Bones and All

En 2019, Luca Guadagnino nous assénait un remake terne du Suspiria de Dario Argento, qu’un final grand-guignol en roue libre achevait de rendre indigeste. Il n’en reste aujourd’hui que la musique lancinante composée par Thom Yorke (dont c’était le premier essai dans la musique de film) et un sentiment de déception, car le réalisateur italien avait auparavant livré le très prometteur Call me by your name, romance multi-récompensée à raison – qui brillait par son tact et par sa réalisation à fleur de peau. Ce sentiment de déception est désormais du passé car son nouveau film Bones and All corrige le tir. Cette nouvelle incursion du réalisateur italien dans le drame horrifique suit Maren, une adolescente cannibale qui entreprend un roadtrip à travers les Etats-Unis pour comprendre qui elle est, et pourquoi elle est poursuivie depuis son enfance par cette terrible malédiction. Elle découvrira qu’il existe d’autres personnes comme elle et se liera avec un jeune homme qui partage son fardeau, et le lot de traumatismes qui va avec.

Dévoiler le cannibalisme derrière Bones and All est déjà un spoiler car le réalisateur prend un grand soin à introduire son récit dans un contexte réaliste, comme s’il contait l’histoire d’une lycéenne marginale repliée sur elle-même et qui trouverait enfin une porte d’entrée dans le monde…jusqu’à ce que l’élément nous soit révélé de façon brutale. Mais ce spoiler est nécessaire car il signore Guadagnino n’est pas italien pour rien, et la tradition gore réaliste italienne a de longues années derrière elle, celle des Fulci, Deodato, D’Amato etc… Il faut donc être prévenu avant d’entrer dans la salle que Bones and All n’est pas la romance « sauvage » qu’on nous vend, mais un film qui ose montrer le cannibalisme dans ce qu’il a de plus repoussant. Et ce n’est pas qu’une affaire de montrer. Ces scènes gores crues dialoguent en permanence avec la chronique à fleur de peau, douce et remplis de tact en apparence, le côté Call me by your name de Guadagnino, ce qui accentue leur effet.

La réalisation et le montage savent à merveille amplifier les aspects horrifiques et inquiétants et jouer de ce contraste. Le travail sur le son (notamment durant ces scènes gores) et la bande originale à tomber composée par Trent Reznor et Atticus Ross immergent dans un monde à la fois terrifiant et familier. Un monde peuplé de personnages mémorables comme celui campé par Mark Rylance, tantôt mis en valeur comme une ombre surnaturelle, tantôt comme une être humain pathétique luttant contre une malédiction qui le conduit à être exclu de la société. En assumant pleinement sa cruauté et son aspect road-movie atmosphérique, Bones and All lorgne vers le Near Dark de Kathryn Bigelow, mais il fait aussi du pied au Martin de George Romero et à la grande tradition américaine des road-movies initiatiques. Taylor Russell, révélée par le film Waves, porte très bien cet équilibre difficile entre empathie, innocence et prédation. Bones and all est film pur et attachant, tellement qu’on lui pardonnera son côté trop prévisible.

Réalisation : Luca Guadagnino

Scénario : David Kajganich, d’après le roman de Camille DeAngelis

Directeur de la photographie : Arseni Khachaturan

Montage : Marco Costa

Musique : Trent Reznor, Atticus Ross, Robin Urdang

Chef Décorateur : Elliott Hostetter

Direction Artistique :Victoria Resendez

Assistant Réalisateur : Paul Schneider

Effets Spéciaux / Maquillages : Mike Smithson, Jody Byrne, Jason Hamer

Production : Production : Luca Guadagnino, David Kajganich, Francesco Melzi d’Eril, Lorenzo Mieli, Marco Morabito, Gabriele Moratti, Theresa Park, Peter Spears

Pays : Italie, USA

Durée : 2h10

Sortie en salles le 23 novembre 2022

Acteurs Principaux : Taylor Russell, Timothée Chalamet, Mark Rylance, Michael Stuhlbarg, David Gordon Green, Chloë Sevigny, Andre Holland, Jessica Harper, Jake Horowitz

Genre : Thriller horrifique, Drame

Note : 7,5/10