, Viggo Mortensen, Chris Curling, Peder Pedersen
Pays : Canada, Royaume-Uni
Durée : 1h52
Sortie en salles le 19 mai 2021

Acteurs Principaux : Lance Henriksen, Viggo Mortensen, Sverrir Gudnasson, Laura Linney, Hannah Gross, Terry Chen, Etienne Kellici, David Cronenberg
Genre : Drame familial
Note : 8/10
John (Viggo Mortensen) a trouvé un équilibre, entre un mari aimant et une fille adoptive qu’il élève de façon très moderne. Mais on devine que son parcours n’a pas dû être sans obstacles lorsqu’on visite les flashbacks d’une vie dans laquelle le père a toujours été une ombre malveillante et destructive. Il a pourtant choisi d’accueillir ce père qui commence à souffrir de démence sénile. Si Willis (Lance Henriksen) a toujours été l’archétype du conservateur rural égocentrique, sa toxicité envers sa famille s’est encore amplifiée à mesure que le monde lui a échappé et qu’il n’a pas su accepter la différence de ses proches, et en particulier l’homosexualité de John. S’il veut le garder avec lui, ce dernier devra aussi composer avec l’agressivité déployée par un vieillard en totale perte de contrôle. Bien qu’il s’arme d’une grande patience, John va être mis à l’épreuve au-delà de ce qu’il aurait pu soupçonner.
A 62 ans, Viggo Mortensen réalise son premier film, une nouvelle corde à l’arc d’un artiste accompli et qui ressort visiblement comme l’assouvissement d’un besoin. Falling traite de sujets qu’il est très difficile d’aborder avec justesse, à moins qu’on les ait réellement connus ou fortement redoutés : la difficulté de vivre avec un parent toxique, la peur de la perte de contrôle (et de la mort) qu’implique la vieillesse et l’impossibilité de communiquer lorsque un gap est monumental entre deux générations (ici, la conception de la masculinité). L’acteur/scénariste/réalisateur parvient à trouver le ton juste sur chacun de ces positionnements. Ses flashbacks intégrés délicatement à la narration, parfois sous la forme d’impressions, embrassent les penchants masochistes du père sans jamais masquer le ressenti du fils et des autres membres de la famille. Ils ponctuent de longues scènes de provocations, signifiant que le présent porte toujours fatalement le passé, et que les difficultés rencontrées avec un parent sont très souvent amenés à s’amplifier avec le temps. La longue scène familiale au cours de laquelle Willis fait progressivement fuir tout ceux qui étaient à sa table, pour finir par acculer sa fille sous le regard circonspect de la petite-fille, résume assez bien ce qu’a été la vie de l’homme.
Au top de son jeu d’acteur, le redoutable Lance Henriksen (que Viggo Mortensen avait rencontré sur le tournage du western Appaloosa) perturbe ce petit monde. Pour servir ce personnage rare, il est secondé à merveille par sa version en plus jeune incarnée par l’acteur finlandais Sverrir Gudnasson. Ce dernier combine une ressemblance troublante avec Viggo Mortensen et une subtile incarnation du jeu d’Henriksen qui créent à eux-seuls le lien entre le passé et la filiation si peu présents dans le comportement du père. Grâce à ce casting, il y’a moins à faire pour que ressortent les émotions non exprimées lors des face à face entre Mortensen et Henriksen. Le réalisateur a néanmoins choisi l’angle le moins évident (mais probablement le plus intéressant) pour aborder son sujet. On peut comprendre la difficulté d’un fils à devoir composer avec un parent sénile, mais le défi de faire ressentir l’attachement pour un père avec qui il n’ y’a que des souvenirs toxiques est une autre affaire. C’est un beau jeu d’équilibriste que Viggo Mortensen a fait pour retranscrire avec autant de sincérité un dilemme intérieur aussi complexe. La pression de Falling monte constamment, et l’explosion sans cesse reculée par les mesures de tempérance du fils mènera à un soulagement résigné, peut-être la seule chance pour John de laisser aller et de vivre sa propre intériorité. Traînant le label d’un Festival de Cannes 2020 orphelin de projection, Falling aurait mérité une palme.
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